Acupuncture, hypnose, ostéopathie… les interventions non médicamenteuses et les thérapies complémentaires ont le vent en poupe. Les praticiens doivent connaître les mécanismes d’action supposés ou réels, leur utilité et leurs risques pour bien conseiller et orienter les patients.

Quelques définitions pour s’y retrouver

Une intervention non médicamenteuse (INM) correspond à un « protocole de prévention, santé ou de soin efficace, personnalisé, non invasif, référencé et encadré par un professionnel qualifié ». En pratique, il peut s’agir d’une intervention physique, psychologique, nutritionnelle, visant à prévenir ou soigner un problème de santé. De nombreuses INM sont validées, avec un bon niveau de preuve, comme des programmes d’activité physique adaptée, des psychothérapies, des régimes diététiques, des méthodes de rééducation ou d’éducation thérapeutique. Les acteurs des INM sont des professionnels de santé et des praticiens formés à ces méthodes, bien que cette formation reste souvent insuffisamment réglementée. Une INM est ainsi une méthode ciblée de santé, fondée sur des données probantes.

Les thérapies complémentaires (ThC), ou « pratiques de soins non conventionnelles » (terme retenu actuellement par le ministère de la Santé), sont des méthodes à visée préventive ou thérapeutique utilisées en complémentarité avec la médecine « conventionnelle ». Le terme « complémentaire » ne définit pas une thérapie, mais sa modalité d’usage. À l’opposé, le terme « thérapies alternatives » renvoie à « l’usage alternatif » de certaines thérapies, qui se substituent à la médecine conventionnelle, avec un risque de dérives charlatanesques ou sectaires, de retard de traitement, refus de soin, perte de chance.

Les médecines traditionnelles sont des systèmes de pensée dans lesquels la santé est envisagée dans un environnement socioculturel, voire spirituel, particulier (médecine traditionnelle chinoise, par exemple).

La médecine intégrative associe les thérapies issues de la médecine « conventionnelle » et les thérapies complémentaires les plus pertinentes dans une indication donnée. Elle permet à la fois d’optimiser l’utilisation des traitements médicaux et de sécuriser le recours aux thérapies complémentaires.

Classification des INM et des thérapies complémentaires

La classification proposée par le National Center for Complementary and Integrative Health (NCCIH) américain est proche de celle proposée par l’OMS et distingue les interventions :

  • physiques ou corporelles : physiothérapie, thérapies manuelles, balnéothérapie… ;
  • psychologiques : psychothérapies, pratiques psychocorporelles, Eye Movement Desensitization and Reprocessing [EMDR], etc. ;
  • nutritionnelles : programmes nutritionnels, compléments alimentaires ;
  • multimodales, associant certaines des précédentes ;
  • et les systèmes médicaux globaux (médecines traditionnelles).
 

Les principes généraux de l’évaluation des INM et ThC sont décrits dans les tableaux 1 et 2.

Principales thérapies complémentaires : utilité et risques

Acupuncture et médecine traditionnelle chinoise

La médecine traditionnelle chinoise repose sur une approche de l’homme considéré comme un tout dans son environnement. Elle comprend l’acupuncture, le qi gong, la pharmacopée et la diététique.

Le mode d’action de l’acupuncture reste encore mal connu, bien que des sites d’action aient été mis en évidence, avec de potentiels effets analgésiques, endocriniens, tissulaires, immunitaires.

En pratique, après examen médical, le médecin acupuncteur détermine les points à stimuler au moyen d’aiguilles stériles à usage unique, qui sont laissées en place pendant une durée variable. Ces points peuvent être chauffés (moxibustion) ou stimulés par électro-acupuncture. Le nombre des séances est variable.

Fondées sur des données scientifiques probantes, ces ThC sont reconnues par l’OMS et concernent, avec un bon niveau de preuve, trois indications prioritaires : le sevrage tabagique, les céphalées et migraines et les nausées gravidiques. D’autres indications peuvent être envisagées : rachialgies et douleurs musculosquelettiques, douleurs postopératoires, nausées et vomissements postopératoires, soins de support en oncologie (nausées et vomissements induits par la chimiothérapie, fatigue, bouffées de chaleur sous traitement hormonal, arthralgies sous antiaromatases), dysménorrhées, dépression modérée, rhinite allergique.

Il n’y a pas de contre-indication à l’acupuncture dès lors qu’elle est pratiquée par un soignant diplômé. Le rapport de l’Inserm sur l’efficacité et la sécurité conclut à une prévalence très faible des effets indésirables, qui sont transitoires.

En France, l’exercice de l’acupuncture est réservé aux professions médicales et est reconnu par l’Ordre des médecins et l’Ordre des sages-femmes. La formation diplômante est dispensée dans les facultés de médecine : capacité de médecine en acupuncture en trois années pour les docteurs en médecine, en odontologie, en médecine vétérinaire, et diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale en deux années pour les sage-femmes.

Médecine manuelle et ostéopathie médicale

La médecine manuelle est une pratique visant à diagnostiquer et traiter une dysfonction bénigne, mécanique et/ou réflexe d’une structure articulaire ou des tissus mous. L’ostéopathie propose une approche plus globale qui consiste, après un diagnostic médical excluant les contre-indications, en un traitement manipulatif de plusieurs sites (rachis et/ou périphériques) avec plusieurs méthodes (tissus mous et articulaires). Les techniques non forcées comprennent les mobilisations articulaires et vertébrales, les techniques neuromusculaires (myotensives) et celles de raccourcissement. Les manipulations proprement dites sont des mouvements forcés articulaires périphériques et vertébraux, avec impulsion de très faible amplitude et de très haute vélocité. L’objectif est de restaurer une capacité de mouvement d’amplitude maximale et non douloureuse. Les principales indications sont les dysfonctions douloureuses vertébrales (cervicalgies, dorsalgies, lombalgies, coccygodynies) en première intention lorsqu’il s’agit d’une forme commune (sans facteurs de gravité, voir ci-dessous) à la phase aiguë (effet sur la douleur et la fonction) et en traitement d’appoint des formes chroniques.

Au-delà, toutes les dysfonctions bénignes douloureuses, articulaires ou tendinomusculaires sont accessibles au traitement manuel et ostéopathique lorsque les contre-indications ont été écartées :

  • pathologies exposant à un risque non contrôlé lors d’une manipulation, comme les cancers, les infections, les fractures, les pathologies inflammatoires en poussée ;
  • risque neurologique (malformation, conflit discoradiculaire) ;
  • risque vasculaire (insuffisance vertébrobasilaire).
 

Depuis la loi du 2 mars 2002, les manipulations peuvent être réalisés par toute personne, soignante (kiné, sage-femme…) ou non, titulaire du diplôme d’ostéopathie, avec des restrictions comme les manipulations cervicales (réservées aux médecins). Le DIU national de médecine manuelle et d’ostéopathie médicale, en trois ans, est reconnu par l’Ordre des médecins et enseigné dans dix universités françaises.

Hypnose

L’hypnose est définie par un « état de fonctionnement psychologique par lequel un sujet, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargie lors duquel il ne centre plus son attention et ses émotions uniquement sur une partie de son corps (douleur, anxiété…) et peut modifier la façon dont il perçoit ses sensations corporelles. »

L’hypnose, qui doit être réalisée par des professionnels de santé correctement formés dans leur champ de compétences, possède un niveau de preuve scientifique pour la prise en charge :

  • de la douleur (aiguë, chronique, procédurale) ;
  • de l’anxiété ;
  • de certains troubles somatiques dits « fonctionnels ».
 

Par exemple, en cas de douleur aiguë, l’hypnose permet de moduler la composante sensorielle (intensité de la douleur) et émotionnelle (anxiété associée) dans de nombreuses situations : douleurs induites par les soins, odontologie, obstétrique, au bloc opératoire (pour réduire les doses de sédatifs et antalgiques).

En cas de douleur chronique, elle peut avoir sa place parmi d’autres traitements, pour aider le patient à mobiliser ses ressources propres pour faire face à ses douleurs. Enseigner l’autohypnose dès le début de la prise en charge lui apprend à devenir autonome et acteur de sa santé.

Contre-indications : états psychiatriques aigus et/ou sévères (par exemple mélancoliques, psychotiques, dissociatifs…).

Il existe en France de nombreux diplômes universitaires d’hypnose médicale ou thérapeutique, généralement d’une durée d’une année, ouverts aux professionnels de santé et aux psychologues.

Méditation de pleine conscience

La « mindfulness » met en jeu les processus attentionnels et amène le pratiquant à être attentif à l’instant présent, en prenant de la distance par rapport aux jugements qui peuvent émerger du mental. Dans l’anxiété et la dépression, les protocoles bien codifiés utilisant la méditation ont un bon niveau de preuve dans la prévention des rechutes dépressives. Dans les douleurs chroniques, ils permettant de mieux faire la différence entre la douleur elle-même (qui n’est pas modifiée) et la souffrance émotionnelle qui accompagne la douleur chronique. Dans la maladie chronique, ils ont été explorés dans de nombreux domaines (suites du traitement d’un cancer, par ex.), avec une amélioration de la qualité de vie, des ruminations mentales et de l’anticipation anxieuse.

La pratique méditative peut améliorer significativement les troubles du sommeil (surtout en cas de difficultés d’endormissement). Pour les soignants, souvent exposés à des situations de stress, elle peut permettre de développer une habitude du « prendre soin de soi » et trouve ainsi son intérêt dans la prévention du burn out.

Cependant, pour son apprentissage, elle nécessite d’être portée par un enseignant formé, de préférence professionnel de santé, susceptible de déterminer si le patient peut aborder ces pratiques sans risques, qu’il peut orienter en cas d’effets indésirables (rares et surtout observés chez des personnes ayant des antécédents psychiatriques). Elle se pratique toujours dans le cadre de protocoles adaptés au contexte des soins. Il ne s’agit donc pas ici d’une pratique méditative séculaire ou religieuse.

Des diplômes universitaires de méditation en pleine conscience, relation thérapeutique et méditation en santé (1 an) sont ouverts aux professionnels de santé et aux psychologues.

Homéopathie

C’est la thérapie complémentaire les plus utilisée en France par les professionnels de santé et les patients. L’homéopathie repose sur le principe controversé de similitude selon lequel une substance capable de provoquer des symptômes à forte dose pourrait corriger ces symptômes à faible dose. Les médicaments homéopathiques disposent d’une AMM mais n’ont pas d’indication ni de notice. Depuis 2021, ils ne sont plus remboursés, faute de preuve d’une efficacité supérieure à celle du placebo sur la morbidité et la qualité de vie. La HAS reconnaît toutefois un profil de tolérance, de sécurité d’emploi et d’interactions médicamenteuses très favorable, comparable à celui d’un placebo dans les études comparatives.

Les principaux risques sont liés à son usage « alternatif » : retard diagnostique, stratégies préventives inadéquates, défiance vis-à-vis de la vaccination…

En France, l’exercice de l’homéopathie est réservé aux médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, sage-femmes et vétérinaires. L’enseignement est dispensé par certaines universités (DIU de thérapeutique homéopathique). L’Académie de médecine et l’Académie de pharmacie ont rendu un avis défavorable concernant son enseignement à l’université.

Qu’en retenir ?

Inscrites dans la Stratégie nationale de santé 2018 - 2022 et différents rapports, dont celui de la HAS, depuis 2011, les INM, TNM et ThC ont un intérêt dans les secteurs de la prévention, du traitement de la douleur, de la prise en charge des maladies chroniques, de l’accompagnement du handicap, de la santé mentale, de l’enfance et du bien-vieillir. Elles doivent, au mieux, compléter les traitements biomédicaux, notamment pour réduire le risque de surprescription médicamenteuse. Même si plusieurs d’entre elles (exercice physique, approches nutritionnelles, acupuncture, hypnose, méditation, etc.) ont déjà fait l’objet d’études poussées et commencent à être prises en charge par l’Assurance maladie et certaines mutuelles, il faut rester vigilant sur leurs risques potentiels.

Il s’agit de privilégier le recours aux thérapies complémentaires bénéficiant de preuves d’efficacité et de sécurité dans une indication donnée, mises en œuvre par des professionnels de santé bien formés, au mieux par une formation universitaire, dans un cadre sécurisé et avec un coût adapté.

Les pièges à éviter sont indiqués dans l’encadré ci-dessous.

Encadre

Drapeaux rouges : ce qui doit alerter et les pièges à éviter

Il importe d’être vigilant sur les risques, voire les dérives, de certaines pratiques complémentaires, en particulier les usages alternatifs, surtout si les conditions ci-dessous sont présentes.

Le praticien

Il n’est pas un professionnel de santé, voire n’est pas diplômé.

Il tient des propos remettant en cause la science (scepticisme vis-à-vis des vaccins, de l’industrie pharmaceutique, etc.).

Il incite à un usage exclusif de sa méthode et demande d’arrêter les traitements conventionnels.

La pratique

Le praticien prodigue des actes invasifs (piqûres, ingestion de produits, etc.), alors qu’il n’en a pas le droit.

Le praticien prodigue des actes non consentis (toucher vaginal ou rectal, relations sexuelles…).

La sévérité de la pathologie

Il convient d’être d’autant plus vigilant sur l’usage de ces pratiques que la pathologie est plus grave et le patient plus vulnérable.

Le cadre

Hors parcours de soins ; dans un cadre isolé/inadapté.

Le coût

Le coût demandé par le praticien est déraisonnable, voire exorbitant, par rapport à celui d’une consultation conventionnelle.

Pour en savoir plus
Bontoux D, Couturier D, Menkès CJ. Thérapies complémentaires – acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi – leur place parmi les ressources de soins.  Académie nationale de médecine. 7 mars 2013.
Berna F, Paille F, Boussageon R, et al. Médecine conventionnelle et pratiques de soins non conventionnelles.  Encyclopédie médico-chirurgicale 2024;37-860-A-90:1-8.
Berna F, Nizard J, Verneuil L, et al. La réduction des risques et des dommages appliquée aux pratiques de soins non conventionnelles : analyse des usages à risques et questionnaire d’évaluation des risques.  Press Med Form 2024;5(1):10-20.
Haute Autorité de santé. Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées. 1er juin 2011.
Organisation mondiale de la santé. WHO traditional medicine Strategy: 2014-2023. 15 mai 2013.
Barry C, Seegers V, Gueguen J, et al. Évaluation de l’efficacité et de la sécurité de l’acupuncture.  Inserm 17 janvier 2014.
Gueguen J, Barry C, Hassler C, et al. Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose.  Inserm 7 juillet 2015.
Haute Autorité de santé. Avis de la commission de la transparence. Évaluation des médicaments homéopathiques soumis à la procédure d’enregistrement prévue à l’article L5121-13 du CSP. 26 juin 2019.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés