Patients de plus de 75 ans
En France, la prévalence du diabète de type 2 (DT2) était de 5,3 % en 2020 (contre 4,6 % en 2012). Cette prévalence augmente avec l’âge, avec un pic entre 70 et 85 ans chez l’homme et entre 75 et 85 ans chez la femme. Ainsi, en 2016, 1 homme sur 5 et 1 femme sur 7, âgés de 70 à 85 ans étaient traités pharmacologiquement pour un diabète.1
Les patients de plus de 75 ans représentent 25 % des patients vivant avec un DT2 en France et leur prise en charge est une problématique très fréquente en médecine générale.
Définition
La Haute Autorité de santé (HAS) définit comme « âgés » les patients de plus de 75 ans.2 Cette population a la particularité d’être très hétérogène et la HAS distingue selon l’état de santé du patient :2
- les personnes dites « vigoureuses » : en bon état de santé, indépendantes et bien intégrées socialement, c’est-à-dire autonomes d’un point de vue décisionnel et fonctionnel, qui sont assimilables aux adultes plus jeunes ;
- les personnes dites « fragiles » : à l’état de santé intermédiaire et à risque de basculer dans la catégorie des malades. Elles sont décrites comme une population vulnérable, avec des limitations fonctionnelles motrices et cognitives et une baisse des capacités d’adaptation ;
- les personnes dites « malades » : dépendantes, en mauvais état de santé en raison d’une polypathologie chronique évoluée génératrice de handicaps et d’un isolement social.
La prise en charge de ces patients est différente selon la catégorie à laquelle ils appartiennent. Une évaluation spécifique est nécessaire et son résultat aura un impact tant sur les objectifs glycémiques que sur la stratégie thérapeutique, conformément aux recommandations de la HAS. Sont évalués les domaines médicaux, psychologiques, sociaux, fonctionnels, les troubles gériatriques et cognitifs et en particulier la fragilité. Une grille a été proposée par la HAS en 20133 pour dépister cette fragilité (grille de dépistage de la fragilité des patients, HAS 2013). Il est aussi possible d’utiliser les cinq critères cliniques de Fried :4 une perte de poids de plus de 4,5 kg (ou de plus de 5 % du poids initial) depuis un an, un épuisement ressenti par le patient, une vitesse de marche ralentie, une baisse de la force musculaire et une sédentarité. Le patient est considéré comme fragile en présence de plus de trois de ces critères.
Cette population a aussi la particularité d’avoir souvent un diabète compliqué. L’âge moyen des hospitalisations est de 69,5 ans pour les infarctus du myocarde, de 75 ans pour les accidents vasculaires cérébraux, de 72,6 ans pour les plaies des membres inférieurs, de 71,3 ans pour les amputations et de 69,9 ans pour la dialyse ou la greffe rénale. (1) La présence de ces complications cardiorénales a un impact dans la stratégie thérapeutique pour utiliser des médicaments cardio- et néphroprotecteurs.
Objectifs glycémiques
Les objectifs glycémiques sont les mêmes que ceux de la précédente recommandation datant de 20135 et dépendent de l’état de santé du patient. La cible d’HbA1c augmente avec le degré de fragilité du patient :
- pour les personnes dites « vigoureuses », l’HbA1c cible est ≤ 7 % ;
- pour les personnes dites « fragiles », l’HbA1c cible est ≤ 8 % ;
- pour les personnes dites « malades », l’HbA1c cible est < 9 % et/ou avec des glycémies capillaires préprandiales entre 1 et 2 g/L.
À la différence de la prise de position de la Société francophone du diabète,6 il n’y a pas de bornes inférieures lorsque le patient utilise un traitement à risque d’hypoglycémie comme les sulfamides, les glinides ou l’insuline. Cependant, la HAS introduit le concept de « désintensification thérapeutique » et recommande d’éviter le « surtraitement » des patients afin de réduire les risques iatrogènes et en particulier le risque d’hypoglycémie. Une réévaluation régulière de l’ordonnance du patient est donc nécessaire pour déprescrire certains traitements devenus inutiles ou dangereux.
Stratégie thérapeutique
La stratégie thérapeutique est, comme chez le sujet plus jeune, centrée sur le patient avec une décision médicale partagée. Elle prend en compte l’environnement de la personne, son profil médico-psychologique, ses capacités fonctionnelles, son niveau d’autonomie et d’accompagnement.
Les moyens sont les mêmes que chez les patients plus jeunes et reposent sur les modifications thérapeutiques du mode de vie et l’utilisation des traitements anti-hyperglycémiants.
Pour l’alimentation, une vigilance particulière est portée sur le risque de dénutrition et de sarcopénie et les régimes restrictifs doivent être évités.
L’activité physique doit être adaptée aux capacités fonctionnelles des patients. Le risque de chutes ou de déshydratation doit être bien évalué. L’aide d’un professionnel en activité physique adaptée (APA) peut être très utile.
Le choix des thérapeutiques doit prendre en compte le risque d’hypoglycémie et de dénutrition pouvant être induits par certains traitements ainsi que la protection cardiovasculaire (CV) chez les patients à risque.
La metformine reste le traitement de première intention s’il n’existe pas de contre-indication, notamment d’altération de la fonction rénale. Sa tolérance digestive doit être bien évaluée de même que le risque de carence en vitamine B12.
Les inhibiteurs du cotransport sodium glucose de type 2 (iSGLT2) et les analogues des récepteurs du glucagon-like peptide- 1 (aGLP1) ont les mêmes indications que chez les sujets plus jeunes : c’est-à-dire en cas de maladie athéromateuse avérée, d’insuffisance cardiaque, de maladie rénale chronique, de risque CV modéré ou élevé chez des patients en prévention primaire. Une attention particulière sera apportée au risque d’hypovolémie avec les iSGLT2 et de perte de poids avec les aGLP1.
Dans le cas où la metformine serait contre-indiquée ou mal tolérée, le choix se porte sur les inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase- 4 (iDPP4), faciles à utiliser et bien tolérés, notamment lorsque le patient ne présente pas d’indication d’iSGLT2 ou d’aGLP1.
La HAS propose ensuite le répaglinide en cas d’intolérance ou de contre-indication à la metformine et aux iDPP4 en raison de sa demi-vie courte, mais il comporte un risque d’hypoglycémie qui ne doit pas être sous-estimé. Les sulfamides hypoglycémiants sont à utiliser avec précaution en raison du risque d’hypoglycémie et ne sont pas recommandés.
Enfin, lorsque ces moyens ne suffisent pas, une insulinothérapie est débutée sous la forme d’une injection d’insuline basale parfois avec l’aide nécessaire d’un proche aidant. L’utilisation de la mesure continue du glucose est alors recommandée.
Femmes vivant avec un diabète de type 2 enceintes ou envisageant de l’être
Les femmes vivant avec un DT2 enceintes ou envisageant de l’être doivent bénéficier d’une prise en charge multidisciplinaire et individualisée associant un médecin spécialisé en endocrinologie-diabétologie-nutrition en lien avec l’équipe d’obstétrique et le médecin traitant.
La HAS recommande une planification de la grossesse afin d’obtenir une HbA1c < 6,5 % en préconceptionnel. L’obtention d’un bon équilibre glycémique au moins deux mois avant le début de la grossesse permet de réduire le risque de malformations fœtales. Pour cela, la grossesse doit être programmée et une contraception efficace doit pouvoir être proposée à la patiente en âge de procréer.
La prise en charge thérapeutique repose sur les modifications thérapeutiques du mode de vie et l’adaptation des thérapeutiques médicamenteuses pour n’utiliser qu’une insulinothérapie. Les autres traitements sont arrêtés en préconceptionnel.
L’insulinothérapie associe analogues lent et rapide. La HAS signale une expérience clinique limitée pour la dégludec et la glulisine.
Les objectifs thérapeutiques sont ambitieux avec une cible de glycémie à jeun < 0,95 g/L et post-prandial < 1,20 g/L. Les glycémies sont évaluées par glycémies capillaires ou capteur de surveillance du glucose interstitiel.
À retenir
La population âgée et diabétique est hétérogène. Une évaluation gériatrique est nécessaire afin d’adapter les objectifs thérapeutiques et la stratégie selon l’état de fragilité et les comorbidités du patient.
- Une vigilance particulière doit être portée au risque d’hypoglycémie et de dénutrition chez les patients âgés.
- Une réévaluation régulière du traitement doit être réalisée et, si cela est nécessaire, une déprescription doit être envisagée.
Pour les patientes vivant avec un diabète de type 2 enceintes ou envisageant de l’être, une planification de la grossesse est souhaitable.
- La prise en charge thérapeutique des patientes enceintes repose sur les modifications thérapeutiques du mode de vie et l’insuline. Les autres traitements doivent être arrêtés en préconceptionnel.
2. Stratégie thérapeutique du patient vivant avec un diabète de type 2. HAS, 30 mai 2024.
3. Comment repérer la fragilité en soins ambulatoires ? HAS 2013. www.has-sante.fr
4. Fried LP, Tangen CM, Walston J, et al. Frailty in older adults: evidence for a phenotype. Cardiovascular Health Study Collaborative Research Group. J Gerontol A Biol Sci Med Sci Med Sci 2001;56:M146-56.
5. HAS 2013. Recommandation de bonne pratique de la Haute Autorité de santé (HAS). Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2. Janvier 2013. www.has-sante.fr
6. Darmon P, Bauduceau B Bordier L et al. Prise de position de la Société francophone du diabète (SFD) sur les stratégies d’utilisation des traitements anti-hyperglycémiants dans le diabète de type 2. Med Mal Métab 2023,17:664-93.
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