Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) insistent sur l’importance des modifications thérapeutiques du mode de vie dans la prise en charge du diabète de type 2 (DT2). Activité physique, alimentation, soutien psychologique et éducation thérapeutique doivent constituer le socle d’un accompagnement global et personnalisé. Pourtant, sur le plan pratique, de nombreux médecins se retrouvent démunis pour mettre en place des parcours adaptés. Cet article fait le point sur les dispositifs existants, les professionnels impliqués et les outils à disposition pour une mise en œuvre concrète et réaliste.

Activité physique : de la théorie à la prescription

Effets de l’activité physique chez le patient avec un diabète

Les bénéfices attendus pour les patients vivant avec un DT2 sont une amélioration de la sensibilité à l’insuline, une réduction des facteurs de risque de progression du diabète, une diminution du risque de complications cardiovasculaires (CV), une amélioration de la qualité de vie, de l’équilibre glycémique, une diminution de la mortalité, etc. L’activité physique adaptée (APA) constitue une thérapeutique à part entière. Ses effets sont démontrés, qu’elle soit axée sur l’endurance, le renforcement musculaire ou une association des deux. On peut conseiller sans obligation de pratiquer l’APA en post-prandial, afin de diminuer les pics d’hyperglycémie après les repas. 

Évaluation initiale

Avant toute recommandation, une évaluation simple de l’état physique, de la motivation et des freins du patient est indispensable. Des questionnaires ou tests de marche simples peuvent être utilisés en cabinet (voir le site internet mangerbouger.fr).

La consultation médicale nécessite l’évaluation du risque CV. L’utilisation du Systematic Coronary Risk Evaluation 2 -Diabetes (SCORE2 -Diabetes) de l’European Society of Cardiology (ESC) peut être un outil simple. Une épreuve d’effort est préconisée chez les patients avec un DT2 qui envisagent une APA d’intensité élevée, notamment chez ceux qui sont inactifs. Un score calcique coronaire peut aussi être réalisé : le seuil de 400 unités peut être retenu comme nécessitant un avis spécialisé. Il est nécessaire de retarder les activités d’intensité élevée en cas de rétinopathie instable ou de traitement récent par laser. En cas de neuropathie périphérique, compte tenu des risques de plaie du pied, il est important de prévenir les traumatismes en recommandant le port de bonnes chaussures, l’inspection régulière des pieds et le recours aux soins de pédicurie. En pratique, le risque d’hypoglycémie n’existe que pour les patients ayant un traitement par insulinosécréteurs (sulfamides, glinides) ou insuline, ce qui nécessite dans ce cas une autosurveillance glycémique. Les contre-indications sont : un déséquilibre glycémique important, une hypertension artérielle sévère non contrôlée, une rétinopathie instable ou traitée récemment par laser, une atteinte rénale sévère, une mal perforant plantaire ou une ischémie des membres inférieurs.

L’ordonnance d’activité physique adaptée 

Depuis 2016, les médecins peuvent prescrire de l’APA à tous les patients en affection de longue durée (ALD), dont les patients DT2. L’ordonnance doit préciser : 

  • le type d’activité recommandé ;
  • la fréquence et l’intensité ;
  • les éventuelles contre-indications.

Les acteurs à mobiliser

En fonction du niveau d’AP envisagé, le patient sera orienté. Le niveau 1 correspond à la rééducation ou à la réadaptation et nécessite des structures spécialisées. Les interventions de niveaux 2 (APA avec un professionnel de santé ou un enseignant en APA), 3 (avec supervision) et 4 (en autonomie) sont prescrites selon la pathologie traitée, les capacités fonctionnelles et les limites d’activités du patient, mais aussi selon sa capacité à pratiquer des APA en autonomie et de façon sécuritaire.

Les intervenants peuvent être :

  • les éducateurs APA, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens, éducateurs sportifs formés à la santé ;
  • les maisons Sport Santé : elles proposent des programmes adaptés et encadrés. Il en existe actuellement 530 sur le territoire ; une carte interactive peut être consultée ;
  • les clubs locaux (randonnée, gymnastique volontaire…) qui permettent de maintenir l’engagement sur le long terme ;
  • l’Union sports & diabète (USD) : elle propose des stages, des séjours et des accompagnements collectifs.
 

Il existe de plus en plus d’initiatives locales sur lesquelles on peut s’appuyer. Citons également des actions territoriales spécifiques par exemple l’initiative « Sport Santé sur ordonnance », lancée à Strasbourg en 2012.

Bonnes pratiques

Il est bien sûr essentiel de favoriser une activité plaisante et accessible (par exemple le tennis ou la marche). La mise à disposition des brochures ou ressources numériques peut être utile, en particulier avec les coordonnées des différents acteurs locaux.

Diététique : bien plus qu’un régime

Le rôle central du diététicien

Le médecin n’a souvent pas le temps pour conseiller son patient sur son alimentation. Comme pour l’APA, le recours aux professionnels du domaine est donc essentiel. Le diététicien ne se limite pas à des conseils alimentaires. Il évalue les qualités nutritionnelles des repas, les quantités, et surtout le comportement alimentaire (satiété, grignotage, rapport à la nourriture). Il est recommandé d’individualiser et d’adapter la prise en charge du patient à sa situation (âge, poids initial, comportement alimentaire, niveau socio-économique, littératie en santé). L’utilisation de ressources simples et faciles d’accès doit être systématiquement proposée (par exemple le site internet : mangerbouger.fr). 

Il est recommandé de toujours prendre en compte le rapport bénéfices-risques lors de la prescription d’une restriction calorique. Les régimes de restriction quantitative ou qualitative sont fortement déconseillés chez les personnes à risque de dénutrition et de sarcopénie, en particulier chez les personnes âgées en situation de fragilité. L’alimentation méditerranéenne semble être celle qui a montré le plus d’effets bénéfiques sur les patients avec un diabète.

Accès à un suivi diététique

L’accès à un suivi diététique peut être assuré par :

  • des diététiciens libéraux (non remboursés par l’Assurance maladie, mais parfois pris en charge par les mutuelles) ;
  • des diététiciens en centres de santé ou hôpitaux, avec tarifs modérés ;
  • les maisons du diabète, associations, etc.
 

La recherche des troubles du comportement alimentaire doit être systématique. On peut s’aider du questionnaire SCOFF (Sick, Control, One, Fat, Food) qui permet une auto-évaluation rapide en 5 questions. Un accompagnement spécifique doit alors être proposé : réseaux spécialisés (Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids [GROS]), association ENDAT-TCA (https ://www.endat.fr/) en région parisienne, plateformes numériques. Certains programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) ou en soins de suite et de réadaptation (SSR) existent également.

Éducation thérapeutique : un levier majeur d’autonomie

Les modifications progressives et durables des habitudes de vie s’appuient sur une démarche pédagogique : l’ETP via des programmes personnalisés. Selon la HAS, les compétences d’amélioration des habitudes de vie sont développées de manière simultanée avec les compétences d’adaptation ou psychosociales. Cela permet aux patients d’acquérir et de mobiliser fréquemment des compétences d’autosoins et d’adaptation, de les renforcer et de les maintenir dans le temps. Les personnes sont encouragées à jouer un rôle actif. Néanmoins, l’accès aux programmes d’ETP peut être très variable selon les territoires français et complexe à monter. À défaut, un accompagnement thérapeutique peut être mis en place pour soutenir et encourager l’engagement de la personne et favoriser l’autonomie en santé. Il met en œuvre des actions d’information, d’éducation, de conseil et de soutien, et incombe à tout professionnel impliqué dans le parcours de soins.

Les agences régionales de santé (ARS) disposent le plus souvent d’annuaires des structures d’ETP. Citons la carte interactive mise en place par l’ARS Hauts-de-France ou encore le programme « Ma santé, j’en prends soin » via le site planethpatient.fr en Normandie. En Île-de-France, l’association Structure Expertise Ressource (SER) Diabète IDF propose des outils pour la mise en place de programmes sur l’ensemble des départements. Certaines communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou maisons de santé ont également mis en place leur propre parcours d’ETP de proximité.

Le recours à des professionnels qualifiés peut aussi aider au suivi. Les infirmiers Asalée permettent un accompagnement en médecine de ville, gratuit pour le patient, avec un protocole de coopération médecin-infirmier. Les infirmiers de pratique avancée (IPA), en plein développement, sont impliqués dans le suivi des maladies chroniques (diagnostic, prescriptions, organisation du parcours) et disposent d’une formation spécifique en ETP.

Les professionnels de santé ont aussi à leur disposition des outils pédagogiques, comme Maux-croisés.fr, site ludo-pédagogique (jeux, quiz) ou encore la plateforme d’ETP numérique NUVEE qui propose un parcours spécifique accessible à des équipes pluriprofessionnelles ou aux médecins de ville. L’utilisation d’applications mobiles de suivi glycémique, et surtout de la télésurveillance apporte aussi un soutien aux patients traités par insuline, en particulier dans les situations de transition ou de déséquilibre. Différentes structures ont réalisé des fiches pratiques : HAS, Assurance maladie, Diabète LAB (piloté par la Fédération française des diabétiques).

Soutien psychologique : un pilier souvent oublié

Le DT2 est souvent associé à de l’anxiété et de la dépression, ces troubles impactent fortement l’adhésion aux soins et l’équilibre glycémique.

Les ressources disponibles sont en premier lieu les psychologues libéraux avec une prise en charge possible par certaines mutuelles. Le programme MonPsy permet de bénéficier de 8 séances remboursées sur ordonnance. Les patients peuvent être adressés aux centres médico-psychologiques (CMP) en cas de difficultés sociales ou psychologiques sévères, ou directement à un psychiatre en cas de pathologie mentale associée.

Enfin, les associations jouent un rôle fondamental. La Fédération française des diabétiques, avec son maillage territorial via les associations départementales, permet un accompagnement avec l’organisation d’événements et de groupes d’entraide.

Conclusion

Les modifications du mode de vie ne sont pas un simple prérequis : elles sont le traitement de première intention dans le DT2. L’important est de sortir d’une approche théorique et culpabilisante pour proposer des solutions concrètes, réalistes et personnalisées, en mobilisant l’ensemble des ressources disponibles sur le territoire.

Les médecins ont aujourd’hui à leur disposition un panel d’outils (tableau) et de partenaires pour construire un véritable parcours de soins global, en lien étroit avec les acteurs du territoire et les structures spécialisées. L’enjeu est de transformer les intentions en actions, en tenant compte du quotidien, des freins et des besoins spécifiques de chaque patient.

Encadre

À retenir  

  • Les modifications du mode de vie sont un traitement à part entière, et non un simple complément : elles doivent être initiées dès le diagnostic.
  • L’activité physique adaptée (APA) doit être systématiquement envisagée, avec une évaluation préalable des capacités, des risques et des freins du patient. Une ordonnance peut être établie et des structures de proximité mobilisées.
  • L’accompagnement diététique ne se résume pas à un régime : le diététicien évalue aussi le comportement alimentaire. L’approche doit être individualisée, pragmatique et éviter les restrictions inutiles, notamment chez les sujets fragiles.
  • L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est un levier essentiel d’autonomie. Le recours aux infirmiers d’éducation doit être élargi.
  • Le soutien psychologique est indispensable : penser au repérage systématique de l’anxiété/dépression et orienter vers des ressources adaptées. 
  • Le médecin généraliste n’est pas seul : il peut s’appuyer sur de nombreux partenaires locaux et outils.
  • L’objectif est de sortir d’un discours théorique et culpabilisant, pour proposer des solutions concrètes, personnalisées et réalistes.
Ressources patients
Haute Autorité de santé 2022. Diabète de type 2. L’activité physique pour votre santé. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-11/ap_fiche_diabete_2.pdf 
Haute Autorité de santé 2022. L’activité physique : votre meilleure alliée santé. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3385126/fr/l-activite-physique-votre-meilleure-alliee-sante 
Ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Maisons Sport-Santé. https://www.sports.gouv.fr/maisons-sport-sante-388 
Santé publique France. Manger Bouger. https://www.mangerbouger.fr/
Bibliographie
Haute Autorité de Santé 2024. Consultation et prescription médicale d’activité physique à des fins de santé. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2876862/fr/consultation-et-prescription-medicale-d-activite-physique-a-des-fins-de-sante 
Société européenne de cardiologie. ESC CVD Risk Calculation App. https://www.escardio.org/Education/ESC-Prevention-of-CVD-Programme/Risk-assessment/esc-cvd-risk-calculation-app 
Garcia FD et al., Detection of eating disorders in patient: validity and reliability of the French version of the SCOFF questionnaire. Clinical Nutrition, 2011 ;30(2):178-81.
Haute Autorité de santé 2024. Stratégie thérapeutique du patient vivant avec un diabète de type 2. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3191108/fr/strategie-therapeutique-du-patient-vivant-avec-un-diabete-de-type-2 
Assurance maladie. Mon soutien psy – L’essentiel à destination des psychologues. https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/CNAM_mon%20soutien%20psy-Flyer-pages-ameli_assurance-maladie.pdf

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Résumé

La prise en charge du diabète de type 2 repose avant tout sur des modifications durables du mode de vie, incluant activité physique, alimentation, éducation thérapeutique et soutien psychologique. Ces approches doivent être personnalisées et intégrées dans un parcours global. L’activité physique adaptée, véritable traitement, nécessite une évaluation préalable et peut être prescrite selon un cadre structuré. L’alimentation doit faire l’objet d’un accompagnement individualisé par des diététiciens, en évitant les régimes restrictifs. L’éducation thérapeutique du patient, bien que parfois difficile d’accès, favorise l’autonomie et l’engagement. Des outils numériques, des ressources territoriales et des professionnels formés en éducation peuvent permettre cette démarche. Le soutien psychologique, souvent négligé, est pourtant essentiel. Pour être efficace, cette stratégie nécessite de dépasser les discours théoriques et de proposer des solutions concrètes, adaptées aux réalités de chaque patient, en mobilisant les ressources locales disponibles.