La FDA américaine a récemment appelé à restreindre l’usage du paracétamol pendant la grossesse, justifiant notamment cette décision par un surrisque potentiel d’autisme. La décision a suscité les réactions de l’OMS, de l’EMA ou encore de l’ANSM. Au-delà du débat institutionnel, quelles sont les preuves scientifiques ?

Avis de tempête sur le paracétamol outre-Atlantique ! Le 22 septembre, alors que le président américain Donald Trump déconseillait aux femmes enceintes de prendre du paracétamol, la Food and Drug Administration (FDA) a annoncé dans un communiqué qu’elle avait « initié un processus de changement du label de sécurité » du médicament, indiquant « refléter des preuves suggérant que l’usage de paracétamol par les femmes enceintes peut être associé avec un risque accru de troubles neurologiques chez l’enfant, comme l’autisme ou le TDAH ». Dans une lettre adressée aux médecins du pays, la FDA leur recommande désormais de minimiser l’usage de paracétamol pendant la grossesse pour « les fièvres de bas grade de routine » – tout en déclarant que le paracétamol « est la plus sûre des alternatives dans la grossesse parmi tous les analgésiques et les antipyrétiques », l’aspirine et les AINS ayant des effets indésirables bien documentés sur le fœtus et étant formellement contre-indiqués à partir du 6mois de grossesse (24 SA).

Réaction de l’EMA

Les décisions de la FDA et de Donald Trump étant très scrutées, la nouvelle n’a pas tardé à faire réagir d’autres institutions, internationales comme nationales. Le 23 septembre, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a rappelé que dans l’Union européenne, le paracétamol peut être utilisé pour réduire les douleurs ou la fièvre pendant la grossesse s’il est nécessaire cliniquement – ce qu’on retrouve dans les indications en France. « Il n’y a actuellement aucun nouvel élément qui nécessiterait de changer les recos européennes, rajoute l’EMA. Comme pour tout traitement aigu, le paracétamol doit être utilisé à la plus petite dose efficace, le moins de temps et le moins fréquemment possible. » L’agence européenne indique en outre qu’en 2019, elle a conduit une revue de la littérature alors disponible, qui a mis en évidence des résultats inconcluants et aucun lien avec des troubles neurodéveloppementaux.

Communiqués de l’OMS et de l’ANSM

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réagi le lendemain, en affirmant qu’il n’existe actuellement « aucune donnée scientifique solide confirmant un lien possible entre l’autisme et la prise de paracétamol pendant la grossesse » , et ce malgré « des recherches approfondies entreprises au cours de la dernière décennie ». Enfin, le 25 septembre, c’est l’ANSM qui s’est emparé du sujet, affirmant là encore que les données disponibles ne montrent pas de lien entre la prise de paracétamol pendant la grossesse et l’autisme, aussi bien en termes de littérature scientifique que de remontées de données de toxicologie du terrain. Pour l’agence française, le paracétamol (utilisé à la dose efficace la plus faible, aux durée et fréquence les plus courtes) reste le médicament le plus sûr pour soulager les douleurs d’intensité légère à modérée et faire chuter la fièvre pendant la grossesse. De son côté, le centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) rapporte que le paracétamol reste l’antalgique de palier 1 et l’antipyrétique de choix chez la femme enceinte, utilisable quel que soit le terme de la grossesse.

Des études contradictoires… en apparence

Au-delà des positions institutionnelles, que disent les études récentes sur le sujet ? Pour mieux le comprendre, le collège américain des obstétriciens et gynécologues (ACOG) a publié une note détaillée sur l’état actuel de la littérature. S’il existe bien des études trouvant un lien entre autisme et usage de paracétamol pendant la grossesse, à l’image d’une revue de la littérature parue le 14 août 2025 dans Environmental Health qui a été utilisée comme support scientifique par la FDA, ces études pèchent selon eux par les mêmes faiblesses méthodologiques : absence de prise en compte de facteurs confondants (notamment génétiques et familiaux), usage de données autodéclarées pour le diagnostic d’autisme ou de TDAH. À l’inverse, les deux grandes études de référence sur le sujet, une parue en 2024 dans le JAMA et l’autre publiée ce 2 septembre dans Paediatric and Perinatal Epidemiology , ne trouvent pas de lien autisme/paracétamol après prise en compte de nombreux facteurs confondants difficiles à calculer, dont les facteurs confondants familiaux. Soit la même conclusion qu’une récente revue de la littérature, restreinte aux publications originales considérées de haute qualité .

La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) a rappelé en outre dans un billet de blog détaillé  d'autres limites méthodologiques aux études observationnelles établissant un lien entre la prise de paracétamol pendant la grossesse et les troubles du neurodéveloppement : difficulté à évaluer précisément l'exposition au paracétamol via les données de remboursement (consommation hors prescription) ; biais d'indication (la prise de paracétamol indique la présence d'une potentielle maladie sous-jacente, qui peut elle-même être à l’origine d'un risque fœtal) ; manque de données sur la posologie, la durée et le moment d'exposition lors de la grossesse.

L'absence de soins n'est pas anodin

Enfin, le fait de ne pas prendre de traitement antipyrétique pour la femme enceinte n’est pas anodin et doit aussi rentrer dans le calcul bénéfices-risques : « Laisser une fièvre sans traitement, particulièrement au-dessus de 39,1 °C ou plus de 24 h, augmente le risque d’effets négatifs pendant la grossesse et a été associé avec un risque accru de fausse couche et de certaines malformations congénitales », selon Debra Kennedy, chercheuse en santé des femmes interviewée dans Nature . Un avertissement qui rejoint celui de la SFPT, qui rajoute aux effets néfastes potentiels de la douleur et de la fièvre maternelles le retard de croissance et l'accouchement prématuré.

Références
FDA. Responds to Evidence of Possible Association Between Autism and Acetaminophen Use During Pregnancy. 22 septembre 2025.
EMA. Use of paracetamol during pregnancy unchanged in the EU. 23 septembre 2025.
ANSM. Il n'existe pas de lien démontré entre le paracétamol et l'autisme. 25 septembre 2025.
Pour en savoir plus :
Mallordy F. Paracétamol pendant la grossesse et sur-risque d’autisme et de TDAH : une étude d’envergure nationale.  Rev Prat (en ligne) 25 avril 2024.
Médicaments et grossesse : une fiche pour les MG.  Rev Prat (en ligne) 1er juin 2021.
Nobile C. Médicaments dangereux en cours de grossesse : liste actualisée (CRAT).  Rev Prat (en ligne) 5 janvier 2024.
Éléfant É. Médicaments dangereux pendant la grossesse.  Rev Prat 2020;70(1);11-6.
Éléfant É. Prescrire chez la femme enceinte.  Rev Prat 2020;70(1);11-6.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Une question, un commentaire ?