L’exposition au travail de nuit augmente-t-elle le risque cardiovasculaire ? Pour la première fois, une étude transversale de l’INRS sur plus de 50 000 travailleurs français révèle des effets du travail de nuit sur différents paramètres métaboliques en fonction de la durée d’exposition et du sexe.

Si la prévalence de certains facteurs de risque cardiovasculaire (CV) [obésité, hypertension artérielle, dyslipidémies] est connue pour être plus importante chez les travailleurs postés ou de nuit depuis plus de 10 ans, les données manquent pour quantifier les effets de la durée d’exposition au travail de nuit sur cette hausse de prévalence, en prenant en compte à la fois le sexe et le type de travail de nuit (actuel ou passé, travail permanent de nuit ou en rotation).

Pour en savoir plus, des chercheurs français de l’Inserm et de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ont réalisé une étude transversale sur la cohorte populationnelle française Constances, qui comprend plus de 220 000 adultes français sélectionnés aléatoirement parmi les bénéficiaires de l’Assurance maladie.

Plus de 50 000 sujets inclus

Leur objectif était d’évaluer la relation dose-effet entre l’exposition au travail de nuit et les principaux facteurs de risque CV suivants :

  • obésité (IMC ≥ 30) ;
  • obésité abdominale (tour de taille ≥ 102 cm pour l’homme et ≥ 88 cm pour la femme) ;
  • HTA (pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg ou pression artérielle diastolique ≥ 90 mmHg ou histoire d’HTA ou traitement pour l’HTA) ;
  • triglycéridémie élevée (≥ 1,7 mmol/L ou traitement) ;
  • cholestérol HDL bas ( 1,04 mmol/L pour l’homme et  1,29 mmol/L pour la femme, ou traitement) ;
  • cholestérol non-HDL élevé (≥ 4,2 mmol/L ou traitement) ;
  • diabète de type 2 (glycémie à jeun ≥ 7 mmol/L ou traitement) ;
  • SCORE2 (ou SCORE2 -OP si âge ≥ 70 ans) modéré à élevé (seuils correspondants et méthode de calcul ici). Pour rappel, ces scores européens évaluent le risque d’événement CV (fatal ou non) dans les 10 ans à venir.

L’étude actuelle s’est concentrée sur les participants en emploi actif lors de leur recrutement en 2012 - 2018, qu’ils travaillent ou aient travaillé de nuit ou non. Parmi 62 429 personnes retenues, celles ayant des antécédents personnels de maladies CV, de diabète de type 1 ou des données manquantes concernant les facteurs de risque CV étudiés (listés ci-dessus) ont été exclues. L’échantillon final comportait 52 234 sujets (52,3 % de femmes ; âge moyen = 44,1 ans [intervalle : 18,5 - 71,5 ans]).

Des surrisques variables selon le sexe et le type de travail de nuit

Les résultats sont parus en français en décembre 2025 dans les Archives des maladies professionnelles et de l’environnement (accès payant), après une première publication en janvier 2025 dans une revue anglophone en accès ouvert (BMC Public Health). Ils ont été résumés par l’INRS sur son site web. Qu’en retenir ?

Au sein de l’échantillon final, 685 sujets étaient travailleurs de nuit permanents, 915 étaient alternants et 2 972 étaient d’anciens travailleurs de nuit. Comme le notent les auteurs, un surrisque de SCORE2 modéré à élevé a été observé chez les travailleurs de nuit permanents (+ 43 %), « alternants » (+ 72 %) et anciens (+ 101 %). Parmi les travailleurs de nuit permanents de sexe masculin, des surrisques d’obésité (+ 76 %) et d’obésité abdominale (64 %) ont été enregistrés à cinq ans d'exposition, ainsi que de diabète de type 2 (+ 119 %) à 10 ans d'exposition.

Les travailleurs de nuit « alternants » masculins avaient une augmentation du risque d'obésité/obésité abdominale (environ + 45 %) et de triglycéridémie élevée (+ 52 %) après cinq ans d'exposition.

Enfin, les anciennes travailleuses de nuit présentaient un excès de risque d’obésité/obésité centrale (environ + 45 %), d’hypertension artérielle (+ 34 %) et de cholestérol HDL bas (+ 35 %) après cinq ans d'exposition.

En conclusion de leur article, les auteurs affirment que les effets du travail de nuit sur les facteurs de risque CV varient en fonction des profils de travail de nuit et du sexe. Certains effets ont été observés après 5 ans d’exposition, tandis qu’à 10 ans d’exposition, un excès de risque modéré/élevé de maladie CV a été observé pour toutes les catégories de travailleurs de nuit. « Ces résultats confirment la nécessité d’une surveillance précoce et appropriée des facteurs de risque cardiovasculaires chez les travailleurs de nuit actuels et anciens », affirment-ils.

Références
Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Durée d’exposition au travail de nuit et facteurs de risque cardiovasculaires : résultats à partir de 52 234 travailleurs de la cohorte CONSTANCES.2025.
Bourgkard E, Boini S, Grzebyk M, et al. Duration of exposure to night work and cardiovascular risk factors: results from 52,234 workers of the CONSTANCES study.  BMC Public Health 2025;25(1):356.
Bourgkard E, Boini S, Grzebyk M, et al. Durée d’exposition au travail de nuit et facteurs de risque cardiovasculaires : résultats issus de la cohorte Constances.  Arch Mal Prof Environ 2025;86(6):102955.
Pour en savoir plus :
Bayon V, Léger D. Pathologies professionnelles liées au travail posté ou de nuit.  Rev Prat 2014;64(3):363-8.
Mallordy F. Exposition nocturne à la lumière : un risque d’infarctus accru de 40 %.  Rev Prat (en ligne) 31 octobre 2025.
Dufier JL, Touitou Y. Pollution lumineuse.  Rev Prat 2022;72(2):141-6.
Léger D, Rouen A, Vecchierini MF, et al. Insomnie et horloge biologique.  Rev Prat 2024;74(3):271-4.
Deruelle P, Fuchs F, Ranisavljevic N, et al. Ite m 29. Connaître les principaux risques professionnels pour la maternité liés au travail de la mère.  Rev Prat 2022;72(7):787-94.

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