De nouveaux cas d’intoxication après vapotage de substances psychoactives, notamment de cannabinoïdes de synthèse, poussent l’ANSM à alerter sur les risques liés à ces pratiques de plus en plus répandues.

Une consommation populaire chez les adolescents

La cigarette électronique se prête à la consommation de plusieurs substances psychoactives (outre la nicotine), notamment les cannabinoïdes de synthèse, qui semblent être de plus en plus populaires.

Ces substances (H4 -CBD, H2 -CBD, HHCPO, THCP, THCA...), interdites car classées comme stupéfiants, sont les plus fréquemment consommées parmi tous les « nouveaux produits de synthèse » en France, selon l’Observatoire des drogues et des tendances addictives.

En 2024, de nouveaux cas d’intoxications au PTC (« pète ton crâne » : dénomination commerciale de cannabinoïdes de synthèse en e-liquide) ont été signalés chez des adolescents qui ont dû être hospitalisés. Plus récemment, l’ANSM a reçu de nouveaux signalements de cas d’effets indésirables graves après consommation de substances psychoactives par vapotage, majoritairement des cannabinoïdes de synthèse, mais qui sont parfois associés à d’autres substances telles que des benzodiazépines. Ces mélanges augmentent les risques d’intoxication et d’effets indésirables graves et inattendus.

Selon une enquête sur le vapotage de substances psychoactives, menée depuis 2019 sous la direction de l’ANSM, il y a eu en 2021 - 2022 une augmentation des signalements d’effets indésirables consécutifs à la consommation de substances psychoactives par cigarette électronique, notamment chez des mineurs.

Les adolescents sont particulièrement concernés par ces pratiques, qui sont promues sur les réseaux sociaux. Les fioles d’e-liquides contenant des cannabinoïdes de synthèse, très colorées et portant des noms attrayants (Mad Hatter, Buddha Blues, Pète ton Crâne, etc.), sont conçues pour attirer les populations les plus jeunes. Principalement achetés sur internet, ces produits ne coûtent que quelques dizaines d'euros et sont parfois sans mention des molécules contenues. Il existe aussi des pratiques « DIY » (do it yourself), qui consistent en la fabrication de compositions « maison » à partir du mélange d’e-liquides et composants, particulièrement dangereux car ils entraînent un risque plus élevé de surdosage de cannabinoïdes et d’interaction entre les substances.

Quels risques ?

Les cannabinoïdes synthétiques se lient aux mêmes récepteurs cannabinoïdes que le THC (principe psychoactif du cannabis), même si leurs structures chimiques sont variées et, pour la plupart, ne sont pas structurellement apparentées à celles des phytocannabinoïdes. Si leur consommation par voie inhalée entraîne souvent des effets similaires à ceux du cannabis, il existe une variabilité importante entre les produits, avec des effets et des puissances largement différents. Les données disponibles à ce jour indiquent qu’ils sont responsables de complications souvent plus sévères  (cardiovasculaires, rénales…) que celles des phytocannabinoïdes.

Le mode de consommation par vapotage ne réduit pas les risques liés à l’usage de ces produits illicites. Il peut au contraire les augmenter, l’action étant plus rapide.

L’ANSM rappelle que la consommation de ces substances peut entraîner des conséquences graves pour la santé :

  • troubles psychiatriques et neurologiques : épisodes délirants, hallucinations, idées suicidaires, attaque de panique ; addiction sévère avec syndrome de sevrage ; malaises, amnésies, pertes de connaissance, voire convulsions ;
  • troubles digestifs : nausées, vomissements, douleurs abdominales ;
  • troubles cardiovasculaires : tachycardie, douleur thoracique ;
  • problèmes rénaux.

Recommandations pour les professionnels de santé

En cas de suspicion d’intoxication ou de dépendance, orienter le patient vers une prise en charge addictologique adaptée, notamment via l’équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) en cas d’hospitalisation. Vous pouvez aussi pouvez contacter le CEIP-A ou le centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) de votre région pour plus d’informations.

Devant des signes d’intoxication aiguë, orienter vers une structure de soins d’urgence.

Il est recommandé aux urgentistes de réaliser un prélèvement biologique conservatoire (sang, urines) lorsqu’un patient a des signes d’une intoxication aux substances psychoactives. Ce prélèvement peut servir ultérieurement pour la recherche de toxiques. Toutefois, la détection des cannabinoïdes de synthèse est complexe : comme ils ne contiennent pas de THC, ils ne peuvent pas être repérés avec les tests immunochimiques de dépistage rapide pour le cannabis et nécessitent des analyses spécifiques réalisées par les laboratoires spécialisés. En cas de questions concernant l’identification des produits en cause : contacter le CEIP-A et le centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) de votre région.

Que dire aux patients ?

Le vapotage de substances psychoactives (cannabinoïdes de synthèse, cannabis…) expose à des risques graves pour la santé, tels que troubles neurologiques, psychiatriques, cardiovasculaires, rénaux, etc., qui peuvent entraîner des hospitalisations.

Soyez vigilants lorsque vous vous procurez des e-liquides : les compositions et les dosages peuvent être variables. Certains produits de vapotage peuvent contenir des stupéfiants, notamment des cannabinoïdes de synthèse.

Ne réalisez pas vous-même de mélanges de produits. Les mélanges « maison » augmentent les risques d’intoxication pouvant mener à des hospitalisations.

Contactez les secours (15 ou 18) si, après avoir vapoté un e-liquide, vous constatez les symptômes suivants (personnellement ou chez un proche ayant vapoté) : nausées et vomissements, malaise, amnésie, convulsions, perte de connaissance ou encore un épisode délirant, hallucinations ou idées suicidaires.

En cas de dépendance à des produits de vapotage (hors nicotine) : consultez un médecin ou une structure spécialisée dans la prise en charge des addictions. Les « consultations jeunes consommateurs » proposent, pour les moins de 25 ans, un service gratuit et confidentiel d’accueil, d’écoute et de conseil. Ils peuvent aussi vous orienter, si nécessaire, vers une prise en charge adaptée. Toutes les adresses et les informations sont disponibles sur drogues-info-service.fr.

Pour en savoir plus
ANSM. Vapotage de substances psychoactives (hors nicotine) : des pratiques plus risquées qu’on ne le pense. 6 février 2025.
À lire aussi :
Nobile C. Des cannabinoïdes vendus dans les boutiques CBD désormais interdits en France.  Rev Prat (en ligne) 14 juin 2023.
Franchitto N. Complications somatiques du cannabis.Rev Prat 2020;70(1);69-76.
Karila L, Benyamina A. Complications psychiatriques et addictologiques des nouveaux produits de synthèse.  Rev Prat 2018;68(6);676-8.
Djezzar S, Batisse A. Complications cliniques des nouvelles drogues de synthèse.Rev Prat 2018;68(1);79-82.

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