Selon l’Anses, certains tableaux de maladies professionnelles sont obsolètes par rapport aux connaissances scientifiques et aux pratiques médicales actuelles. Elle appelle à les mettre à jour (harmoniser les délais de prise en charge, changer les listes des professions…), mais aussi à inscrire de nouvelles maladies dont le lien est avéré ou probable avec certaines expositions professionnelles mais qui ne sont pas couvertes actuellement.

En France, la reconnaissance des maladies professionnelles repose principalement sur un système de tableaux : toute affection qui répond aux conditions médicales, professionnelles et administratives mentionnées dans ces tableaux est systématiquement présumée d’origine professionnelle, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que la personne prouve le lien entre sa maladie et son travail pour bénéficier de la prise en charge des soins et de diverses compensations financières.

Trois colonnes définissent les conditions administratives de reconnaissance :

  • la désignation de la maladie, qui décrit les symptômes ou pathologies que doit présenter le malade ;
  • le délai de prise en charge, c’est-à-dire la durée maximale entre l’arrêt de l’exposition et la première constatation médicale de la maladie ;
  • une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer les maladies.

La création et la modification des tableaux résultent d’un compromis mettant en balance les données scientifiques avec les considérations financières, politiques et sociétales, au fur et à mesure de l’amélioration des connaissances épidémiologiques sur les facteurs de risque de ces maladies.

Une expertise récente de l’Anses juge que l’évolution des connaissances scientifiques et médicales a rendu obsolètes un certain nombre de tableaux existants, engendrant une sous-reconnaissance des maladies professionnelles et des difficultés d’accès à des indemnisations pour des salariés victimes de ces maladies.

Quelles recommandations ?

L’Anses propose trois axes pour mettre à jour les tableaux existants :

  • pour la colonne « désignation de la maladie » : ne plus détailler les modalités de diagnostic et indiquer uniquement le nom de la maladie (accompagné le cas échéant de la formulation « confirmé par les examens recommandés par les sociétés savantes ou la Haute Autorité de santé au moment du diagnostic »), puisque certains tableaux requièrent des modalités de diagnostic qui ne sont plus utilisées aujourd’hui ;
  • pour la colonne « délais de prise en charge » : vérifier l’ensemble des délais de prise en charge pour les harmoniser et les adapter aux modalités de traitement et aux délais d’apparition des maladies (pour les cancers solides en particulier, elle recommande de fixer un délai de prise en charge de 50 ans). En effet, les experts ont constaté que :
  • pour une même maladie, certains délais diffèrent entre les tableaux des régimes général et agricole et au sein d’un même régime,
  • certains délais sont trop courts pour réaliser les examens médicaux nécessaires au diagnostic ;
  • pour la colonne listant les travaux susceptibles de provoquer les maladies, elle préconise :
  • que ces listes ne soient plus limitatives mais indicatives afin de pouvoir inclure des travaux entraînant des expositions comparables à ceux déjà listés. Les experts soulignent que ces listes sont parfois incomplètes et ne mentionnent pas toutes les activités actuellement connues pour être à risque, notamment celles exposant à des agents nocifs (chimiques, physiques…),
  • d’explorer les enjeux de la polyexposition dans le milieu professionnel et des interactions entre les expositions à l’origine de maladies multifactorielles (cancers, maladies dégénératives…).

Enfin, les experts de l’Anses ont identifié une quarantaine de maladies ayant un lien avéré ou probable avec une exposition professionnelle mais qui ne sont pas inscrites aujourd’hui dans un tableau de maladie professionnelle.

Parmi elles : certains cancers, des troubles cardiovasculaires, des maladies psychiques et cognitives ou des pathologies respiratoires (détaillés pages 19 à 23 du rapport téléchargeable ici). Ces maladies ont été principalement identifiées grâce aux travaux publiés par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et par l’Anses, ou figurent dans les listes des pathologies indemnisables au titre de maladie professionnelle dans d’autres pays européens. L’Anses recommande donc d’inclure ce recensement de maladies dans le travail futur des commissions de maladies professionnelles, afin d’engager des travaux d’expertise pour créer de nouveaux tableaux le cas échéant.

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