Durant la plus grande partie du XXe siècle, le diag­nostic de vascularite a été porté sur l’association de manifestations cliniques et d’une preuve histologique. Ce n’est qu’en 1985 que des anticorps dirigés contre certains composants protéiques des granules du cytoplasme des polynucléaires neutrophiles ont été découverts, conduisant à isoler un certain nombre de maladies qui leur sont associées et, parallèlement, à classer différemment les diverses vascularites. La nomenclature de Chapel Hill (tableau 1),1 qui fait aujourd’hui autorité, a permis d’isoler le groupe des vascularites nécrosantes des vaisseaux de petit calibre, associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (antineutrophil cytoplasmic antibodies [ANCA]). Si cet article ne traite que des vascularites primitives, il ne faut pas oublier que certaines vascularites peuvent être la conséquence d’une autre maladie : infections virales, autres maladies auto-immunes, affections malignes, médicaments par exemple. Ce n’est pas le cas des vascularites associées aux ANCA (VAA).

Classification des vascularites selon la nomenclature de Chapel Hill 

Une description précise et attentive de diverses vascularites, essentiellement fondée sur des critères histologiques mais aussi cliniques et immunologiques, a permis d’établir la nomenclature de Chapel Hill1 (tableau 1) et de diviser les vascularites en trois groupes, en fonction du calibre des vaisseaux touchés. Les vascularites affectent des artères de divers calibres mais peuvent également toucher des capillaires et des veines. Le type histologique observé est variable d’une vascularite à l’autre et peut être séparé en trois groupes : les artérites à cellules géantes essentiellement rencontrées dans un groupe de vascularites touchant des vaisseaux de gros calibre, les vascularites nécrosantes intéressant les vaisseaux de moyen et de petit calibres. On doit y ajouter des vascularites sans nécrose pariétale ni cellules géantes mais qui sont le siège d’une inflammation vasculaire qui peut intéresser les vaisseaux de tous calibres et de tous types. 

Vascularites des vaisseaux de gros calibre 

Les maladies touchent l’aorte et ses branches principales. La maladie de Takayasu et la maladie de Horton (artérite à cellules géantes) en sont les principales représentantes. On peut y ajouter désormais les aortites dont certaines sont associées au syndrome IgG4.

Vascularites des vaisseaux de moyen calibre

Il s’agit de vascularites nécrosantes et deux maladies appartiennent à ce groupe : la maladie de Kawasaki, vascularite essentiellement pédiatrique (lire « Maladie de Kawasaki infantile : diagnostic et prise en charge » dans La Revue du Praticien de février 2023) et la périartérite noueuse (lire « Périartérites noueuses » dans La Revue du Praticien de mai 2025).

Vascularites des vaisseaux de petit calibre

Ce groupe comprend de nombreuses vascularites, elles-mêmes divisées en plusieurs sous-groupes, selon certains critères pathogéniques : implications de complexes immuns, ANCA. C’est ce dernier groupe auquel ce dossier est consacré.

Caractéristiques des vascularites associées aux ANCA

Trois maladies font partie de ce groupe : la granulomatose avec polyangéite (anciennement appelée maladie de Wegener) [GPA], la granulomatose éosinophilique avec polyangéite (anciennement appelée syndrome de Churg-Strauss) [GEPA] et la polyangéite microscopique [PAM]. On y ajoute souvent les glomérulonéphrites isolées associées aux ANCA, mais beaucoup ne sont qu’une première manifestation d’une des trois maladies précédemment citées et non une entité clinico-pathologique.

Particularités communes aux trois maladies 

Les vascularites associées aux ANCA affectent les artérioles et les capillaires de façon prédominante. Parfois, des vaisseaux de plus gros calibre peuvent être intéressés. La présence des ANCA est caractéristique du groupe : on les trouve chez plus de 80 % des GPA et des PAM et dans un tiers des GEPA. 

Deux techniques de détection sont utilisées : l’immunofluorescence est la première étape de l’investigation, même s’il est aujourd’hui recommandé d’utiliser préférentiellement la méthode Elisa. Celle-ci permet de détecter les deux anticorps préférentiellement impliqués  : les anticorps antimyéloperoxydase (MPO) et anti-­protéinase 3 (PR3). L’atteinte histologique capillaire explique deux manifestations cliniques importantes : l’hémorragie alvéolaire, d’une part, la glomérulonéphrite extracapillaire, d’autre part. Ces manifestations cliniques ne sont jamais observées dans les vascularites de gros ou de moyen calibre.

Description des vascularites associées aux ANCA

Les principaux symptômes sont résumés dans le tableau 2.2 - 4

Granulomatose avec polyangéite

La GPA est une vascularite nécrosante granulomateuse.2 Elle touche autant les hommes que les femmes, avec une moyenne d’âge autour de 50 ans. Comme toutes les vascularites, elle peut s’accompagner de signes généraux (fièvre, amaigrissement, etc.). 

Elle est dominée par les manifestations ORL (rhinite croûteuse et sanglante, otites, sinusites récidivantes), pulmonaires (nodules multiples souvent excavés, hémorragies alvéolaires) et rénales (glomérulonéphrite extracapillaire, avec croissants). Cette glomérulonéphrite peut conduire à une insuffisance rénale terminale. 

Les ANCA sont majoritairement des anti-PR3, mais quelques cas avec des anti-MPO sont décrits. Dans les formes les plus graves, un syndrome pneumorénal est possible, associant hémorragie alvéolaire et atteinte rénale. La maladie peut être sévère et était mortelle avant l’ère thérapeutique. 

Polyangéite microscopique

La PAM3 intéresse des sujets plus âgés que la GPA, souvent au-delà de 70 ans. 

Les signes généraux sont généralement associés à des arthromyalgies ou à un purpura vasculaire. 

L’atteinte rénale est également une glomérulonéphrite extracapillaire avec croissants dont l’évolution est comparable à celle de la GPA. L’atteinte pulmonaire, lorsqu’elle est présente, est une hémorragie alvéolaire. Il n’y a jamais de nodule pulmonaire car la maladie ne s’accompagne pas de granulome, contrairement à la GPA. 

Les ANCA sont des anti-MPO et, exceptionnellement, des anti-PR3. 

L’évolution et la prise en charge thérapeutique sont comparables à celles de la GPA.

Granulomatose éosinophilique avec polyangéite

La GEPA4 survient chez des patients asthmatiques ayant aussi le plus souvent une polypose et une sinusite maxillaire. L’asthme apparaît environ huit ans avant la vascularite. Celle-ci a les mêmes caractéristiques que celles de la GPA ou de la PAM, mais les atteintes viscérales sont présentes dans des proportions différentes. 

Sur le plan pulmonaire, les infiltrats labiles sont fréquents et régressent rapidement sous corticoïdes. Il n’y a pas de nodule pulmonaire. Des hémorragies alvéolaires peuvent survenir. L’atteinte rénale est identique à celle de la GPA et de la PAM. L’atteinte clinique la plus grave est cardiaque. Une cardiomyopathie spécifique a été décrite. Une péricardite et une endocardite peuvent être observées. Si l’atteinte cardiaque n’est présente que chez moins d’un tiers des malades au maximum, elle est la première cause de décès. 

Les ANCA sont présents dans un tiers des cas, de type anti-MPO.

Diagnostiquer et surveiller une vascularite associée aux ANCA

Les examens complémentaires sont simples et peu nombreux. 

Un syndrome inflammatoire est habituellement présent. 

Les examens biologiques les plus importants sont la mesure de la créatininémie, la quantification du débit de filtration glomérulaire et la recherche d’une protéinurie et d’une hématurie. La présence d’anomalies du sédiment urinaire témoigne d’une glomérulonéphrite. L’hémogramme peut montrer une anémie, en cas d’inflammation. La leucocytose peut être modérément augmentée. L’élévation du taux d’éosinophiles est observée dans la GEPA, surtout avant traitement, et parfois chez des malades traités par de faibles doses de corticoïdes ; au diagnostic, il est supérieur à 10 % des leucocytes, ou 1 500/mm3, mais peut dépasser les 10 000/mm3. Cette hyperéosinophilie régresse très rapidement avec le traitement corticoïde ou les anti-IL- 5. Une éosinophilie, souvent moins importante, peut être observée, mais peu fréquemment, dans la PAM ou la GPA. Une éosinophilie élevée chez un patient asthmatique n’est pas suffisante pour diagnostiquer une GEPA.  

La présence d’ANCA est un élément majeur du diag­nostic et de la surveillance des patients. La fréquence des anticorps et leur type au début de la maladie sont détaillés précédemment. Habituellement, les anticorps disparaissent sous traitement. Leur persistance après un an ou leur réapparition est un facteur prédictif de rechute.5 C’est la présence des ANCA, plus que leur titre, qui permet de prédire ces rechutes. Parfois cependant, on observe une élévation rapide et importante des ANCA, qui peut annoncer la rechute. Les cliniciens sont toutefois encore démunis et ne possèdent pas de marqueur parfait permettant de prédire la survenue de rechutes. Chez un patient dont la vascularite est connue, la surveillance des ANCA est indispensable et la technique Elisa est à préférer à l’immunofluorescence. 

Les autres examens complémentaires biologiques recommandés dépendent de l’atteinte viscérale et n’ont rien de spécifique. Les biopsies sont aujourd’hui moins utiles qu’auparavant dans un certain nombre de cas ; elles apportent toutefois une confirmation diagnostique et un confort pour le clinicien qui peut parfois hésiter entre diverses causes d’une maladie générale mal caractérisée. Primum non nocere doit guider le clinicien. Il ne faut pas reculer devant la biopsie sous-cutanée d’un nodule ou d’un purpura. De même, devant une neuropathie périphérique d’origine indéterminée, la biopsie musculaire ou neuromusculaire est utile, bien que cette dernière laisse une séquelle sensitive définitive dans le territoire de la biopsie. Il n’en va pas de même pour les autres biopsies viscérales. La biopsie rénale est ainsi utile au diagnostic, mais on peut s’en dispenser chez des sujets fragiles qui ont des contre-indications à ce geste. Lorsqu’elle est effectuée, elle peut cependant apporter beaucoup plus que le diagnostic lui-même. En effet, l’importance des lésions glomérulaires et des zones cicatricielles témoigne bien souvent de poussées antérieures à la période de diagnostic clinique et permet d’évaluer le pronostic rénal à long terme. Les biopsies pulmonaires sont peu fréquemment réalisées lorsque le contexte clinique est évocateur et que les ANCA sont présents. On les réserve à l’investigation d’un nodule solitaire pouvant faire discuter une infection ou un cancer, même chez des patients dont le diagnostic de GPA est connu.

Évolution des vascularites associées aux ANCA

Ces maladies, systématiquement traitées aujourd’hui, évoluent par poussées. Dans plus de 90 % des cas, une rémission complète est obtenue. Les enjeux thérapeutiques sont d’obtenir une rémission rapide permettant d’éviter ou de limiter les séquelles. Une fois la rémission obtenue, on cherche, par un traitement prolongé mais moins agressif, à prévenir la survenue d’une rechute. Le traitement des vascularites fait l’objet de deux autres articles du dossier («  Évolutions récentes dans le traitement des vascularites associes aux ANCA  » page 626 et «  Vers des thérapies plus ciblées dans le traitement des vascularites à ANCA  » page 631) et ne sont abordées ici que la prévention et la gestion des séquelles et des facteurs prédictifs des rechutes ainsi que la nature de celles-ci. 

Rémission à obtenir rapidement

Quels que soient les traitements prescrits, la rémission doit être obtenue le plus rapidement possible afin d’éviter la dégradation de fonctions vitales et d’atteintes viscérales et de prévenir la survenue de séquelles. Le traitement doit donc cibler les atteintes viscérales (rénales, pulmonaires, cardiaques...).

Parmi les médicaments utilisés, les corticoïdes sont ceux qui permettent d’obtenir le plus rapidement une amélioration des symptômes. Le traitement ne permet cependant pas de récupérer certaines lésions viscérales déjà constituées et cicatricielles, parfois antérieures au début du traitement. La rémission est clinique, biologique et peut être immunologique. Le syndrome inflammatoire ou l’éosinophilie – si elle était initialement présente – disparaissent rapidement sous traitement. La créatininémie et le débit de filtration glomérulaire se normalisent, ainsi que les autres paramètres biologiques, reflétant une atteinte viscérale. Si ce n’est pas le cas au terme du traitement d’induction, il faut se résoudre à la présence de séquelles. Lorsqu’il y avait une neuropathie périphérique, les signes moteurs peuvent être longs à récupérer et l’amélioration nécessite souvent plusieurs mois. Pour notre part, nous considérons qu’il faut attendre dix-huit mois pour fixer le niveau de séquelle motrice neurologique. Les signes sensitifs régressent plus lentement mais peuvent également persister de façon définitive. 

Rechute signée par la réapparition des signes cliniques

Le diagnostic de rechute est avant tout clinique et se caractérise par la réapparition de signes de vascularite. Les critères biologiques ou immunologiques ne doivent pas se substituer aux signes cliniques. 

Trois exemples peuvent illustrer cet impératif : 

  • au cours de la GEPA, la rechute doit comporter des manifestations extrapulmonaires de la maladie. En aucun cas, l’aggravation de la maladie asthmatique avec ou sans éosinophilie ne doit faire porter le diag­nostic de rechute ;
  • l’élévation de la créatininémie et la baisse du débit de filtration glomérulaire ne peuvent être attribuées à une rechute qu’en présence d’une anomalie du sédiment urinaire et/ou d’une protéinurie nécessitant souvent une confirmation histologique ;
  • l’élévation isolée du titre des ANCA n’est pas synonyme de rechute immédiate et ne doit pas être, à elle seule, un facteur d’introduction ou d’intensification thérapeutique. 

Sur le plan immunologique, la présence, l’absence, la disparition ou la réapparition des ANCA tiennent une place essentielle dans la prédiction des rechutes. Les deux essais thérapeutiques prospectifs évaluant le traitement d’entretien des vascularites associées aux ANCA ont permis de démontrer que les patients sans ANCA au diagnostic rechutaient peu. Les patients ayant des anti-MPO, qu’ils persistent ou non durant la maladie, rechutent moins que ceux ayant des anti-­PR3. Ceci est confirmé par la clinique : les malades ayant une PAM rechutent moins que ceux atteints de GPA. Les patients porteurs d’anti-PR3 au diagnostic et dont les anticorps persistent après un an de traitement constituent le groupe qui rechute le plus. Le risque de rechute diminue lorsque l’anticorps anti-­PR3 est présent au diagnostic mais disparaît sous traitement. La réapparition de l’anticorps est prédictive de rechute. Il faut aussi noter que les anti-MPO, même s’ils sont moins souvent associés à la survenue d’une rechute, sont observés dans les formes rénales les plus sévères.

Sur le plan clinique, les malades qui ont déjà rechuté sont souvent amenés à rechuter. Certains symptômes cliniques sont prédicteurs de rechute. C’est notamment le cas des manifestations ORL. Les malades ayant des signes ORL au cours de la GPA rechutent plus que ceux sans symptômes et notamment plus que ceux qui ont des manifestations rénales. La prédictibilité de la rechute regroupe donc trois facteurs : les ANCA, les signes cliniques, les rechutes préalables. Le but du traitement d’entretien est de prévenir la survenue des rechutes. Cependant, l’objectif du clinicien est de prévenir la survenue de rechutes sévères, et non pas de prévenir toutes les rechutes au prix d’un traitement lourd dont le rapport bénéfice-risque est difficile à évaluer. 

Séquelles parfois sévères

Elles marquent le futur des malades qui les présentent. Elles peuvent être sévères et être responsables de décès tardifs. 

On décrit, entre autres, l’insuffisance rénale, qui peut évoluer vers une forme terminale nécessitant une dialyse rénale ou, en l’absence de maladie évolutive, une transplantation d’organe. 

Une séquelle cardiaque peut aussi être observée, notamment au cours de la GEPA. Une cardiomyopathie est parfois présente durant la phase aiguë de la maladie et peut se manifester tardivement par une insuffisance cardiaque séquellaire. Les morts subites tardives pourraient être la conséquence d’une cardiomyopathie séquellaire. 

La neuropathie périphérique est une des séquelles habituelles et fréquentes des vascularites. Elle est en général distale et prédomine au niveau des membres inférieurs. Il faut avoir une certaine confiance dans la récupération lente mais atteignable des troubles ­moteurs. Les séquelles sensitives ne doivent pas être négligées, car elles sont parfois réfractaires à tous les antalgiques proposés et ont un impact négatif sur la qualité de vie.

Références 
1. Jennette JC, Falk RJ, Bacon PA, et al. 2012 Revised international Chapel Hill Consensus conference nomenclature of vasculitides. Arthritis Rheum 2013;65(1):1-11.
2. Iudici M, Pagnoux C, Courvoisier D, et al. Granulomatosis with polyangiitis: Study of 795 patients from the French Vasculitis Study Group registry. Sem Arthritis Rheum 2021;51(2):339-46.
3. Nguyen Y, Pagnoux C, Karras A, et al. Microscopic polyangiitis: Clinical characteristics and long-term outcomes of 378 patients from the French Vasculitis Study Group registry. J Autoimmun 2020;112:102467. 
4. Comarmond C, Pagnoux C, Khellaf M, et al. Eosinophilic granulomatosis with polyangiitis (Churg-Strauss): Clinical characteristics and long-term followup of the 383 patients enrolled in the French Vasculitis Study Group cohort. Arthritis Rheum 2013;65(1):270-81.
5. Terrier B, Pagnoux C, Perrodeau E, et al. Long-terme efficacy of remission-maintenance regimens for ANCA-associated vasculitides. Ann Rheum Dis 2018;77(8):1150-6.

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Résumé

Les vascularites nécrosantes associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) touchent les vaisseaux de petit calibre qui sont le siège d’une nécrose fibrinoïde. Les deux anticorps isolés en Elisa sont les anticorps antiprotéinase 3, habituellement présents dans la granulomatose avec polyangéite, et les anticorps antimyéloperoxydase, qui sont présents dans les deux autres vascularites de ce groupe. Elles évoluent par poussées et peuvent être sévères en l’absence de traitement. Les trois maladies qui caractérisent le groupe sont la granulomatose avec polyangéite, la granulomatose éosinophilique avec polyangéite et la polyangéite microscopique. Leur évolution est favorable sous traitement, mais les rechutes sont fréquentes.