L’exacerbation sévère est caractérisée par la présence de signes de gravité clinique et la nécessité d’une prise en charge urgente en milieu hospitalier. Son diagnostic est clinique, et le traitement repose sur l’administration d’un traitement bronchodilatateur et d’une corticothérapie par voie systémique.

Identifier une exacerbation

Une exacerbation d’asthme est définie par une augmentation progressive des symptômes sans retour à l’état de base durant au moins deux jours et qui n’est pas calmée par les bronchodilatateurs d’action rapide utilisés de façon répétée et en quantité importante.1,2 Cette majoration des symptômes nécessite le plus souvent une modification du traitement et un recours à une consultation médicale en urgence.

Elle survient en général en réponse à un agent extérieur (allergie respiratoire ou alimentaire, infection virale des voies aériennes, pollution...) ou dans un contexte d’absence ou d’inobservance du traitement de fond par corticostéroïdes inhalés.

L’exacerbation sévère – terme qui est désormais préféré à celui d’«  asthme aigu grave (AAG)  » – est caractérisée par la présence de signes de gravité clinique (encadré 1) et résulte d’une obstruction bronchique particulièrement intense.1,2 

Il n’existe pas de définition clinique consensuelle de l’exacerbation sévère, mais il est admis qu’il s’agit d’une exacerbation d’asthme susceptible de mettre en jeu le pronostic vital et/ou nécessitant une prise en charge urgente en milieu hospitalier. 

Outre les signes de gravité clinique, en présence d’une exacerbation présumée sévère, il convient de rechercher des facteurs de risque de décès comme un antécédent d’hospitalisation et de recours à la ventilation mécanique pour asthme, une prise récente de corticoïdes oraux, un âge supérieur à 70 ans et l’absence de traitement de fond.

Physiopathologie

L’exacerbation d’asthme résulte d’une inflammation aiguë des voies aériennes, entraînant une obstruction bronchique multifactorielle. Cette obstruction est liée à une contraction intense des muscles lisses bronchiques, à un œdème de la muqueuse mais aussi à une hypersécrétion de mucus. Ce dernier joue un rôle central dans la sévérité de l’exacerbation  : la production excessive de mucus visqueux, combinée à une altération du transport mucociliaire, favorise la formation de bouchons muqueux pouvant obstruer les bronches de petit calibre. Ces bouchons contribuent à l’hypoxémie, à l’hyperinflation dynamique et à l’augmentation du travail respiratoire. L’importance de la composante muqueuse dans certaines formes d’asthme sévère a conduit à considérer le mucus comme une cible thérapeutique potentielle, bien que les techniques de kinésithérapie de drainage bronchique d’évacuation ne soient pas recommandées à la phase aiguë.

Impact des exacerbations

L’exacerbation sévère d’asthme est un événement majeur dans la vie d’un patient asthmatique. Elle est associée à une augmentation de la mortalité, une altération majeure de la qualité de vie, un déclin accéléré du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et une augmentation importante des coûts de santé.1,2

Diagnostic clinique

Le diagnostic d’exacerbation sévère est clinique. Aucun examen complémentaire ne doit retarder la prise en charge. En cas de doute diagnostique ou d’inefficacité du traitement, une radiographie thoracique permet d’éliminer un diag­nostic différentiel ou une complication, et une mesure des gaz du sang recherche une hypercapnie.1,3

Prise en charge en urgence

La prise en charge est urgente. Elle repose sur l’administration d’un traitement bronchodilatateur et d’une corticothérapie par voie systémique.1,3

Le traitement bronchodilatateur comprend principalement un bêta- 2 -mimétique de courte durée d’action (salbutamol ou terbutaline) administré par voie inhalée, soit à l’aide d’une chambre d’inhalation à raison de dix bouffées à renouveler toutes les vingt minutes jusqu’à l’amélioration clinique (en préhospitalier), soit par voie nébulisée continue à raison de 5 mg de salbutamol toutes les vingt minutes jusqu’à amélioration clinique. L’administration par voie intraveineuse de salbutamol n’est plus recommandée car elle ne présente pas de bénéfices supplémentaires et expose à des effets indésirables importants. 

L’administration d’un anticholinergique de courte durée d’action (ipratropium 0,5 mg en nébulisation toutes les huit heures) est également proposée. 

En revanche, les corticoïdes par voie nébulisée n’ont pas leur place dans cette indication.

La corticothérapie systémique doit être administrée le plus précocement possible, soit per os, soit par voie intraveineuse (efficacité équivalente). Une dose de 40 à 50 mg/j de prednisone pendant cinq à sept jours sans décroissance est généralement proposée. Une dose supérieure ou une durée prolongée n’ont pas montré de bénéfices supérieurs mais exposent à un risque plus élevé d’effets indésirables à long terme (diabète, ostéoporose…).

En cas d’anaphylaxie (par exemple, survenue d’une exacerbation dans un contexte d’allergie alimentaire), il est recommandé d’administrer 0,01 mg/kg d’adrénaline (maximum 0,5 mg) par voie intramusculaire.

La plupart des exacerbations d’asthme étant d’origine virale ou allergique, l’administration d’un antibiotique n’est pas systématique et doit être réservée aux cas où une pneumopathie est suspectée sur les critères cliniques, radiologiques et biologiques habituels. 

Bien que recommandée chez l’enfant, l’administration de sulfate de magnésium a une place limitée dans la prise en charge de l’exacerbation chez l’adulte. 

Devant une exacerbation sévère de l’asthme, une hospitalisation en unité de soins intensifs est recommandée. Les mesures générales habituelles telles que l’administration d’oxygène (avec un objectif de saturation entre 93 et 95  %), l’hydratation intraveineuse et le monitorage (saturation pulsée d’oxygène [SpO2], fréquence cardiaque, pression artérielle, fréquence respiratoire) sont de rigueur. 

Par ailleurs, une surveillance, à la recherche des effets indésirables des traitements, est également nécessaire  : hyperglycémie (corticoïdes), hypokaliémie (salbutamol, corticoïdes), acidose lactique (salbutamol), tachycardie et troubles du rythme (salbutamol, corticoïdes).

Prévention des exacerbations par un bon contrôle de l’asthme

Un des objectifs de la prise en charge de l’asthme est d’obtenir un bon contrôle afin de prévenir le risque d’exacerbation.1,2 Le traitement de fond repose sur la corticothérapie inhalée, qui doit être prise tous les jours. De plus, la stratégie MART (maintenance and reliever therapy) qui repose sur l’utilisation d’un seul inhalateur combinant un corticostéroïde inhalé (CSI) et un bêta- 2 -mimétique de longue durée d’action (formotérol), utilisé à la fois en traitement de fond quotidien et en traitement de secours, permet une adaptation dynamique en fonction des symptômes, réduisant significativement le risque d’exacerbations, notamment chez les patients ayant une mauvaise observance ou un asthme instable. 

Par ailleurs, une éducation à la manipulation du dispositif d’inhalation et une vérification de la technique d’inhalation à chaque contact avec le patient sont essentielles. Un diagnostic adéquat d’asthme, l’identification et le contrôle des pathologies associées (reflux gastro-œsophagien, rhinosinusite…) et la prise en charge des facteurs favorisants et déclenchants (tabac, allergie…) sont également des éléments essentiels pour l’obtention d’un bon contrôle de l’asthme. Enfin, la prévention des exacerbations passe également par la vaccination. Il est recommandé de vacciner les patients asthmatiques contre la grippe saisonnière et le pneumocoque. La vaccination contre le SARS-CoV- 2 reste également d’actualité. Ces mesures permettent de réduire le risque d’infections respiratoires virales ou bactériennes, qui sont des déclencheurs fréquents d’exacerbations.

Éducation thérapeutique du patient et plan d’action écrit

L’éducation thérapeutique du patient (ETP) a pour objectif de lui permettre de comprendre sa maladie (mécanismes, facteurs favorisants) et son traitement (maîtrise de l’utilisation des dispositifs inhalés) et de prendre conscience de son caractère chronique. L’ETP permet d’améliorer l’observance thérapeutique et le contrôle de l’asthme, et de diminuer la survenue d’exacerbations. Le patient asthmatique peut disposer d’une trousse d’urgence pour agir en cas d’exacerbation d’asthme ou de survenue brutale d’une réaction allergique (encadré 2).

Un autre objectif de l’ETP est d’apprendre au patient à reconnaître les signes de perte de contrôle et d’exacerbation et ainsi mettre en place un plan d’action écrit (PAE). Le PAE est un outil permettant au patient asthmatique de s’autogérer en cas d’aggravation de ses symptômes. Il est devenu une pierre angulaire de la prise en charge de l’asthme. En effet, lorsqu’il est associé à des séances d’éducation thérapeutique et à un suivi clinique régulier, il permet de réduire de manière significative les symptômes respiratoires et le recours aux soins, et d’améliorer la qualité de vie et la mortalité. Toutes les sociétés savantes s’accordent sur son utilité dans l’asthme et ont proposé des recommandations pour sa rédaction. 

Un PAE doit comprendre des conseils sur le traitement de secours inhalé à court terme, sur le moment où il faut commencer à prendre des corticoïdes par voie orale et sur le moment où il faut consulter un médecin en urgence.4

Afin de faciliter son utilisation, près d’une trentaine de modèles de PAE ont été mis en ligne sur le site de la Société de pneumologie de langue française (https ://splf.fr/plans-daction-dans-lasthme/).5 Les modèles de PAE proposés sont variés en matière de contenu (PAE avec ou sans débit expiratoire de pointe), de présentation (présence d’images, zones de couleurs), de complexité, de public ciblé (enfant ou adulte), mais tous sont conformes aux recommandations (traitement de fond, dose du traitement de secours et prescription de corticoïdes oraux sont précisés).

Suivi médical et adressage au pneumologue

Un suivi médical est essentiel au maintien du bon contrôle de l’asthme. Le rythme est adapté à la sévérité de l’asthme, au minimum une fois par an et généralement trois mois après chaque modification de traitement. Au décours d’une exacerbation, une consultation dans le mois suivant est indispensable pour réévaluer le patient.

L’évaluation doit porter sur le contrôle de l’asthme (questionnaire ACT ± évaluation de la fonction respiratoire), une réévaluation du traitement et une prise en charge des facteurs favorisants et déclenchants.

Dans une grande proportion de cas, l’asthme est une affection dont la prise en charge est réalisée par le médecin traitant. L’adressage à un pneumologue est nécessaire si un diagnostic différentiel ou associé est évoqué (par exemple une dilatation des bronches), en cas de recours à un traitement de fond par corticothérapie inhalée à forte dose, en cas d’utilisation de plus de 500 mg de corticothérapie orale par an et/ou de trois flacons de bronchodilatateurs de courte durée d’action par an, et/ou si le contrôle de l’asthme n’est pas obtenu malgré une prise en charge optimale.

Répercussions à long terme des exacerbations

Les exacerbations sévères d’asthme ont des conséquences durables sur la santé respiratoire. Elles sont associées à un déclin accéléré du VEMS, traduisant une perte progressive de la fonction pulmonaire. À long terme, elles peuvent favoriser un remodelage bronchique irréversible, contribuant à une forme d’asthme plus difficile à contrôler. Sur le plan psychosocial, la répétition des exacerbations altère la qualité de vie, augmente l’anxiété liée à la maladie et peut conduire à une limitation des activités quotidiennes. Enfin, elles sont un facteur prédictif indépendant de mortalité, soulignant l’importance d’une stratégie de prévention rigoureuse.

Par ailleurs, la répétition des cures de corticoïdes systémiques prescrites lors des exacerbations expose à des effets indésirables à long terme, notamment un risque accru de diabète, d’ostéoporose, d’hypertension artérielle et d’infections. Ces complications renforcent la nécessité d’un contrôle optimal de l’asthme pour limiter le recours à ces traitements.

En cas d’exacerbation sévère de l’asthme, réévaluer la prise en charge

L’exacerbation sévère d’un asthme est un événement important dans la vie d’un patient asthmatique. La prise en charge en urgence repose sur l’administration de bronchodilatateurs par voie inhalée et de corticoïdes par voie systémique.

La survenue d’une exacerbation sévère doit faire rechercher avant tout une prise en charge au long cours inadéquate, un contrôle de l’asthme insuffisant et/ou un défaut d’observance du traitement de fond. L’éducation thérapeutique et la délivrance d’un PAE sont des éléments fondamentaux de la prévention.

Encadre

1. Signes de gravité à rechercher en présence d’une exacerbation d’asthme

Signes respiratoires

  • recrutement des muscles respiratoires accessoires (tirage intercostal) ou épuisement respiratoire
  • fréquence respiratoire > 30 cycles/min ou < 12 cycles/min
  • peak flow < 50 % de la meilleure valeur (ou de la valeur théorique si inconnue)
  • SpO2 < 90 %
  • cyanose
  • difficulté à terminer une phrase

Signes neurologiques

  • altération de l’état de conscience
  • confusion
  • agitation

 Signes cardiocirculatoires

  • FC > 120 batt/min
  • hypotension (PAS < 90 mmHg)
  • collapsus
FC : fréquence cardiaque ; PAS : pression artérielle systolique ; SpO2 : saturation pulsée en oxygène.
FC : fréquence cardiaque ; PAS : pression artérielle systolique ; SpO2 : saturation pulsée en oxygène.
Encadre

2. Trousse d’urgence et apprentissage de l’utilisation des médicaments

Le patient asthmatique peut disposer d’une trousse d’urgence pour lui permettre d’agir en cas d’exacerbation d’asthme ou de survenue brutale d’une réaction allergique.

Elle doit comporter des corticoïdes par voie orale et un bronchodilatateur de courte durée d’action avec, si possible, une chambre d’inhalation pour faciliter l’inhalation du bronchodilatateur. En cas d’allergie alimentaire ou d’antécédents d’anaphylaxie, elle doit contenir une seringue d’adrénaline auto-injectable et un antihistaminique.

Une éducation préalable aux modalités d’utilisation de ces différents médicaments est bien entendu nécessaire.

Références
1. Raherison-Semjen C, Guilleminault L, Billiart I, et al. Mise à jour des recommandations (2021) pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adultes sous l’égide de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie (SP2A). Version longue. Rev Mal Respir 2021;38(10):1048‑83. Et Erratum in Rev Mal Respir 2022;39(2):188-9.
2.  Global Initiative for Asthma (GINA). Global strategy for asthma management and prevention. 2023 update https://urls.fr/FiVLpz
3.  Le Conte P, Terzi N, Mortamet G, et al. Management of severe asthma exacerbation: Guidelines from the Société française de médecine d’urgence, the Société de réanimation de langue française and the French Group for Pediatric Intensive Care and Emergencies. Ann Intensive Care 2019;9(1):115.
4.   Ouksel H, Pineau A. The role of written action plans in the management of asthma. Revue des maladies respiratoires 2021;38(4):372-81.
5.  Soumagne T, Barnig C, Perotin-Collard JM, et al. An action plan for everyone! Revue des maladies respiratoires 2023;40(4):306-7.