Boissons sucrées
Une nouvelle étude parue dans Nature a évalué pour différentes échelles géographiques et pour différentes catégories de la population, le nombre de cas de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires imputables à la consommation de boissons sucrées. Pour ce faire, les auteurs se sont appuyés sur 450 sondages (Global Dietary Database) regroupant 2,9 millions de personnes dans 118 pays. Par « boissons sucrées », les chercheurs entendent tous les liquides (industriels ou fait maison) qui contiennent plus de 52,5 g/l de sucre à l’exception des jus de fruits « pur jus », des laits sucrés et des boissons allégées en sucre. D’après leurs données, en France, en 2020, les boissons sucrées étaient responsables de 12 148 nouveaux cas de diabète de type 2 et de 9 721 maladies cardiovasculaires. Et pour cette même année, le diabète et les maladies cardioneurovasculaires ont coûté 8 835 millions d’euros et 17 684 millions d’euros à l’Assurance maladie.1,2
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – adopté définitivement par le Sénat lundi 17 février – rehausse la taxe soda.3 Cette contribution n’est pas nouvelle en France. Instaurée dès 2012, elle a subi différentes mutations : d’une taxe générale de 7,16 €/hl, elle est devenue progressive en 2018 : plus une boisson est sucrée, plus la taxe est salée !4 Pour chaque kilogramme de sucre ajouté par hectolitre de boisson, le tarif applicable était modifié conduisant à quinze tarifs différents. Mais depuis l’adoption du PLFSS, il n’y a plus que trois catégories (les boissons avec moins de 50 g de sucre ajouté par litre, entre 50 et 80 g/l et plus de 80 g/l), se rapprochant plus de la taxe soda anglaise.5,6Par conséquent, les boissons les plus sucrées seront deux fois plus taxées pour les industriels (l’impôt passant d’une valeur moyenne de 15,7 centimes/l à 35 centimes/l).7
Mais a-t-elle un réel impact sur les consommateurs ?
Taxe soda, une solution ?
D’un point de vue économique, il semble que oui d’après une étude parue en 2022 dans JAMA Network Open. En passant en revue 86 études, dont 62 permettant une méta-analyse plus précise, les auteurs ont remarqué que la hausse des taxes sur les sodas et autres boissons sucrées dans le monde s’accompagne d’une baisse des ventes en moyenne de 15 %.8 En revanche, aucun lien n’a pu être établi entre l’instauration de cette taxe et la baisse de la consommation en boissons sucrées, car les études évaluant les habitudes de consommation étaient de piètre qualité.
Du point de vue de la santé, avec comme indicateur l’évolution de l’IMC, les résultats ne sont pas aussi clairs. Deux études américaines ont essayé de voir si la taxe soda induit une diminution de l’IMC chez les adultes (entre 20 et 65 ans)9 et les enfants (âgés entre 2 et 19 ans).10 Pour ce faire, ils ont utilisé la méthode des doubles différences avec une valeur d’IMC avant et après la taxation dans quatre villes de l’État de Californie aux États-Unis (Albany, San Francisco, Oakland et Berkeley) ayant mis en place une taxe soda et dans des villes contrôles (n’appliquant pas de taxe soda) du même État (avec 10 villes contrôles pour une ville avec taxe).
Pour les adultes, les valeurs d’IMC n’ont pas vraiment diminué dans les villes avec taxe soda (diminution en moyenne de l’IMC de 0,13). De la même façon, les auteurs n’ont pas observé de diminution du surpoids et de l’obésité dans les populations des villes avec taxe par rapport à celle sans. Ce qui peut se justifier par le fait que le surpoids et l’obésité sont multifactoriels et ne dépendent pas uniquement de la consommation de boissons sucrées.11 En revanche, en regardant par tranche d’âge, les auteurs ont observé une plus grande diminution de l’IMC moyen chez les plus jeunes (- 0,30 pour les 20 - 25 ans et - 0,19 pour les 26 - 39 ans). Or, dans la zone géographique de l’étude, les adultes âgés entre 20 et 39 ans sont ceux qui consomment le plus de boissons sucrées.
Une mesure plus efficace sur les enfants
En revanche, pour les enfants, les résultats sont plus encourageants. Et plus ils sont jeunes, plus les diminutions en pourcentage du surpoids et de l’obésité sont significatives :
- De 2 à 5 ans, diminution de 8,47 % à 2,44 %
- De 6 à 11 ans, diminution de 6,90 % à 1,57 %
Concernant le percentile de l’IMC, la diminution est en moyenne de 1,64 % dans les villes avec la taxe soda par rapport à celles sans cette taxe.
La taxation des boissons sucrées reste un outil officiellement recommandé par l’OMS.12 En France, le code général des impôts (II, article 1613 ter) limite cette taxe aux boissons où du sucre a été ajouté volontairement lors de sa fabrication. Ainsi, les jus de fruits « pur jus » (avec aucun autre sucre que ceux naturellement présents dans les fruits) échappent à cette taxation. Mais il est quand même recommandé de limiter leur consommation et d’autant plus qu’ils ne comptent pas comme une portion de fruit au grand regret des lobbyistes du secteur…13, 14, 15
Au final, tant pour le portefeuille que pour la santé, la meilleure boisson reste l’eau du robinet !16
Références :
1. Data ameli. Diabète. Juillet 2024.
2. Data ameli. Maladies cardioneurovasculaires. Juillet 2024.
3. Vie publique. Loi du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025. 1er mars 2025.
4. Légifrance. Code général des impôts. Livre premier, deuxième partie, titre III, chapitre II, section IV. OA : boissons non alcoolisées (articles 1613 ter à 1615). 1er mars 2025.
5. Sénat. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Texte n°341, article 9 bis. 12 février 2025.
6. UK government. HMT-HMRC Soft Drinks Industry Levy Review. 30 octobre 2024.
7. David R. Budget de la Sécu : une « taxe soda » en très forte hausse pour certaines boissons. Public Sénat 17 février 2025.
8. Andreyeva T, Marple K, Marinello S, et al. Outcomes Following Taxation of Sugar-Sweetened Beverages. JAMA Netw Open 2022;5(6):e2215276.
9. Liu EF, Young DR, Sidell MA, et al. City-Level Sugar-Sweetened Beverage Taxes and Changes in Adult Body Mass Index. JAMA Netw Open 2025;8(1):e2456170.
10. Young DR, Hedderson MM, Sidell MA, et al. City-Level Sugar-Sweetened Beverage Taxes and Youth Body Mass Index Percentile. JAMA Netw Open 2024;7(7):e2424822.
11. Jouret B. Item 253 (ancien 251). Obésité de l’enfant et de l’adulte. Rev Prat 2018;68(6);e233-40.
12. OMS. Politiques fiscales incitatives en matière d’alimentation et de prévention des maladies non transmissibles. 3 mars 2018.
13. Amiot-Merlin M-J. Consommation des fruits et des légumes, quels risques ? Rev Prat 2019;69(2);139-42.
14. Ministère des solidarités et de la santé. Programme National Nutrition Santé (2019-2023), p.87. 20 septembre 2019.
15. Union nationale interprofessionnelle des jus de fruits. Baisse de la consommation des jus de fruits et enjeux nutritionnels. 12 février 2025.
16. Manger bouger. L’eau, indispensable à notre santé : conseils et astuces pour s’hydrater.