Madame M., 27 ans, consulte pour une aménorrhée secondaire. Elle mesure 1,55 m et pèse 55 kg. Ses premières règles sont survenues à l’âge de 12 ans, avec des cycles réguliers. Depuis six mois, elle est en aménorrhée. À l’examen, son cou est un peu large et il existe une implantation basse des cheveux. Elle a de nombreux nævi, pour lesquels elle n’a jamais consulté.
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Le cou un peu large peut correspondre à un pterygium colli. Lors des descriptions initiales, il a été appelé « cou palmé ». Il s’agit d’un repli cutané siégeant de chaque côté du cou, étendu de la mastoïde à la région acromiale, le plus souvent bilatéral. Il est présent dès la naissance, et sa taille est variable d’une patiente à l’autre. Il est le plus souvent associé à un syndrome, ici le syndrome de Turner (ST). 

Le syndrome de Turner touche 1 fille sur 2 500 à la naissance. Il associe, dans 95 % des cas, une petite taille et une insuffisance ovarienne prématurée (IOP), c’est-à-dire une aménorrhée ou une spanioménorrhée, survenant avant l’âge de 40 ans, avec un taux d’hormone folliculo-stimulante (FSH) supérieur à 25 UI/L. L’IOP dans le ST est la conséquence d’une perte folliculaire accélérée. En fonction de la cinétique de la perte folliculaire, le phénotype peut être un impubérisme complet, un développement mammaire et une aménorrhée primaire, une puberté normale et une aménorrhée secondaire. Dans environ 6 % des cas, il existe des cas de grossesse naturelle chez les patientes avec un ST.

Le diagnostic de ST est établi par la réalisation d’un caryotype sanguin, avec un consentement éclairé. Dans 50 % des cas, une monosomie 45,X homogène est retrouvée. Dans les 50 % restants, le caryotype montre une mosaïque, 45,X/46,XX, ou un isochromosome X, ou une formule mosaïque de type 45,X/46,XY. Le pronostic du ST est essentiellement lié au risque de dilatation et/ou de dissection de l’aorte. Les patientes peuvent avoir des malformations cardiaques congénitales, comme une coarctation aortique ou une bicuspidie aortique. Un suivi du diamètre aortique est donc recommandé de manière régulière, tout au long de la vie. 

Cliniquement, le pterygium colli peut être associé à un lymphœdème localisé au niveau des membres inférieurs ou supérieurs, surtout les pieds et les mains. Ce lymphœdème, s’il est présent à la naissance, disparaît dans la majorité des cas dans les deux premières années de vie. Le pterygium colli est plus fréquent en cas de caryotype 45,X homogène et sa présence est corrélée à celle de malformations cardiaques. Les autres anomalies cutanées du ST sont les nævi, le plus souvent d’évolution bénigne, et une implantation basse des cheveux et des oreilles.

Une prise en charge chirurgicale du pterygium colli peut être envisagée mais n’est pas recommandée en première intention car elle peut être associée à des cicatrices chéloïdes et d’éventuels cas de récurrence. En raison des atteintes cutanées, thyroïdiennes, hépatiques, métaboliques et cardiovasculaires, il est recom-mandé de proposer une prise en charge multidisciplinaire des femmes avec un ST au sein d’un centre de référence des maladies rares. La Haute Autorité de santé a publié un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) pour améliorer la santé de ces patientes, aussi bien en pédiatrie qu’à l’âge adulte.

Nous remercions la patiente pour nous avoir permis de réaliser ce cas clinique.
Pour en savoir plus
Fiot E, Alauze B, Donadille B, et al. Turner syndrome: French National Diagnosis and Care Protocol (NDCP; National Diagnosis and Care Protocol). Orphanet J Rare Dis 2022;17(Suppl 1):261.
HAS. Protocole national de diagnostic et de soins. Insuffisance ovarienne prématurée/primitive (en dehors du syndrome de Turner). Mars 2021.

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