Un groupe d’experts européens, incluant l’ANSM, s’est attelé à préconiser de bonnes pratiques pour réduire l’impact environnemental des médicaments et améliorer leur durabilité. Leur rapport est paru en septembre.

À l’heure où l’antibiorésistance progresse et où les enjeux environnementaux sont davantage pris en compte en santé publique, un rapport européen présenté en septembre 2025 propose sept grandes lignes directrices que peuvent mettre en place les autorités sanitaires pour favoriser une utilisation durable des médicaments et réduire leur impact environnemental, a annoncé l’ANSM dans un communiqué. Long de 98 pages, le document final est le fruit du travail de 25 experts (dont 2 membres de l’ANSM) entre 2020 et 2024. Ce groupe était composé d’experts désignés par les 13 États membres de l’Union européenne participants, de représentants de l’Agence européenne des médicaments (EMA) et de la Commission européenne.

Les sept grandes lignes directrices formulées dans le rapport sont les suivantes :

  • encourager le bon usage des médicaments, notamment les antibiotiques, pour prévenir le développement de la résistance des micro-organismes. Dans ce domaine, l’ANSM souligne que cet enjeu est porté dans la feuille de route interministérielle 2024 - 2034 dédiée à la prévention et à la réduction de l’antibiorésistance. L’agence indique aussi qu’elle relaie les campagnes publiques à ce sujet, et diffuse des recommandations d’usage raisonné pour les praticiens. Le rapport partage des exemples intéressants venant d’autres nations : aux Pays-Bas, depuis 2023, l’Association des médecins généralistes (NHG) inclut le risque environnemental des médicaments à chaque révision de guidelines. Ainsi, les recos concernant la prise en charge de la douleur mentionnent que les AINS ont plus d’impact sur l’environnement que le paracétamol ;
  • former les étudiants et les professionnels de santé à l’impact environnemental des médicaments. Dans ce domaine, en France, l’éducation environnementale est obligatoire en médecine depuis 2023. Un module éducatif numérique est proposé dans toutes les facultés de médecine, tandis que la formation continue se développe ;
  • communiquer sur l’impact environnemental des médicaments auprès du public et des professionnels de santé, notamment de la part des autorités sanitaires et des titulaires d’autorisations de mise sur le marché (AMM). Enfin, au moment de la prescription, le prescripteur devrait donner des informations sur l’élimination des déchets de médicaments ;
  • limiter le gaspillage des médicaments en adaptant les conditionnements, en utilisant des emballages durables et en augmentant leur durée de conservation ;
  • réduire les déchets liés à l’usage des médicaments et améliorer les pratiques de tri ;
  • développer un système de collecte approprié pour les médicaments non utilisés et périmés. Dans ce domaine, l’ANSM rappelle l’action de l’éco-organisme Cyclamed, qui organise la collecte sécurisée des médicaments non utilisés en pharmacie. Le rapport conseille aussi l’inclusion d’un pictogramme harmonisé sur l’emballage extérieur ou la notice (par exemple, des toilettes barrées) pour réduire l’élimination inappropriée ;
  • accroître l’expertise environnementale au sein des comités d’évaluation des médicaments. L’ANSM rajoute que l’évaluation de l’impact environnemental des médicaments est un des éléments qui sont pris en compte lorsqu’elle instruit des demandes d’AMM.

Antibiothérapie : les ressources de bonnes pratiques pour le MG

Par ailleurs, pour aider le MG dans le bon usage des antibiotiques face aux nombreuses prescriptions inutiles ou inappropriées, l’ANSM a mis à jour ses recommandations en octobre 2024. Ces dernières rappellent les principes généraux de la prévention des infections (gestes barrières, vaccination), de la prescription d’antibiotiques (respecter les situations où leur usage est exclu, privilégier l’antibiotique à spectre étroit le plus adapté), et de l’information du patient (communiquer sur l’évolution naturelle de la maladie, sur l’antibiorésistance, sur l’intérêt du respect de la prescription, etc.).

Ces recos se concluent par un rappel des situations cliniques les plus classiques ne nécessitant pas d’antibiotiques :

  • rhinopharyngite, laryngite ;
  • otite congestive, otite séreuse et otite de diagnostic incertain ;
  • angine aiguë :
    • chez l’adulte ou l’enfant âgé de plus de 3 ans, si absence de test rapide oropharyngé d’orientation diagnostique (TROD) des angines à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SGA) ou si TROD négatif,
    • chez un enfant âgé de moins de 3 ans ;
  • bronchiolite, bronchite aiguë ;
  • grippe et Covid ;
  • fièvre non expliquée ;
  • en pratique buccodentaire (chez le sujet sain) : abcès parodontal, alvéolite sèche, avulsion dentaire avec alvéolectomie, pulpopathies (pulpites réversibles ou irréversibles).

Dans le doute, mieux vaut ne pas prescrire d’antibiotiques et réévaluer le besoin dans les 48 h.

Le document précise aussi une durée de traitement adaptée et courte pour les antibiotiques oraux dans les principales pathologies infectieuses courantes : 5 jours pour des otites chez un enfant après l’âge de 2 ans (et quel que soit l’âge en cas de pénurie d’amoxicilline), 5 jours pour des pneumonies, 6 jours pour des angines bactériennes traitées par amoxicilline, 7 jours pour des infections buccodentaires (à adapter pour certains antibiotiques).

L’ANSM n’est pas la seule à proposer des ressources pour une meilleure antibiothérapie. De son côté, la HAS propose des fiches synthétiques préconisant le choix et les durées d’antibiothérapie les plus courtes possibles pour les infections bactériennes courantes de ville, en collaboration avec la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) et le Collège de la médecine générale (CMG). Une fiche pratique de la SPILF et du GPIP (de 2021) résume les durées d’antibiothérapies en infections courantes.

Prescription raisonnée, alternatives et déprescription

Enfin, comme le rappelait la généraliste Éva Kozub en 2023 dans nos colonnes, la prescription raisonnée est une démarche fondamentale du point de vue de l’écoresponsabilité. Il faut penser à la « déprescription » dans les situations où c’est envisageable et sans perte de chance pour le patient, ainsi qu’aux alternatives non médicamenteuses lorsqu’elles sont indiquées et validées par des preuves. Sans compter les petits gestes utiles : travailler avec les pharmaciens pour développer les prescriptions à l’unité, inciter les patients à ne prendre à la pharmacie que les médicaments dont ils ont besoin, mettre un tampon sur l’ordonnance pour rappeler aux patients de retourner les médicaments non utilisés.

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