L’hôpital d’instruction des armées (HIA) Bégin, plus communément appelé « hôpital Bégin », est un hôpital militaire situé à Saint-Mandé, dans la proche banlieue est de Paris. Il est destiné à recevoir des malades et des blessés lors d’interventions militaires sur différents continents mais aussi des civils, et dispose des technologies les plus modernes.
Souhait de Napoléon III
L’hôpital Bégin a été créé à l’initiative de Napoléon III (décret du 21 avril 1855) pour prendre en charge les blessés et les invalides de la guerre de Crimée (de 1853 à 1856) qui a opposé l’Empire russe à une coalition formée de l’Empire ottoman, de la France, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne. En effet, les militaires blessés étaient alors trop nombreux pour pouvoir être accueillis dans les hôpitaux militaires parisiens de l’époque, le Val-de-Grâce et le Gros-Caillou. L’hôpital a été construit en trois ans sur un terrain de cinq hectares, donné par le maréchal Vaillant, ministre de la Guerre. Il s’agissait de l’ancien site de la ménagerie royale du château de Vincennes situé en plein bois et le long des voies d’accès, sur un plateau salubre, bien aéré et protégé des vents du Nord par les hauteurs de Belleville et les collines de Montreuil.
Selon la légende, l’impératrice Eugénie, en promenade équestre dans le bois de Vincennes, aurait aperçu une statue de la Vierge, appelée Notre-Dame de Lorette, qui était censée apporter son aide aux femmes ayant des désirs de grossesse difficiles à satisfaire. L’impératrice, ayant préalablement fait deux fausses couches, se serait arrêtée devant cette statue pour prier la Vierge. Quelques mois plus tard, elle a donné naissance au prince Eugène Louis Napoléon (qui mourra à 25 ans en Afrique du Sud, aux côtés des Anglais dans la guerre contre les Zoulous). En guise de remerciement de cette naissance, la statue a été laissée en place au moment de la construction de l’hôpital et l’impératrice a financé elle-même l’édification d’une petite chapelle dans le parc de l’hôpital en 1858. Cette chapelle a été reconstruite plus tard et accueille des manifestations religieuses et culturelles. Un écusson en forme de berceau surmonté d’un aigle, emblème de l’hôpital (fig. 1), a été sculpté sur le fronton de l’hôpital pour rappeler cet événement.
Les travaux de construction de l’hôpital ont débuté en 1856, selon les plans établis par le lieutenant-colonel Livet et le capitaine du génie Merland pour un coût de plus de 2 milliards de francs de l’époque. Les trois bâtiments ont une forme en fer à cheval, reliés par une terrasse au premier étage, entourant une cour d’honneur avec un bassin (fig. 2). Le bâtiment principal A est réservé à l’administration (fig. 3), le bâtiment B est utilisé par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul et le bâtiment C pour l’hospitalisation des officiers. L’hôpital est inauguré le 31 mai 1858, comme hôpital militaire de Vincennes. Puis un quartier des contagieux (trois bâtiments pour les malades et un pour le logement des infirmiers), séparé par un mur, est construit, en 1910, au nord-est du parc, à l’écart des bâtiments principaux de l’hôpital.
Rapports des médecins inspecteurs pour des améliorations
Au fil des ans, les rapports des médecins inspecteurs des armées se succèdent pour analyser l’état des lieux et y apporter les solutions nécessaires.
En 1859 (médecin général Levy) : bâtiments ne répondant pas aux conditions fondamentales d’hygiène, les latrines à la turque étant un facteur d’insalubrité, « importance de traiter le soldat malade de manière à lui inspirer le respect de lui-même et de l’hôpital où il est soigné ; le parquet ciré est réussi et le soldat n’y crache plus ! ».
En 1861 (médecin inspecteur Sédillot) : mauvaise aération des salles, absence de salle d’opération, hospitalisations estimées trop longues, les officiers de santé qui y travaillent oublient de mettre l’uniforme.
En 1863 (médecin inspecteur académique) : chapelle jugée trop petite, absence de buanderie, capacité d’accueil insuffisante.
En 1869 (médecin inspecteur Lustreman) : impression au premier abord satisfaisante, « mais après un examen plus approfondi, il est loin de mériter le nom d’hôpital modèle qui lui a été prématurément donné ».
Entre 1869 et 1872 : guerre de 1870, aucune inspection.
En 1872 (D. Larrey) : hôpital trop vite rempli en temps de guerre et d’épidémie, nécessité d’un nouveau bâtiment, système de chauffage et de ventilation fondé sur huit calorifères au sous-sol « aussi mauvais que dispendieux ».
En 1894 (médecin inspecteur Vallin) : remplacement des numérotations des salles par des noms de « médecins et chirurgiens qui ont illustré la médecine militaire, comme Maillot, Desgenettes, Broussais, Percy, Michel Levy, Boudin, Villemin ».
En 1900 (médecin général inspecteur Dujardin-Baumette) : installation d’une salle d’honneur et d’une salle de repos et de lecture, création d’un laboratoire de bactériologie, blessés divisés en septiques et aseptiques avec des salles d’opération séparées, aménagement de réfectoires, mais absence de chambres individuelles pour officiers.
La salle d’honneur a été décorée par le peintre Karbowsky, dont le fils avait été traité dans cet hôpital.
L’éclairage électrique est installé dans tout l’hôpital en 1902. En juin 1905, a eu lieu la première anesthésie au chloroforme.
Hôpital d’instruction des armées
À l’époque de la construction de l’hôpital Bégin, Paris était divisé en trois secteurs, chacun ayant son hôpital : l’hôpital Saint-Martin au nord, l’hôpital de Vincennes à l’est et l’hôpital du Gros-Caillou au sud (qui sera démoli en 1892), avec une capacité totale de 2 900 lits. Mais la dénomination d’hôpital militaire posait quelques problèmes pour la municipalité de Saint-Mandé, qui avait fourni le terrain. Aussi, le 31 mars 1900, la direction des services de santé des armées a décidé de l’appeler hôpital Bégin, en hommage au chirurgien Louis-Jacques Bégin (1793 - 1859). Puis, pour confirmer sa participation à l’enseignement de la médecine, il sera appelé hôpital militaire d’instruction Bégin en 1960, puis hôpital d’instruction des armées Bégin en 1967.
Qui est Louis-Jacques Bégin ?
Louis-Jacques Bégin (fig. 4) est né en Belgique. Il fait ses études de médecine à Metz et intègre l’armée à l’âge de 15 ans comme aide-chirurgien au 1er corps d’observation de l’Elbe. Il participe à la campagne de Russie, puis à différentes campagnes, y compris la bataille de Waterloo. Il intègre ensuite l’hôpital militaire de Strasbourg et devient professeur à la faculté de Strasbourg. En 1842, il est nommé membre du Conseil de santé des armées, puis, en 1847, président de l’Académie de médecine et directeur du Service de santé des armées, et, en 1853, chirurgien consultant de Napoléon III. Il prend sa retraite à Locronan, où il meurt en 1857. Il y est enterré avant d’être transféré au cimetière de Montparnasse, à Paris.
Organisation militaire
La vie de l’hôpital est établie de façon précise dès son ouverture (encadré).
Lors de l’Exposition universelle de 1900, plus de vingt délégations étrangères ont visité l’hôpital Bégin, montrant l’intérêt qu’il suscitait auprès des étrangers.
En 1910, un bâtiment des contagieux est construit.
En 1920, le nombre de lits est ramené à 600.
En 1923, un ciné-théâtre est installé sur une pelouse désaffectée, afin de donner aux patients et aux infirmiers des spectacles « de bon goût » et des « causeries sur des questions d’hygiène, d’agriculture et de sciences ». Ce baraquement est démoli en 1934. Les années suivantes, l’approche de la guerre entraîne des aménagements des locaux pour la défense passive (généralisation des points d’eau et des bouches d’incendie, installation de portes lourdes, aménagement de salles de pansements).
Activité maintenue pendant la Seconde Guerre mondiale
Au début de la Seconde Guerre mondiale, des ordres contradictoires sont envoyés au médecin-chef de l’hôpital Bégin sur l’évacuation de l’hôpital (120 blessés assis le 11 juin 1940 ; 400 le 13 juin, 60 le 14 juin). Mais le 18 juin, le médecin colonel Vielle diffuse l’ordre du jour : « Le médecin-chef est heureux et fier de se retrouver au milieu de son personnel resté à son poste (…) pour se préparer à fonctionner à plein pour les batailles en cours autour de Paris (…) avec esprit d’abnégation et de sacrifice. »
Cependant, un officier allemand ordonne de retirer le drapeau français sur le fronton de l’hôpital et de le remplacer par celui de la Croix-Rouge. En outre, un médecin colonel allemand demande de libérer le rez-de-chaussée pour pouvoir accueillir des soldats allemands blessés. La période d’occupation influence assez peu le fonctionnement de l’hôpital Bégin. Cependant, une chambre chaude de désinsectisation et une salle d’épouillage sont installées pour les militaires rapatriés d’Allemagne et une partie des jardins est transformée en potager pour les familles des officiers et sous-officiers. En 1943, l’hôpital est touché par les éclats de défense anti-aérienne, qui endommagent l’annexe de la pharmacie et, en août 1944, un bombardement allemand détruit le laboratoire de bactériologie.
Le pavillon des contagieux est fermé en 1946. Puis, après travaux et restauration, il est transformé en une maternité qui ouvre en 1947.
Établissement moderne accessible à tous les patients
En 1964 est édifié, au sud de l’hôpital et sur les plans de l’architecte Laborie, un nouveau bâtiment en forme de croix, qui est inauguré le 29 octobre 1970 par Michel Debré, ministre de la Défense nationale.
Dès 2002, des travaux de modernisation et d’actualisation sont effectués dans tous les bâtiments, dans le respect des normes actuelles, avec 80 % de chambres individuelles, ce qui ramène la capacité d’hospitalisation à 360 lits dont 20 lits pour l’hospitalisation de jour.
Le bâtiment de l’hôpital moderne s’étend sur 41 000 m2 répartis sur six étages avec une capacité de 602 lits (fig. 5). La maternité de 16 lits a fermé en 2015, pour accueillir les services d’urologie, de chirurgie viscérale et d’ophtalmologie en raison de la fermeture de l’hôpital du Val de Grâce.
L’hôpital Bégin est actuellement dirigé par le Pr Serge Cremades, médecin général inspecteur, et géré par le Service de santé des armées. L’hôpital Bégin reçoit les malades et les blessés des opérations extérieures et des différents conflits. Il accueille donc, avec l’hôpital Percy situé à Clamart, les militaires des différentes interventions militaires mais aussi les civils en secteur 1 : en 2011, 80 % des patients étaient des civils, provenant des villes avoisinantes. Il comprend les différents services habituels médicaux, chirurgicaux, biologiques et radiologiques, un service d’accueil et d’urgence et un service de médecine ambulatoire (20 lits) ouverts en permanence. La capacité actuelle est de 360 lits, dont 149 lits de médecine, 66 lits de chirurgie et 30 lits de psychiatrie, mais la capacité d’accueil peut atteindre 430 lits en cas de nécessité sanitaire. L’hôpital Bégin dispose des techniques les plus modernes, comme la chirurgie robotique, la chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale et des chambres à pression négative. En 2014, une infirmière de Médecins sans frontières, rapatriée du Liberia pour une infection par le virus Ebola, a pu être traitée à l’hôpital Bégin. Les médecins font régulièrement des missions en zones de conflit sur différents continents, ce qui leur permet d’actualiser en permanence leurs connaissances sur les maladies infectieuses et tropicales. L’hôpital a été qualifié par la Haute Autorité de santé de la mention de « haute qualité des soins ».
Depuis 2007, d’importantes transformations ont été entreprises. Et, après dix ans de travaux de rénovation, l’hôpital Bégin restauré a été inauguré le 15 mars 2017 par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Au cours de son allocution, celui-ci a salué « l’engagement, le courage et le professionnalisme de chacun des personnels qui ont pris en charge l’afflux massif des blessés lors des attentats de novembre 2015 et qui ont continué, malgré les travaux en site occupé, à garantir la qualité et la disponibilité des soins qui font la réputation des hôpitaux militaires ». Il a par ailleurs rappelé sa fierté de disposer d’un hôpital qui s’inscrit résolument dans son territoire de santé et qui, par son expertise à la pointe de la modernité, sera capable de relever les nouveaux défis qui l’attendent, qu’ils soient médicaux, opérationnels ou au bénéfice de la résilience de la nation. À cette occasion, une statue de 5 mètres de haut et pesant 2 tonnes, édifiée par René Leleu au Val-de-Grâce en mémoire des martyrs de la Seconde guerre mondiale, a été transférée à l’hôpital Bégin.
En première ligne pour les militaires
Ainsi, l’hôpital Bégin, avec les sept autres hôpitaux militaires répartis dans toute la France, permet au Service de santé des armées de rester en première ligne dans la gestion des conséquences médicales des conflits et des crises sanitaires. Le retour d’expérience du terrain est toujours étudié avec beaucoup d’attention et est indispensable dans la culture militaire pour améliorer les conditions sanitaires de la population civile et militaire.
Horaires des activités de l’hôpital Bégin au XIXe siècle
5h30 : réveil des infirmiers.
De 6h30 à 7h30 : instruction théorique pour les jeunes et exercices militaires pour les gradés et infirmiers.
7h30 : visite des malades par les médecins traitants.
10h30 et 17h : repas des malades.
Coll. Le patrimoine des communes du Val-de-Marne. Éd. Flohic, 1994. 289 p.
Hassenforder J. Bégin et l’hôpital Bégin. Bull Inform Service de Santé 1914 ;6 :5761.
Vittori (général). L’hôpital des armées Bégin, de sa création à nos jours. Rev historique de l’Armée 1972 ;28(1) :106-21.