Après avoir publié, en 2024, des recommandations sur la prise en charge du surpoids et de l’obésité de l’adulte, la HAS les complète par des documents spécifiquement dédiés aux patientes. Qu’en retenir ?

Pourquoi des recommandations particulières ?

En France, la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : en 2021, cette pathologie concernait 23 % d’entre elles contre 21 % des hommes, selon les dernières données recueillies par le Global Burden of Disease (GBD) et publiées le 3 mars dans le Lancet . Selon les projections du GBD, près de 2 femmes sur 5 seront en situation d’obésité en France en 2050.

De plus, certains comportements à risque favorisant l’obésité sont plus fréquents chez les femmes, ce qui menace d’aggraver ces tendances. C’est notamment le cas du manque d’activité physique : en 2021, seules 59 % des femmes atteignaient les recommandations en matière d’activité physique, contre 73 % des hommes, selon le Baromètre de Santé publique France.

Enfin, outre les conséquences sur la santé communes aux deux (sur-risque de maladies cardiovasculaires, de cancers…), l’obésité retentit parfois plus fortement sur plusieurs aspects de la santé des femmes : risque accru de complications maternelles et fœtales, de développer les cancers féminins dont ceux du sein ou de l’utérus en période post-ménopausique, ou de l’ovaire, pressions sociales et stigmatisations plus marquées par rapport à l’apparence physique…

C’est pourquoi la HAS vient de publier un complément spécifiquement dédié aux femmes des recommandations publiées l’année dernière sur la prise en charge du surpoids et de l’obésité chez l’adulte. Il s’agit d’un guide des actions à mettre en place en prévention et dès le diagnostic d’un surpoids ou d’une obésité chez les femmes, scandées par plusieurs étapes de leur vie : période préconceptionnelle, grossesse, période postnatale, grossesse après chirurgie bariatrique, périménopause et ménopause.

Les 5 messages clés

1. Dépister systématiquement surpoids et obésité 

Au moins une fois par an, proposer un calcul de l’IMC et une mesure du tour de taille en cas de surpoids, notamment lors de consultations spécifiques (contraception, dépistage des cancers, de consultation préconceptionnelle, exploration d’une infertilité, entretien prénatal précoce, etc.).

Dans le même temps, valoriser les comportements favorables à la santé : augmentation de l’activité physique, diminution de la sédentarité, amélioration de l’alimentation, du sommeil… (v. fiche-conseils à télécharger, page 11 des recos).

2. Prendre soin sans stigmatiser, en étant attentif aux vulnérabilités

L’obésité est plus fréquente chez les femmes défavorisées socialement et les femmes en surpoids-obésité sont plus souvent confrontées à différentes formes de stigmatisation liées à une discrimination de genre.

Ainsi, pour une prise en charge sans stigmatisations ni culpabilisation, il convient :

  • d’offrir un environnement et un matériel de soins adaptés : lit d’examen large et à hauteur variable, pèse-personne avec capacité > 150 kg, brassard de tensiomètre pour une circonférence de bras de 45 à 52 cm, sièges larges et sans accoudoirs, toilettes accessibles, etc.) ;
  • de demander l’accord de la femme pour aborder poids, habitudes et contexte de vie ;
  • d’éviter de blesser lors de l’annonce du diagnostic et d’aborder avec tact et sans préjugés toute préoccupation de la femme pour son poids, son image corporelle, son rapport au corps, sa sexualité.

Pour agir précocement face aux vulnérabilités particulières, repérer les situations à risque :

  • précarité matérielle, familiale, professionnelle  ;
  • situations passées ou présentes de maltraitance, abus, harcèlement, violences (sexuelles, au sein du couple ou intrafamiliale) ;
  • pratiques ou incitations au contrôle excessif du poids, source de troubles des comportements alimentaires ;
  • difficultés psychologiques, auto-stigmatisation, troubles psychiatriques, conduites addictives.

Orienter alors vers des ressources spécialisées : psychologue ou psychiatre spécialisé dans les TCA, diététicien.

3. Coconstruire un projet de soins personnalisé, en accompagnant les modifications des habitudes de vie

Le projet de soins est coordonné par le médecin généraliste, en lien avec d’autres spécialistes (gynécologue médical ou obstétricien, sage-femme, médecins spécialistes dans l’obésité…) grâce notamment à la téléexpertise :

  • formuler des objectifs personnalisés en fonction de la situation, après avoir évalué le retentissement du surpoids ou de l’obésité sur la santé globale, au-delà du seul IMC : le bilan clinique et les examens complémentaires à réaliser en fonction des situations sont listés dans l’annexe 2 des recos, à télécharger pp. 12 - 14) ;
  • les soins sont gradués en fonction de la complexité de l’obésité, qui oriente vers un type de prise (hygiénodiététique, pharmacologique, chirurgicale… ; v. annexe 3, p. 15). Les interventions doivent être multidimensionnelles et pluriprofessionnelles ;
  • le suivi est régulier et sur le long terme : s’appuyer sur le vécu de la femme, les progrès réalisés, les difficultés, les bilans médicaux et ceux des autres professionnels impliqués.

Pour accompagner au mieux la prise en charge hygiénodiététique :

  • explorer avec tact les habitudes alimentaires, rechercher avec la patiente comment les adapter au mieux : par exemple, valoriser le rôle structurant des repas (nombre, horaire, lieu et contexte, manière de manger, convivialité), favoriser l’accès à une aide alimentaire en cas de difficultés ;
  • S’intéresser aux freins et leviers sociaux, familiaux, environnementaux qui influencent la possibilité de pratiquer une activité physique pour aider à l’augmenter : par exemple, allégement de certaines contraintes familiales, offres accessibles, apprentissage d’exercices en autonomie ;
  • Si besoin, prescrire une activité physique adaptée et orienter vers un(e) diététicien(ne).

4. Assurer un suivi gynécologique régulier tout au long de la vie

Plusieurs spécificités concernent le suivi gynécologique de la femme en situation de surpoids-obésité : sur-risque cardiovasculaire à prendre en compte pour le choix de la contraception et durant la périménopause et la ménopause, risque de prise de poids supplémentaire avec certaines méthodes contraceptives à prendre en compte, sur-risque de développer certains cancers (sein, ovaire, endomètre)…

Il convient donc d’adapter le suivi en conséquence, et de proposer des examens complémentaires en fonction de chaque situation (annexe 2 des recos, à télécharger pp. 12 - 14), sans oublier d’aborder le rapport au corps et le retentissement spécifique du surpoids-obésité sur la vie affective et sexuelle, les éventuelles fuites urinaires, etc.

Pour accompagner au mieux la périménopause et la ménopause : évaluer le risque cardiovasculaire, construire un projet de soins personnalisé en fonction de la complexité du surpoids-obésité (stabilisation du poids, le cas échéant diminution des apports énergétiques tout en conservant apports protidiques, activité physique, évaluation de l’impact d’un éventuel THM…), explorer toute métrorragie post-ménopausique.

5. Focus sur la grossesse : anticiper, suivre en fonction du risque, accompagner la période périnatale

Anticiper une future grossesse et accompagner son début : 

  • expliquer l’intérêt de stabiliser le poids avant la grossesse et d’éviter les variations (mais une perte de poids n’est pas un préalable obligatoire à la grossesse ni à une PMA) ; accompagner les modifications des habitudes de vie sans chercher à faire perdre du poids pendant la grossesse ;
  • rechercher l’histoire des grossesses antérieures : complications, prise de poids, rétention de poids dans le postpartum, etc. ;
  • envisager une adaptation du traitement des maladies associées à l’obésité et des éventuels troubles psychiques, et orienter si besoin vers un spécialiste ;

Proposer un suivi adapté au risque :

  • apprécier précocement (avant 10 SA) le niveau de risque pour le déroulement de la grossesse et l’accouchement et orienter au besoin ;
  • suivre la courbe de poids maternelle et fœtale de manière rapprochée durant toute la grossesse ;
  • identifier tout trouble du comportement alimentaire ;
  • proposer un suivi adapté après l’accouchement (somatique, psychologique, nutritionnel, social et familial).

Durant la période postnatale :

  • dépister une dépression ou une anxiété du postpartum (sur-risque en cas d’obésité) ;
  • allaitement : expliquer que la montée de lait après l’accouchement peut être décalée dans une situation de surpoids ou d’obésité, accompagner l’allaitement des mères qui le souhaitent ;
  • poursuivre le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire associés à l’obésité (HTA, tabagisme, hyperlipidémie sévère, diabète) et d’une dyspnée.

En cas de grossesse après une chirurgie bariatrique, mettre en œuvre un suivi spécialisé et obstétrical.

Pour en savoir plus
HAS. Surpoids et obésité chez la femme : dépistage et accompagnement. 28 février 2025.
Nobile C. Surpoids/obésité : nouvelles recos de la HAS pour le médecin traitant.  Rev Prat (en ligne) 29 février 2024.

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