Utilisée aujourd’hui dans quelques pays de l’ex-URSS, ainsi qu’en France à titre compassionnel, la phagothérapie – le traitement d’une infection bactérienne par des virus bactériophages capables de détruire la souche en cause – intéresse de plus en plus la recherche biomédicale occidentale, en raison de l’essor des bactéries multirésistantes aux antibiotiques (BMR). Longtemps entravé en Europe par le triomphe des antibiotiques, le développement actuel des bactériophages se heurte à trois contraintes majeures : une production longue, coûteuse et à haut risque de contamination.
De fait, le protocole standard repose sur l’isolement des bactéries pathogènes, puis leur culture en présence de bactériophages, afin de sélectionner ces derniers. Cette méthode, peu efficace, n’est pas rentable, et nécessite de purifier les virus des endotoxines bactériennes présentes dans leur paroi cellulaire – purification qui ne permet pas d’atteindre une forte concentration de virus actifs dans la préparation finale, dont l’efficacité thérapeutique n’est pas optimale.
Pour contourner ces problèmes, une équipe de chercheurs allemands a développé une nouvelle méthode de production, « phactory », publiée en juillet dans Cell Chemical Biology. Celle-ci repose sur un milieu de culture acellulaire comprenant toute la machinerie cellulaire bactérienne nécessaire à la production de phages. Les ADN des phages y sont mis en contact de molécules organiques permettant la synthèse des virions, d’extraits bactériens excluant les composés toxiques de la paroi, ainsi que de plasmides contenant l’ADN de la bactérie cible. Facilement adaptable à la bactérie à combattre, plus sûre et plus efficace dans la production de phages, la méthode pourrait enfin relancer la recherche médicale dans ce domaine, victime jusque-là d’une faible attractivité économique et d’importants obstacles techniques.
En France, plusieurs études cliniques devraient débuter, dont l’essai PhagoDAIR I – premier à être autorisé, en juin 2022 – qui vise à évaluer deux bactériophages anti-Staphylococcus aureus (PP1493 et PP1815) pour le traitement d’infections osseuses et ostéo-articulaires graves documentées à Staphylococcus aureus. En outre, le recours à ces bactériophages a été autorisé en accès compassionnel dans ces indications, pour des patients qui ne peuvent pas participer à un essai clinique, lorsque le pronostic vital ou fonctionnel est engagé, en situation d’impasse thérapeutique.
Nobile C. Phages : un nouvel élan en 2021 ? Rev Prat (en ligne), 7 avril 2021.
Maillet M, Bleibtreu A. Phages : une solution à l’antibiorésistance ? Rev Prat Med Gen 2020;34(1037):210-1.