Les patients diabétiques de type 2 (DT2) présentent un risque deux à quatre fois plus élevé de développer une maladie athéromateuse (coronaropathie, accident vasculaire cérébral [AVC], artériopathie périphérique), une insuffisance cardiaque, et une fibrillation auriculaire.1 Le diabète constitue également un facteur de risque majeur de la maladie rénale chronique (MRC), laquelle est elle-même associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires (CV). La combinaison du diabète avec d’autres facteurs de risque CV et/ou comorbidités augmente le risque non seulement d’événements CV majeurs, mais également celui de mortalité CV et de mortalité toutes causes confondues.
La stratification du risque CV chez les patients DT2 est primordiale pour définir une prise en charge adaptée. Plusieurs scores ont ainsi été intégrés dans les recommandations par les différentes sociétés savantes.

Évaluation du risque cardiovasculaire chez les patients DT2

Lors de l’évaluation du risque CV chez les personnes atteintes de DT2, il est important de prendre en compte les antécédents médicaux et familiaux, les symptômes, les résultats de l’examen clinique, les analyses de laboratoire et autres examens diagnostiques, ainsi que la présence d’une athérosclérose CV avérée ou l’atteinte d’organes cibles.1

Le score calcique coronaire et l’épaisseur intima-média sont deux éléments couramment utilisés en pratique clinique pour stratifier le risque CV des patients, indépendamment de leur statut diabétique. Toutefois, ces paramètres ne sont pas intégrés dans les scores disponibles.

L’atteinte d’organes cibles est définie comme :1

  • une estimation du débit de filtration glomérulaire (DFGe) < 45 mL/min/1,73 m², indépendamment de la présence d’albuminurie, ou
  • une DFGe entre 45 et 59 mL/min/1,73 m² associée à une microalbuminurie (rapport albumine/créatinine urinaire [RACU] de 30 à 300 mg/g ; stade A2), ou
  • une protéinurie (RACU > 300 mg/g ; stade A3), ou
  • la présence de maladies microvasculaires touchant au moins trois sites différents (par exemple : microalbuminurie [stade A2] + rétinopathie + neuropathie.

Classification ESC/EADS de 2020

Les Sociétés européennes de cardiologie (ESC) et du diabète (EADS) ont proposé en 2020 une classification des patients diabétiques (DT2 et DT1) avec trois catégories de risque :2

  • risque CV modéré, qui correspond aux patients jeunes (DT1 < 35 ans ou DT2 < 50 ans) avec une durée de diabète inférieure à dix ans et n’ayant pas d’autre facteur de risque CV ou d’atteinte d’organe cible. Ces patients sont habituellement suivis en médecine générale ;
  • risque CV élevé, qui correspond aux patients ayant une durée de diabète ≥ dix ans avec un facteur de risque supplémentaire (parmi l’âge, l’hypertension, la dyslipidémie, le tabac, l’obésité, la microalbuminurie), mais n’ayant pas d’atteinte d’organe cible ;
  • risque CV très élevé, qui correspond aux patients en prévention secondaire (symptomatique ou non), et aux patients en prévention primaire avec une atteinte d’organe cible (protéinurie, altération de la fonction rénale avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé < 30 mL/min/1,73 m2, hypertrophie ventriculaire gauche ou rétinopathie) ou au moins trois facteurs de risque CV supplémentaires.
 

À noter l’absence de risque CV faible dans cette classification.

SCORE 2 - Diabètes : estimation du risque cardiovasculaire à dix ans

Chez les patients âgés de 40 ans (ou plus) atteints de DT2, sans athérosclérose CV avérée ni atteinte d’organes cibles sévère, la Société européenne de cardiologie (ESC) recommande d’estimer le risque CV à dix ans à l’aide d’un algorithme spécifique, le SCORE2 -Diabetes (niveau de recommandation I-B). Chez ces patients, les facteurs de risque CV doivent être évalués individuellement.

Dans les recommandations de l’ESC de 2021 sur la prévention des maladies CV, les modèles ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular disease : preterAx and diamicroN MR Controlled Evaluation) et DIAL (Diabetes lifetime-perspective prediction) étaient suggérés pour estimer le risque CV chez les patients diabétiques. Cependant, ces modèles présentent certaines limites pour une utilisation en Europe, car ils ne prennent pas en compte les variations importantes de risque entre les différents pays. Par conséquent, ils peuvent surestimer (ou sous-estimer) le risque selon les régions. De plus, ces modèles ont été élaborés à partir d’un nombre restreint d’études et n’ont pas été systématiquement « recalibrés » (c’est-à-dire adaptés statistiquement) aux taux actuels de maladies CV, ce qui les rend peu adaptés à une utilisation dans les populations européennes contemporaines.

Pour pallier ces limites, les recommandations actuelles préconisent l’utilisation du modèle SCORE2 -Diabetes, une extension du modèle européen SCORE 2 recalibré régionalement pour évaluer le risque CV à dix ans. Ce modèle permet d’estimer, chez les personnes âgées de 40 à 69 ans atteintes de DT2 en prévention primaire (sans atteinte d’organe sévère), le risque individuel d’événements CV fatals et non fatals (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral).

Le modèle SCORE2 -Diabetes intègre des données sur les facteurs de risque CV classiques (c’est-à-dire l’âge, le statut tabagique, la pression artérielle systolique [PAS], le cholestérol total et le cholestérol HDL) avec des données spécifiques au diabète (par exemple, l’âge au moment du diagnostic du diabète, l’HbA1c et le débit de filtration glomérulaire estimé [DFGe]) [fig. 1].1

Ce modèle est calibré pour quatre groupes de pays (à risque CV faible, modéré, élevé et très élevé), en suivant une méthodologie similaire à celle utilisée pour les algorithmes SCORE2 et SCORE2 -Older Persons (SCORE2 -OP).

L’application de l’ESC « CVD Risk Calculation » inclut le SCORE2 -Diabetes pour faciliter la stratification du risque CV et améliorer la communication entre les professionnels de santé et les personnes atteintes de DT2.

D’autres scores de risque, visant à estimer le risque à vie chez les personnes diabétiques (comme le modèle DIAL2 [DIAbetes Lifetime], qui est calibré pour différents pays européens), peuvent également être utilisés pour orienter les décisions thérapeutiques. Toutefois, l’estimation du risque à vie devra être adaptée à mesure que de nouvelles méthodes deviennent disponibles à l’avenir.

Les seuils correspondant aux différentes catégories de risque sont présentés dans les fig. 2 et 3. En général, aucun seuil de risque n’est applicable universellement, et ceux proposés dans ces recommandations pour l’utilisation du SCORE2 -Diabetes doivent servir de support aux discussions entre cliniciens et patients afin de favoriser une prise de décision partagée concernant l’intensité du traitement et la mise en œuvre d’interventions complémentaires de prévention de maladie CV athéromateuse (comme les traitements hypolipémiants ou les inhibiteurs de SGLT2 et/ou agonistes des récepteurs GLP- 1).

Cependant, les seuils de risque à dix ans ne sont donnés qu’à titre indicatif, et d’autres caractéristiques du patient peuvent conduire à décider de traiter ou non, indépendamment de ces seuils.

En pratique, ces scores sont très peu utilisés car la stratification du risque est beaucoup plus complexe. Il n’existe aucun score de risque parfait prenant en compte l’ensemble des données cliniques, biologiques ou d’imagerie. Peu importe la méthode utilisée, l’essentiel est d’arriver à définir un risque CV propre à chaque patient pour proposer une thérapeutique adaptée (tableau).

Références
1. Marx N, Federici M, Schütt K, et al.; ESC Scientific Document Group. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiovascular disease in patients with diabetes. Eur Heart J. 2023 Oct 14;44(39):4043-4140. doi: 10.1093/eurheartj/ehad192. Erratum in: Eur Heart J 2023;44(48):5060. 
2. Cosentino F, Grant PJ, Aboyans V, et al.; ESC Scientific Document Group. 2019 ESC Guidelines on diabetes, pre-diabetes, and cardiovascular diseases developed in collaboration with the EASD. Eur Heart J. 2020;41(2):255-323.

 En collaboration avec :

 

  • logo SFD

 

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé

Les patients diabétiques de type 2 (DT2) présentent un risque deux à quatre fois plus élevé de développer une maladie athéromateuse, une insuffisance cardiaque ou une fibrillation auriculaire. Le diabète constitue également un facteur de risque majeur de la maladie rénale chronique, laquelle est elle-même associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires (CV). La combinaison du DT2 avec d’autres facteurs de risque CV et/ou comorbidités augmente le risque non seulement d’événements CV majeurs, mais également celui de mortalité CV et de mortalité toutes causes confondues. La stratification du risque CV chez les patients DT2 est primordiale pour définir une prise en charge adaptée. Plusieurs scores ont ainsi été intégrés dans les recommandations par les différentes sociétés savantes dont le SCORE2 -Diabetes.