Les sinusites aiguës font partie des infections les plus fréquentes chez l’adulte, et des motifs courants de consultation du MG. Malgré leur efficacité marginale dans ces infections, les antibiotiques continuent d’être très prescrits dans cette indication. Ainsi, les sinusites aiguës sont les infections respiratoires aiguës marquées par la plus forte proportion de patients placés sous antibiotiques. À l’heure de la hausse de l’antibiorésistance, il apparaît urgent d’évaluer de nouvelles approches moins coûteuses et limitant l’usage de ces traitements.
Parmi ces dernières, le lavage du nez par une solution saline apparaît comme un bon candidat potentiel. Des recos européennes de 2020 suggéraient déjà que cette option pouvait soulager les symptômes des infections respiratoires aiguës, malgré son manque de preuves. Une revue Cochrane de 2016 avait déjà montré (sur la base de deux petits essais) un intérêt potentiel dans la rhinosinusite chronique par rapport au placebo, tandis qu’un essai randomisé contrôlé paru la même année pointait des légères améliorations symptomatiques dans la maladie aiguë par rapport au traitement standard.
Afin d’en savoir plus, une équipe internationale de chercheurs a monté une étude pilote sous la forme d’un essai randomisé contrôlé à deux bras, recrutant dans 24 centres de soins primaires anglais des adultes atteints de sinusite aiguë.
Son objectif premier était la faisabilité : c’est-à-dire, déterminer si un grand essai comparant rinçage du nez par solution saline (avec antibiotiques différés) et soins standards (souvent, des antibiotiques immédiats) était réalisable en soins primaires. Le groupe contrôle a reçu un traitement standard (le plus souvent une prescription immédiate d’antibiotiques*, avec des conseils d’utilisation des antalgiques), tandis que le groupe expérimental a reçu une explication verbale et par vidéo sur la façon de se rincer le nez avec une solution saline. Le médecin leur a demandé de se laver quotidiennement le nez avec une solution saline maison** en utilisant un neti pot (150 mL à travers chaque narine) jusqu’à résolution des symptômes (ou pendant 21 jours). Ce groupe a aussi reçu des conseils sur l’utilisation des antalgiques. Tous les participants devaient noter leurs activités quotidiennes pendant 4 semaines, ainsi que l’intensité d’éventuels symptômes (sur une échelle de Likert à 7 points).
Les critères de jugement principaux de faisabilité étaient la proportion de patients éligibles ayant accepté la randomisation, l’adhésion à l’intervention et la proportion de connaissance du critère de jugement clinique principal dans chaque groupe. Le critère de jugement clinique principal était la consommation d’antibiotiques rapportée par le patient pendant 4 semaines de suivi ; les critères secondaires incluaient la durée de la phase sévère de la maladie (avec un score de symptômes sur les jours 2 - 4), les reconsultations ou encore l’absence d’amélioration à 4 semaines.
Les résultats sont parus le 26 août 2025 dans le BJGP Open. Parmi 107 personnes invitées à participer, 81 patients (soit 76 %) ont accepté d’être randomisés (42 dans le groupe expérimental [âge moyen = 49 ans], et 39 dans le groupe soins usuels [âge moyen = 46 ans]). Le critère clinique principal (la consommation d’antibiotiques à 4 semaines) a été renseigné par 83 % des patients du groupe expérimental, et par 77 % du groupe « soins usuels ».
40 % du groupe expérimental a reçu une prescription immédiate d’antibiotiques, 17,5 % une prescription différée, et 42,5 % pas d’antibiotiques. Dans le groupe contrôle, ces proportions respectives étaient de 61,5 %, 7,7 % et 30,8 %. Les groupes n’étaient pas différents significativement sur le plan des critères cliniques. Ceux prenant la solution saline ont toutefois rapporté une durée de maladie légèrement plus importantes que le groupe contrôle, mais des symptômes un peu plus légers. La plupart ont déclaré que le lavage nasal avait amélioré leurs symptômes de sinusite, en débouchant leur nez et en soulageant la douleur.
Malgré des limites évidentes dans le nombre d’individus recrutés et le flou du protocole concrètement suivi (antibiotiques prescrits immédiatement dans le groupe expérimental, absence de prescription et prescriptions différées dans le groupe contrôle), les auteurs en concluent que le rinçage du nez avec antibiothérapie différée est une alternative à l’antibiothérapie immédiate jugée acceptable par les adultes souffrant de sinusite aiguë, rendant possible la réalisation d’essais randomisés plus larges qui pourront évaluer de manière solide l’utilité clinique de cette stratégie, ainsi que son potentiel à réduire la consommation d’antibiotiques.
* antibiothérapie suggérée aux MG : pénicilline V 500 mg 4 fois/jour OU amoxicilline 500 mg 3 fois/jour pendant 1 semaine. En cas d’allergie à la pénicilline, clarithromycine 500 mg 2 fois/jour pendant 1 semaine.
** une cuillère à café bombée de sel, une demi-cuillère à café de bicarbonate de soude et 568 mL d'eau du robinet
Pour en savoir plus :
Nobile C. Sinusites chez l’enfant : nouvelles recos HAS. Rev Prat (en ligne) 20 janvier 2025.
Chatelet F, Herman P, Verillaud B. Infections naso-sinusiennes de l’enfant et de l’adulte. Rev Prat 2024;74(9);1027-30.
Tran Ba Huy P. Pathologie rhinosinusienne : les messages clés. Rev Prat 2019;69(3);285.