Les maladies vasculaires du foie englobent les atteintes des vaisseaux sanguins artériels et veineux, touchant aussi bien la microcirculation que la macrocirculation hépatique et périhépatique. 

Lorsque l’atteinte est veineuse, elle inclut des pathologies telles que le syndrome de Budd-Chiari (SBC), la thrombose de la veine porte (TVP) et la maladie vasculaire porto-sinusoïdale (MVPS). Ces maladies correspondent à une obstruction d’une partie du système veineux hépatique par un thrombus d’origine cruorique. La localisation de l’obstruction définit chaque entité. Ces maladies partagent plusieurs caractéristiques  :

  • ce sont des maladies rares  ;
  • elles entraînent des complications d’hypertension portale  ;
  • elles se développent en l’absence de maladie hépatique sous-jacente  ;
  • l’âge de survenue est jeune, entre 30 et 50 ans le plus souvent.

Le SBC et la thrombose portale ont de nombreux facteurs de risque communs, dont les néoplasies myéloprolifératives, fréquentes chez ces patients, et qui nécessitent une investigation complète et rapide des risques thrombotiques.

Les maladies vasculaires d’origine artérielle ne sont pas abordées dans ce dossier. Les plus fréquemment rencontrées sont les anévrismes et pseudo-anévrismes, les fistules artério-veineuses observées en particulier dans la maladie de Rendu-Osler, ainsi que des lésions ischémiques d’origine artérielle, comme la cholangite ischémique. Certains contextes spécifiques tels qu’une infection due au Sars-CoV- 2, l’utilisation prolongée de kétamine ou des périodes de réanimation prolongée sont évocateurs de cholangite ischémique. 

Trois entités selon la localisation

Les maladies vasculaires veineuses du foie se répartissent en trois grands types en fonction de la localisation de l’atteinte.

Syndrome de Budd-Chiari

Le syndrome de Budd-Chiari (SBC) primaire est causé par une obstruction du système veineux hépatique d’origine cruorique, à la sortie du foie, allant des petites veines hépatiques jusqu’à l’entrée de la veine cave inférieure dans l’oreillette droite. Les diagnostics différentiels incluent les SBC dits secondaires, c’est-à-dire des obstructions d’origine tumorale ou mécanique, ou encore des élévations de pression à la sortie du foie (sans obstruction), en lien avec une insuffisance cardiaque ou une péricardite constrictive, par exemple.1 

Thrombose de la veine porte

Le terme «  thrombose de la veine porte  » désigne une obstruction non tumorale de la veine porte, de ses branches ou de ses ramifications. Les obstructions tumorales impliquent du tissu tumoral dans la veine porte et ne sont pas présentées dans cet article. La TVP peut survenir, chez des patients sans maladie hépatique sous-jacente, avec une cirrhose, une MVPS ou un SBC. Après une thrombose aiguë de la veine porte et en l’absence de recanalisation, un réseau de veines collatérales porto-portes, appelé cavernome, se développe. Le cavernome est considéré comme la séquelle de la thrombose.2 Le terme cavernome est synonyme de thrombose chronique de la veine porte. 

Maladie vasculaire porto-sinusoïdale

La MVPS se caractérise par des altérations de la microcirculation intrahépatique, c’est-à-dire des veinules portales ou des sinusoïdes, en l’absence de cirrhose. Le terme MVPS regroupe diverses entités nommées d’un point de vue histologique «  hyperplasie nodulaire régénérative  », «  veinopathie portale oblitérante  », «  sclérose hépatoportale  », «  fibrose septale incomplète  », «  fibrose portale non cirrhotique  », ou d’un point de vue clinique «  hypertension portale idiopathique  », «  hypertension portale intrahépatique non cirrhotique  ».3

Maladies rares chez des patients jeunes

Les maladies vasculaires du foie sont considérées comme des maladies rares dans la population générale du fait de leur prévalence annuelle inférieure à 2 cas pour 10 000 personnes. 

Selon une étude prospective française, la prévalence du SBC primaire est de 4,1 par million d’habitants.4 Peu d’études ont évalué la prévalence de la thrombose de la veine porte. À titre d’exemple, dans une étude rétro­spective suédoise qui a inclus tout type de thrombose de la veine porte (récente ou chronique, en contexte ou non de cirrhose ou de néoplasie), la prévalence de la thrombose de la veine porte était de 3,7 pour 100 000 habitants.5 

La prévalence de la MVPS en France et en Europe n’est pas bien établie en raison de l’absence de registre et du fait d’une homogénéisation très récente des critères diagnostiques. Cependant, les données de la base nationale française des maladies rares (BNDMR/BaMaRa) révèlent une prévalence de 3,9 cas pour 100 000 habitants (données FilFoie, juillet 2024). 

La prévalence du SBC et de la MVPS semble varier selon l’origine géographique, avec une fréquence plus élevée observée chez les populations asiatiques et dans les pays en développement. Ces différences sont possiblement liées à des facteurs ethniques et socio-économiques. 

Les maladies vasculaires touchent des patients jeunes, avec un diagnostic le plus souvent posé entre 35 et 40 ans pour la MVPS, et 45 à 50 ans pour le SBC.1 La thrombose de la veine porte et le SBC atteignent autant les hommes que les femmes alors que la MVPS a une prédominance masculine (65  % d’hommes).1,4,6

Multiples facteurs de risque

Les facteurs de risque des maladies vasculaires du foie peuvent être locaux ou systémiques (tableau). Souvent, plusieurs d’entre eux ont concouru à la survenue de la thrombose.

Facteurs de risque systémiques 

Une néoplasie myéloproliférative est mise en évidence chez 30 à 50  % des patients avec SBC ou TVP,7 et 5 à 20  % des MVPS. Les trois principales néoplasies myéloprolifératives sont la polyglobulie de Vaquez, la thrombocytémie essentielle et la myélofibrose primitive. Les autres causes systémiques possibles sont les déficits constitutionnels en inhibiteurs de la coagulation (antithrombine, protéine C, protéine S, la mutation du facteur V Leiden qui induit une résistance à la protéine C activée, et la mutation G20210A de la prothrombine), les anomalies acquises comme les anticorps antiphospholipides, l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, la maladie de Behçet, certaines infections virales (CMV, VIH), la contraception œstroprogestative ou la grossesse. 

Causes locales

Infection, inflammation ou cancer dans le territoire splanchnique, chirurgie abdominale sont des causes locales possibles.

Encadre

Découverte des mutations JAK dans les thromboses idiopathiques

La découverte de la mutation JAK2 V617F en 2005 a modifié les pratiques pour le diagnostic des néoplasies myéloprolifératives (NMP). Elle est présente chez 95 % des patients avec une polyglobulie de Vaquez, 65 % des patients avec une myélofibrose primitive et 55 % des patients avec une thrombocytémie essentielle.8

Une méta-analyse a rapporté une prévalence des NMP et de la mutation JAK2 V617F respectivement de 40,9 % et de 41,1 % chez les patients présentant un syndrome de Budd-Chiari (SBC), et de 31,5 % et de 27,7 % chez les patients avec une thrombose de la veine porte (TVP).9 Chez les patients sans anomalie de l’hémogramme évocatrice de syndrome myéloprolifératif (SMP) [anomalies pouvant être masquées par l’hypertension portale], la recherche de la mutation JAK2 V617F permet d’identifier un SMP sous-jacent chez 17,1 % des patients avec SBC et 15,4 % des patients avec TVP. La recherche de la mutation JAK2 V617F est donc un examen à réaliser en première intention chez les patients avec thrombose splanchnique.

Références
1. Garcia-Pagan JC, Valla DC. Primary Budd-Chiari syndrome. N Engl J Med 2023;388(14):1307-16.
2. Plessier A, Darwish-Murad S, Hernandez-Guerra M, et al. Acute portal vein thrombosis unrelated to cirrhosis: A prospective multicenter follow-up study. Hepatology 2010;51(1):210-8.
3. De Gottardi A, Rautou PE, Schouten J, et al. Porto-sinusoidal vascular disease: Proposal and description of a novel entity. Lancet Gastroenterol Hepatol 2019;4(5):399-411.
4. Ollivier-Hourmand I, Allaire M, Goutte N, et al. The epidemiology of Budd-Chiari syndrome in France. Dig Liver Dis 2018;50(9):931-7.
5. Rajani R, Björnsson E, Bergquist A, et al. The epidemiology and clinical features of portal vein thrombosis: A multicentre study. Aliment Pharmacol Ther 2010;32(9):1154-62.
6. Magaz M, Giudicelli-Lett H, Abraldes JG, et al. Porto-sinusoidal vascular liver disorder with portal hypertension: Natural history and long-term outcome. J Hepatol 2025;82(1):72-83.
7. Kiladjian JJ, Cervantes F, Leebek FWG, et al. The impact of JAK2 and MPL mutations on diagnosis and prognosis of splanchnic vein thrombosis: A report on 241 cases. Blood 2008;111(10):4922-9.
8. Chait Y, Condat B, Cazals-Hatem, et al. Relevance of the criteria commonly used to diagnose myeloproliferative disorder in patients with splanchnic vein thrombosis. Br J Haematol 2005;129(4):553-60.
9. Smallberg JH, Arends LR, Valla DC, et al. Myeloproliferative neoplasms in Budd-Chiari syndrome and portal vein thrombosis: A meta-analysis. Blood 2012;120(25):4921-8.

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Résumé

Les maladies vasculaires du foie regroupent les atteintes des vaisseaux artériels et veineux, hépatiques et périhépatiques. Les principales formes veineuses sont le syndrome de Budd-Chiari (SBC), la thrombose de la veine porte (TVP) et la maladie vasculaire porto-sinusoïdale (MVPS), définies par la localisation de l’obstruction thrombotique. Le SBC correspond à une obstruction des veines hépatiques, la TVP à une obstruction de la veine porte avec risque de cavernome, et la MVPS à une atteinte de la microcirculation intrahépatique sans cirrhose. Ces maladies rares touchent surtout des adultes jeunes et entraînent une hypertension portale en l’absence de maladie hépatique sous-jacente. Les néoplasies myéloprolifératives constituent un facteur de risque fréquent, parmi d’autres causes systémiques (troubles de la coagulation, anticorps antiphospholipides, infections, grossesse) ou locales (inflammation, chirurgie).