Les verrues sont dues à l’infection par des papillomavirus humains (HPV) dont il existe plus de 200 génotypes. Ce sont des virus à ADN non enveloppé, très résistants dans le milieu extérieur. La transmission se fait par une brèche cutanée permettant l’infection des cellules basales de l’épiderme sous forme épisomale, avec un assemblage viral et un relargage des virions se faisant progressivement de la couche basale vers l’extérieur.
On distingue 3 types de verrues :
- vulgaires, affectant principalement les doigts, le dos des mains, mais également les sites traumatisés (coudes et genoux par effet dit Koebner) [fig. 1]. Associées aux génotypes 1, 2, 4, 27 et 57 des HPV, ces verrues ont un aspect en dôme et peuvent être uniques ou multiples, isolées ou coalescentes ;
- palmoplantaires, qui atteignent la peau épaisse (fig. 2), principalement associées au HPV 2 (mais parfois aussi les HPV 1, 4, 27 et 57) ;
- planes (HPV 3 et 10, voire 28 et 29), souvent couleur chair ou brunâtres, affectant les mains et la face.
Épidémiologie et facteurs de risque
Les verrues sont très fréquentes, notamment dans la population d’âge préscolaire ou scolaire, mais leur incidence est mal évaluée. En consultation, beaucoup de parents pensent que leurs enfants « ont attrapé » des verrues à la piscine, mais les facteurs de risque les mieux identifiés sont la présence de verrues dans le cercle familial et dans le milieu scolaire. Les sports pratiqués pieds nus (sports sur tatami particulièrement) ont également été incriminés.
Chez les immunodéprimés (patients transplantés notamment), les verrues peuvent être particulièrement profuses, ce qui rend le traitement particulièrement difficile.
Une littérature parcellaire
Il n’y pas de recommandations officielles sur le traitement en France.
Tout d’abord, les verrues vulgaires disparaissent souvent spontanément, parfois après plusieurs mois ou années (environ 50 % de disparition spontanée à 6 mois chez l’adulte immunocompétent), a fortiori chez les moins de 12 ans. L’abstention thérapeutique est donc de mise si les lésions sont peu nombreuses et non gênantes.
En cas de persistance ou de gêne, de nombreux traitements sont disponibles, mais les études ne comparent le plus souvent qu’un traitement contre un autre ou un placebo. Or, l’effet placebo est parfois important, pouvant atteindre 30 % des cas. La revue Cochrane la plus récente sur les traitements (85 essais contrôlés randomisés ; 8 815 participants) date de 2012. Depuis, de nouvelles thérapeutiques ont été expérimentées. Faisons le point.
De nombreuses options thérapeutiques
On distingue les traitements topiques (kératolytiques, chimiothérapies ou immunothérapies topiques ou intralésionnelles) des physiques (cryothérapie, laser ou chirurgie).
Traitements chimiques
L’acide salicylique (AS) topique existe sous différentes galéniques et concentration (pommade MO Cochon, solution Duofilm, Transvercid sous forme de pastilles à appliquer…).
Selon la revue Cochrane, l’analyse des différentes études comparant l’acide salicylique à un placebo est en faveur du premier. Malgré les biais possibles de ces études (la concentration d’AS variait de 20 à 50 % selon les produits), il s’agit du traitement dont l’efficacité est la mieux établie. C’est toutefois un traitement contraignant : le patient doit limer la verrue avec une lime en carton jetable (pour éviter la recontamination par dépôts de virions sur celle-ci) et appliquer le produit tous les soirs, puis le couvrir par un pansement. Par ailleurs, ce traitement kératolytique peut induire des dermites caustiques sur la peau saine adjacente nécessitant une application de vernis protecteur sur la peau périlésionnelle avant l’application.
Dans un essai randomisé de 2016, l’application d’un autre kératolytique, l’acide trichloroacétique (TCA), a montré une efficacité supérieure à la cryothérapie à la concentration de 40 % (application hebdomadaire pendant 4 h durant 4 semaines), avec moins d’effet indésirables.
Autre option étudiée, l’agent antinéoplasique 5 -fluoro-uracile (5 -FU), par voie topique ou intralésionnelle, serait efficace contre les verrues cutanées mais non supérieur à la cryothérapie ; en raison de son profil d’effets secondaires élevé, son utilisation est limitée aux cas réfractaires et à l’élimination des lésions néoplasiques.
Traitements physiques
La cryothérapie par azote liquide est parfois utilisée par les dermatologues mais elle est douloureuse, et le protocole difficilement réalisable en pratique (toutes les 2 à 3 semaines, jusqu’à 4 applications). Dans la revue Cochrane, les données issues d’une méta-analyse ne favorisaient ni la cryothérapie ni le placebo. Une cryothérapie agressive était plus efficace qu’une cryothérapie douce, mais au prix de plus d’effets indésirables. Il n’y avait pas de différence significative entre la cryothérapie et l’AS, mais leur combinaison était plus efficace que l’AS seule.
Les lasers (CO2, Er :Yag, Nd :Yag, colorants pulsés) pourraient avoir un intérêt, mais les études les comparant aux traitements de référence (AS ou cryothérapie) manquent. Par ailleurs, il s’agit de techniques coûteuses, pouvant entraîner des effets indésirables importants pour les lasers ablatifs type CO2 (douleurs, cicatrisation longue).
Immunothérapie
N’ayant pu être évaluée en 2012 faute d’études à disposition, l’immunothérapie à travers différents procédés (application topique ou injection intralésionnelle) a montré dans des études récentes une meilleure efficacité que le placebo, qu’importe l’antigène ou le sensibilisant utilisé. L’injection intralésionnelle d’antigène de Candida serait même plus efficace que la cryothérapie.
Dans une étude randomisée de 2017, dans le cadre de verrues résistantes aux traitements, l’application topique d’une autre immunothérapie, le SABDE (dibutylester de l'acide squarique) 3 %, s’est aussi avérée supérieure aux traitements classiques.
Vaccination HPV
Il existe quelques cas de régression des verrues après vaccination par vaccin anti-HPV quadrivalent ou nonavalent, alors qu’il s’agit d’un vaccin prophylactique ne couvrant pas les génotypes des papillomavirus des verrues. Des rapports de cas (par le Journal of the American Academy of Dermatology) et certaines séries suggèrent une efficacité dans 50 % des cas. Cependant, des biais de publication sont possibles, tout comme un effet placebo. Un essai randomisé (VAC-WARTS ) évaluant le vaccin nonavalent contre placebo est en cours.
Qu’en retenir ?
Il est inutile de surtraiter les enfants en bas âge, les thérapeutiques pouvant être douloureuses et les verrues pouvant disparaître spontanément. Il est conseillé d’appliquer un sparadrap sur la lésion pour éviter la dissémination des virions dans l’environnement.
Pour les verrues de l’adulte ou évoluant depuis plusieurs mois, le traitement de première intention repose les topiques d’acide salicylique et éventuellement la cryothérapie, principalement en raison de leur sécurité et de leur simplicité.
En seconde intention, la place des traitements est moins codifiée. Concernant les verrues récidivantes et étendues, l’immunothérapie (topique ou intralésionnelle) et l’application d’acide trichloracétique à 40 % sont des approches prometteuses.
Une fiche patient est disponible sur le site Dermagic.
Dermagic. Fiche d’information pour les patients atteints de verrues vulgaires. Janvier 2025.
Forget R. Revue de la littérature sur la prise en charge des verrues cutanées de 2012 à 2022. Université de Poitiers 2023.
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Pour en savoir plus :
Nobile C. Traitements des verrues palmoplantaires : quoi de neuf ? Rev Prat (en ligne) 7 février 2022.
Peut-on vraiment attraper des verrues à la piscine ? Rev Prat (en ligne) août 2023.
Martin Agudelo L. Condylomes : prise en charge au cabinet. Rev Prat (en ligne) 22 février 2024.