L’été, les méduses envahissent de plus en plus de plages. On estime qu’environ 150 millions de personnes sont victimes de leurs piqûres chaque année. Outre la toxicité de leur venin, certaines espèces peuvent aussi entraîner des réactions allergiques. Tour d’horizon avec une fiche sur les bons réflexes en cas de piqûre.

Les cnidaires sont des animaux marins caractérisés par la présence de cnidocytes. Ces cellules urticantes spécialisées, principalement localisées sur la cloche et les tentacules, contiennent des nématocystes, organites à l’intérieur desquels se trouve un tubule lancéolé, rempli de venin. Lors d’un contact avec une méduse, cet élément, brusquement éjecté, pénètre dans la peau de la victime et délivre son venin dont la toxicité varie selon la classe de méduse.

On distingue :

  • Les classiques Scyphozoaires : ce sont les « véritables méduses » retrouvées sur le littoral français métropolitain ; elles incluent Pelagia noctiluca en Méditerranée, Aurelia aurita, présente aussi bien sur la côte atlantique que méditerranéenne, et Rhizostoma pulmo, rencontrée principalement dans l’Atlantique. Elles possèdent un corps gélatineux en forme de cloche translucide et des tentacules.
  • La classe des Hydrozoaires, présents dans les océans, mais aussi parfois en eau douce. Une forme particulière, Physalia physalis, n’est pas, à proprement parler, une méduse : il s’agit d’une colonie de polypes aux fonctions différentes, reliés entre eux par des canaux (le stolon). Bleue violacée, surmontée d’un flotteur en forme de vessie, elle fut utilisée par Charles Richet et Paul Portier dans la description initiale de la réaction anaphylactique (encadré 1).
  • La classe des Cubozaires (ou cuboméduses) regroupe les méduses les plus meurtrières en raison de la forte toxicité de leur venin. Elles se retrouvent dans certains territoires d’outre-mer, comme Cyanea capillata en Polynésie française.

Envenimation : quels effets ?

Réaction toxique au venin

Les toxines sécrétées par les méduses, dont le but est de capturer leurs proies ou de se défendre des prédateurs, peuvent se révéler nocives pour les humains. Les nématocystes, situés sur les tentacules, libèrent un venin composé de sérotonine, d’histamine, de peptides, de protéines et d’autres composants, pouvant entraîner une cytotoxicité, voire une défaillance cardiovasculaire dans les cas les plus sévères. Par exemple, le venin de la méduse Cyanea nozakii, présente dans le Pacifique Nord au niveau des littoraux japonais et chinois, est composée de toxines comme la phospholipase A2, l’inhibiteur de la sérine protéase et la métalloprotéinase (probablement la principale toxine mortelle).

Les décès concernent principalement les piqûres de Chironex fleckeri, présente dans le sud-est asiatique et en Australie. Le seul antivenin disponible est spécifiquement conçu pour traiter l’envenimation causée par cette cuboméduse redoutable.

Manifestations cliniques

Le venin des méduses présentes sur le littoral français métropolitain provoque, chez la victime, des symptômes locaux : douleurs, rougeurs, atteintes urticariennes ou vésiculeuses (marques linéaires ayant la forme des tentacules), associées parfois à un œdème, des sensations de brûlures ou un prurit. Dans certains cas, ces lésions évoluent vers une nécrose cutanée persistant plusieurs semaines. Les réactions systémiques – troubles cardiovasculaires, nausées, vomissements – sont plus rares. Leur gravité dépend de l’espèce en cause, de la zone de piqûre et des antécédents médicaux de la personne concernée.

Une atteinte oculaire peut entraîner douleur et photophobie, érythème conjonctival et augmentation de la pression intraoculaire. Dans de rares cas, une réaction retardée peut survenir plusieurs joursou mois après la piqûre (en l’absence de réaction immédiate initiale), sous forme de lésions chéloïdes, de vésicules ou d’une pigmentation linéaire.

Le syndrome d’Irukandji, dû à la méduse Carukia barnesi (Australie), se manifeste par des douleurs intenses, des crampes musculaires, de l’agitation, des maux de tête, des nausées, une HTA sévère et une tachycardie. Dans les cas les plus graves, un œdème pulmonaire, une hémorragie cérébrale, un arrêt cardiaque peuvent survenir environ 30 minutes après l’envenimation (entre 5 et 120 mins). Le venin de C. barnesi contient des molécules de 50 à 100 kDa, capables de se déplacer dans le système lymphatique, ce qui peut entraîner un retard dans l’apparition des symptômes.

Les larves de Linuche unguiculata (méduse « dé à coudre » présente dans les Caraïbes) sont responsables de la dermite des surfeurs : lorsqu’elles se retrouvent piégées sous les maillots de bain ou dans les cheveux des personnes exposées ensuite à de l’eau douce (baignade ou douche), elles libèrent leur venin, entraînant un prurit féroce et une irritation cutanée. Les localisations les plus fréquentes sont la région fessière ou tronc chez les surfeurs et les zones de flexion. Dans de rares cas, frissons, fièvre, nausées et vomissements peuvent être associés, surtout chez l’enfant.

Réactions allergiques

En plus de la toxicité directe, des réactions allergiques IgE-médiées sont décrites après un contact direct ou une consommation de méduse.

La méduse au menu : risque d’anaphylaxie

Les réactions allergiques alimentaires immédiates restent exceptionnelles. En 2021, seuls 7 cas sont publiés en Asie, où cette particularité culinaire est proposée sous forme de chips ou en entrée. Au Japon, on compte six méduses comestibles (classe des Scyphozoaires) : Rhopilema esculentum, Stomolophus meleagris, Rhopilema hispidum, Lobonema smithii, Nemopilema nomurai et Crambionella helmbiru.

Chez l’enfant, la survenue d’une allergie alimentaire à la méduse ne semble pas associée à une sensibilisation préalable par piqûre de ces cnidaires, contrairement à certains cas observés chez l’adulte (encadré 2).

Allergie au nattō

Le nattō est un aliment japonais obtenu par la fermentation, pendant 12 à 24 h, de haricots de soja sous l’action de Bacillus subtilis. Il s’agit d’un mucilage gluant contenant l’allergène PGA (acide gamma-polyglutamique).

L’allergie au PGA du nattō repose sur un mécanisme IgE-médié et se distingue par un temps de latence prolongé avant l’apparition des symptômes (entre 10 et 12 heures) contrairement aux réactions allergiques IgE-médiées classiques (quelques minutes à 2 heures). Les manifestations cliniques sont souvent d’emblée sévères sous forme de choc anaphylactique. Paradoxalement, l’allergique au nattō ne réagit pas à la consommation de soja. La sensibilisation initiale au PGA est le plus souvent liée à son inoculation, par contact, avec des tentacules de méduse lors d’activités nautiques. Ceci explique une prévalence accrue des réactions anaphylactique chez les surfeurs lors de la consommation de nattō. Cependant, l’exposition initiale au PGA ne se limite pas au contact cutané avec les méduses : leur consommation peut également être en cause. En effet, cet allergène est très présent dans l’industrie alimentaire dans des pâtes et soupes asiatiques, dans certains produits de contraste, dans des cosmétiques.

Que faire en cas de piqûres de méduse ? Fiche pratique

Cette fiche est téléchargeable sur ce lien.

La prévention des piqûres de méduse repose sur plusieurs mesures :

  • fermeture des plages infestées et avertissement des baigneurs lorsque l’infestation est importante ;
  • port de vêtements protecteurs (les combinaisons en lycra ou stinger suits sont recommandées contre les Cubozoaires comme Chironex fleckeri) ;
  • surveillance des zones à risque, notamment en période estivale ;
  • un site très utile pour suivre la présence des méduses sur les littoraux (Italie, Espagne, France, Grande-Bretagne) : https ://meduseo.com/v2/fr/.

En cas de piqûre, les gestes de premiers secours varient selon la classe de méduse :

  • sortir immédiatement la victime de l’eau pour éviter la noyade et prévenir le centre de secours ;
  • rincer la peau uniquement à l’eau de mer ;
  • retirer doucement les tentacules qui adhèrent à la peau avec une pince à épiler ou en appliquant du sable sec puis en le retirant avec un carton rigide (carte postale ou une carte de crédit) sans frotter, puis rincer à nouveau avec l’eau de mer ;
  • attention : les nématocystes peuvent rester actifs après la mort de la méduse, mais aussi sur des petits fragments de tentacules ;
  • pour les piqûres de méduses hydrozoaires (sauf physalie) et cubozoaires, l’irrigation au vinaigre (acide acétique à 5 %) pendant 30 secondes permettrait d’empêcher une nouvelle décharge des nématocystes (mesure déconseillée pour les piqûres de Scyphozoaires retrouvés sur nos côtes) ;
  • à éviter, en raison du risque de libération supplémentaire de toxine par les nématocystes :
    • Rinçage à l’eau douce pour nettoyer ;
    • Application d’alcool, d’urine, d’eau de Javel, de Coca-Cola ou de jus de citron ;
  • désinfecter avec un antiseptique ;
  • peuvent être prescrits en fonction des symptômes : antihistaminiques, antibiothérapie, lidocaïne locale ;
  • pour soulager la douleur (après les soins primaires) :
    • application de compresses d’eau chaude (efficace pour les piqûres de Physalia physalis et d’Alatina alata selon les études de Li R et al.) ;
    • la lidocaïne ne semble pas toujours efficace ; cependant, une solution de 10 à 15 % de chlorhydrate de lidocaïne soulage rapidement la douleur engendrée par les méduses Chiropsalmus quadrumanus et Chrysaora quinquecirrha.

Encadre

1. Les méduses dans la découverte de l’anaphylaxie

Lors d’une croisière en 1901 sur le yacht « Princesse Alice » du prince Albert Ier de Monaco, les chercheurs français Charles Richet et Paul Portier tentent une expérience sur des chiens. Ils espèrent prouver que l’exposition répétée à la toxine de la méduse Physalia pourrait les immuniser. Mais la seconde injection provoque une réaction mortelle. En 1902, Richet nomme ce phénomène « anaphylaxie » en expliquant que la réexposition à une substance peut entraîner une hyper-réaction plutôt qu’une protection. Cette découverte lui vaudra le prix Nobel de médecine en 1913.

Encadre

2. Allergie après consommations de méduses : cas cliniques

Cas clinique 1. Une jeune Japonaise de 14 ans a eu deux épisodes distincts d’anaphylaxie après ingestion de méduse. Les prick-tests, réalisés avec cinq espèces comestibles, ont révélé une positivité à trois d’entre elles. Le dosage d’IgE spécifiques anticollagène de méduse (non disponible en France) se révèle positif, suggérant le rôle de cette protéine dans le déclenchement de l’anaphylaxie.

Cas clinique 2. Un Chinois de 26 ans a eu une anaphylaxie 30 minutes après la consommation de méduses salées et cuites. Contrairement au cas précédent, l’interrogatoire a révélé la notion de deux piqûres de méduse dans les six mois précédents.

Cas clinique 3. Lors d’une sortie en mer à Hawaï, un enfant atteint de Pica et d’autisme sévère a ingéré une cuboméduse hautement toxique. Cela a provoqué une œsophagite et une gastrite persistant au moins quatre mois.

Références
INPN. Les méduses en France.  2006.
SNSM. Les conseils des sauveteurs en mer pour éviter et soigner les piqûres de méduse.  19 mai 2025.
Cunha SA, Dinis-Oliveira RJ. Raising Awareness on the Clinical and Forensic Aspects of Jellyfish Stings: A Worldwide Increasing Threat. International Journal Of Environmental Research And Public Health.  Int J Environ Res Public Health 2022;19(14):8430.
Ponce D, Brinkman D, Potriquet J, et al. Tentacle Transcriptome and Venom Proteome of the Pacific Sea Nettle, Chrysaora fuscescens (Cnidaria : Scyphozoa).  Toxins 2016;8(4):102.
Bañón-Boulet E, Gonzalez-Arnay E. The toxicity of Physalia physalis: systematic review and experimental study.  Int Marit Health 2025;76(1):42-62.
Montgomery L, Seys J, Mees J. To Pee, or Not to Pee: A Review on Envenomation and Treatment in European Jellyfish Species. Mar Drugs 2016;14(7):127.
Tsuge M, Ikeda M, Mitani O, et al. Anaphylaxis after jellyfish ingestion with no history of stings: a pediatric case report.  Allergy Asthma Clin Immunol 2021;17(99).
Tanaka K, Kondo Y, Inuo C, et al. Allergen Analysis of Sea Urchin Roe Using Sera from Five Patients. Int Arch Allergy Immunol 2014;164(3):222-7.
Shigeno A, Suzuki T, Obayashi M, et al. Natto (fermented soybeans)-induced anaphylaxis in a surfer with the possibility of sensitization to poly(γ-glutamic acid) from cutaneous exposure to jellyfish sting: a case report.  Int J Emerg Med 14 mars 2024.
Kubota S, Nozawa A, Yanai T, et al. The case of a 14-year-old boy who experienced anaphylaxis due to jellyfish (mastigias papua) ingestion.  Aerugi 2017;66(6):809-12.
Amato G, Vita F, Gemelli F, et al. Jellyfish anaphylaxis: A wide spectrum of sensitization routes.  Allergy Asthma Proc 2020;41(3):158-66.
Tibballs J, Yanagihara AA, Turner HC, et al. Immunological and Toxinological Responses to Jellyfish Stings.  Inflamm Allergy Drug Targets 2011;10(5):438-46.
Peng X, Liu K, Chen J, et al. Jellyfish Stings: A Review of Skin Symptoms, Pathophysiology, and Management.  Med Sci Monit 2024;30:e944265.
DeLoughery EP. There’s something in the water: an overview of jellyfish, their stings, and treatment.  Int Marit Health 2022;73(4):199-202.
Nisa SA, Vinu D, Krupakar P, et al. Jellyfish venom proteins and their pharmacological potentials: A review.  Int J Biol Macromol 2021;176:424-36.
Li R, Yu H, Li A, et al. Preparation and Neutralization Efficacy of Novel Jellyfish Antivenoms against Cyanea nozakii Toxins.  Toxins 2021;13(2):165.
Li Z, Tan X, Yu B, et al. Allergic shock caused by ingestion of cooked jellyfish.  Medicine 2017;96(38):e7962.
Smith BR, Sampert CM. Chronic Esophagitis and Gastritis After Ingestion of Box Jellyfish (Class Cubozoa).  Hawaii J Health Soc Welf 2020;79(5 Suppl 1):135-8.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Une question, un commentaire ?