Le syndrome douloureux sous-acromial est une douleur d’épaule non traumatique, habituellement unilatérale, localisée au moignon de l’épaule (et pouvant irradier vers le bras), souvent aggravée pendant ou après une élévation du bras. Ce syndrome comprend les diagnostics de bursopathie, tendinopathie et rupture dégénératives des tendons de la coiffe des rotateurs (notamment du supraépineux), tendinopathie du long biceps et tendinopathies calcifiantes.
Après échec d’un traitement médicamenteux de première intention (paracétamol associé ou non aux antalgiques de palier 2 de l’OMS, avec cures courtes possibles d’AINS si douleur aiguë), puis échec d’un traitement de deuxième intention (injections sous-acromiales de dérivés cortisonés, kinésithérapie), une chirurgie peut être proposée au cas par cas : décompression sous-acromiale ou acromioplastie sous arthroscopie.
Elle fait partie des procédures orthopédiques les plus communes : en France, sur le second semestre 2022, 3 629 patients de 40 ans et plus ont subi une acromioplastie isolée. Cette intervention chirurgicale est surtout réalisée dans un contexte de tendinopathie de l’épaule non rompue et non traumatique, contexte où elle n’est pourtant pas recommandée par la HAS.
De fait, plusieurs essais randomisés contrôlés ont montré l’absence de bénéfices à court (1 - 2 ans) et moyen terme (5 ans) de cette intervention versus une chirurgie placebo et une prise en charge non chirurgicale. Pour compléter la littérature par des données à long terme, des chercheurs finlandais ont évalué en essai randomisé contrôlé en simple aveugle l’efficacité à long terme (10 ans) de l’acromioplastie sous arthroscopie contre une chirurgie placebo ou un programme d’exercices.
Une évaluation de la douleur à 10 ans
210 participants adultes de 35 à 65 ans ont été recrutés entre 2005 et 2023 dans les départements de chirurgie orthopédique de trois hôpitaux publics en Finlande. À l’inclusion, ils avaient depuis plus de 3 mois des symptômes évoquant un syndrome douloureux sous-acromial. Les patients ont été randomisés en 2 étapes : d’abord en ratio 2 :1 entre chirurgie et programme d’exercices (N = 71), puis en ratio 1 :1 entre acromioplastie sous arthroscopie (N = 59) et chirurgie placebo (N = 63). Le programme d’exercices servait donc de comparateur pragmatique à la chirurgie.
Le critère de jugement principal était la douleur d’épaule ressentie au repos et lors de l’activité du bras 10 ans après la procédure, évaluée par le patient sur une échelle visuelle analogique (EVA graduée de 0 à 100). Sur cette échelle, une différence entre 2 valeurs était considérée comme importante à partir de 15.
Pas de supériorité sur les autres stratégies
Les résultats sont parus le 2 décembre 2025 dans le BMJ. Les démographies des trois cohortes étaient similaires en termes démographiques (âge moyen d’environ 50 ans, 42 - 47 % de femmes selon les groupes, durée des symptômes similaires à l’inclusion, etc.). En tout, 168 participants ont complété le suivi à 10 ans.
Les scientifiques n’ont pas observé de différences significatives entre les chirurgies réelle et placebo concernant le score de douleur rapporté sur l’EVA, que ce soit pour l’épaule au repos (différence moyenne de - 1,5 ; IC 95 % = [- 8,6 ; 5,6]) ou en mouvement (différence = - 3,2 [- 13,0 ; 6,5]).
De même, en comparant l’acromioplastie sous arthroscopie à un programme d’exercices, les chercheurs ne voient pas de différence significative en matière de score de douleur sur EVA pour l’épaule au repos (différence = - 4,0 [- 11,0 ; 3,0]) et en mouvement (différence = - 9,4 [- 19,0 ; 0,3]).
En conclusion, les auteurs considèrent que chez les patients atteints de syndrome douloureux sous-acromial, l’acromioplastie sous arthroscopie n’offre pas de bénéfices à 10 ans par rapport à la chirurgie placebo ou à un programme d’exercices.
#Que disent les recos françaises ?
Ces résultats sont cohérents avec les dernières recommandations de la HAS (2023), qui notaient qu’en l’absence de rupture transfixiante et en échec d’un traitement médical de première intention, dans le syndrome douloureux sous-acromial, il n’y a pas de preuve de l’efficacité de la chirurgie décompression sous-acromiale (acromioplastie et bursectomie) isolée par rapport au placebo :
- des données suggèrent que les exercices sont aussi efficaces que la chirurgie de décompression sous-acromiale associée aux exercices ;
- l’intérêt de la chirurgie décompression sous-acromiale, en deuxième intention, nécessite d’évaluer les facteurs de risque d’échec du traitement médical dans des études de bonne qualité ;
- la décision d’opérer le patient pour une tendinopathie dégénérative n’est jamais une urgence et doit résulter d’une discussion médicochirurgicale entre les différents professionnels de santé impliqués dans la prise en charge et avec le patient.
Darrieutort-Laffite C. Comment prendre en charge les tendinopathies de l’épaule selon les recommandations HAS ? Rev Rhum 3 avril 2025.
HAS. Conduite diagnostique devant une épaule douloureuse non traumatique de l’adulte et prise en charge des tendinopathies de la coiffe des rotateurs. 31 août 2023.
Pour en savoir plus :
Nobile C. Tendinopathies de la coiffe des rotateurs. Rev Prat (en ligne) 8 décembre 2025.
Nobile C. Épaule douloureuse : nouvelles recos de la HAS ! Rev Prat (en ligne) 21 septembre 2023.