La prise en charge thérapeutique des vascularites associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA  : antineutrophil cytoplasmic antibodies) comporte un traitement d’induction visant à obtenir une rémission de la maladie auto-immune et à contrôler l’inflammation responsable des conséquences d’organes, suivi d’un traitement d’entretien, dont le but est d’éviter la rechute de la vascularite à ANCA (VAA). Les schémas thérapeutiques désormais utilisés – associant corticoïdes, immunosuppresseurs et parfois échanges plasmatiques – ont récemment fait l’objet de recommandations internationales, coordonnées par l’EULAR (Ligue européenne contre le rhumatisme) ou les KDIGO (Kidney Disease Improval Global Outcomes).1,2 

Bien que ces traitements permettent désormais de contrôler la maladie chez la grande majorité des patients et de les mettre à l’abri d’une rechute à moyen terme, l’individualisation des traitements reste un réel défi. En effet, les trois principales problématiques thérapeutiques résiduelles sont les suivantes :

  • réduction de l’iatrogénicité des immunosuppresseurs, notamment chez les patients les plus fragiles  ;
  • adaptation du traitement d’entretien au risque individuel de rechute  ;
  • majoration du traitement d’induction chez les patients les plus sévères pour limiter les séquelles chroniques, particulièrement chez les patients avec atteinte rénale.

Réduction de la toxicité médicamenteuse

Le première cause de mortalité chez le patient atteint de VAA est aujourd’hui l’infection, favorisée par les corticoïdes et les immunosuppresseurs, notamment lors de la première année de prise en charge.3 La mortalité est d’autant plus importante que le patient est âgé ou insuffisant rénal sévère.4 

La réduction de la dose de cyclophosphamide est recommandée chez le patient insuffisant rénal, mais l’étude CORTAGE a aussi démontré qu’elle pouvait être proposée chez le sujet âgé, sans diminuer pour autant son efficacité dans le traitement d’induction de la VAA.5 Mais, surtout, l’étude RAVE a prouvé que le cyclophosphamide pouvait être remplacé par le rituximab,6 moins cytopéniant et surtout dénué d’effets indésirables gonadiques ou carcinologiques au long cours. Ces données font du rituximab le traitement de choix pour traiter les patients jeunes, en âge de procréer ou avec antécédents néoplasiques (tableau 1).

L’épargne cortisonique dans la VAA a été une avancée importante ces dernières années, grâce aux essais PEXIVAS7 et LoVAS,8 permettant d’appliquer des schémas de décroissance rapide dans la majorité des cas. L’étape suivante a été de tester le remplacement des corticoïdes par une autre molécule, l’avacopan. Ce médicament est un antagoniste du récepteur de C5a, inhibant l’activation et le chimiotactisme des cellules inflammatoires, neutrophiles et monocytes, vers le site de l’inflammation. Après le succès des études précliniques et des essais de phase II,9 l’avacopan a été testé dans un large essai randomisé de phase III (ADVOCATE),10 comparé à une corticothérapie orale et en combinaison avec un autre immunosuppresseur (cyclophosphamide ou rituximab). Les résultats montrent une non-infériorité de l’avacopan par rapport aux cortico­stéroïdes à six mois de l’inclusion, confirmant que cette molécule est une alternative aux corticoïdes, longtemps considérés comme une pierre angulaire irremplaçable dans le traitement des VAA. L’avacopan est désormais disponible en France et majoritairement utilisé chez les patients présentant une contre-indication aux corticoïdes ou un fort risque de survenue de leurs complications1 (diabète de type 2, troubles neuropsychiques ou ostéoporose). Sa prescription doit néanmoins prendre en compte le coût élevé de cette molécule (plus de 5 839 euros par mois), qui représente clairement un frein à sa généralisation pour l’ensemble des patients atteints de vascularite à ANCA.

Ajustement du traitement d’entretien de la vascularite

Le traitement d’entretien le plus couramment utilisé désormais repose sur une perfusion semestrielle de rituximab, pour une durée de dix-huit à vingt-quatre mois.

Après l’arrêt du traitement d’entretien, 30 à 50  % des patients présentent une rechute.11 Il a été démontré que la poursuite des immunosuppresseurs pouvait réduire ce risque,12,13 mais au prix d’effets indésirables significatifs, notamment infectieux, souvent par le biais d’une hypogammaglobulinémie induite par la déplétion lymphocytaire B.

Le risque de rechute de vascularite est néanmoins très variable d’un patient à l’autre et il est licite de penser que les patients à faible risque pourraient bénéficier d’un traitement d’entretien moins puissant ou de plus courte durée. L’analyse rétrospective de larges cohortes a ainsi suggéré que le risque de rechute dans la VAA était plus particulièrement majoré en cas d’atteinte ORL, de présence d’ANCA avec spécificité anti-PR3, de positivité persistante des ANCA au décours du traitement d’entretien, de fonction rénale préservée (versus les patients avec insuffisance rénale constituée), d’âge plus jeune.14 - 17 Certains auteurs recommandent la poursuite d’un traitement d’entretien pour une durée totale pouvant aller jusqu’à quarante-huit mois, lorsque ces conditions sont présentes ou lorsque le patient a déjà fait plusieurs rechutes antérieures de VAA.18 

Une autre façon d’individualiser le traitement d’entretien de la VAA est de réaliser des réinjections de rituximab, non pas de façon systématique mais en tenant compte de deux biomarqueurs  : le taux d’ANCA (reflétant souvent l’activité immunologique de la maladie) et le taux de lymphocytes CD19 + circulants (signant quant à lui la déplétion B obtenue). Cette stratégie a été évaluée dans l’essai randomisé MAINRITSAN 2,19 démontrant qu’il est possible de diminuer le nombre de perfusions de rituximab en se fondant sur ce contrôle immunologique, sans pour autant majorer à court terme le risque de rechute de la VAA. L’essai nord-américain MAINTANCAVAS20 a même démontré qu’une stratégie de réinjection de rituximab d’entretien prévenait plus efficacement les rechutes lorsqu’elle était fondée sur la détection d’une repopulation lymphocytaire B que lorsqu’elle était guidée par la majoration du taux d’ANCA.

Les recommandations récentes de l’EULAR2 suggèrent que la durée optimale du traitement d’entretien doit être déterminée de façon individuelle, en tenant compte du risque théorique de rechute mais aussi du risque infectieux (tableau 2). Ce risque infectieux est influencé par l’âge, l’existence d’un diabète, d’une hypogammaglobulinémie, de la survenue d’épisodes infectieux antérieurs, d’une insuffisance rénale ou respiratoire séquellaire de la poussée initiale.15

Adaptation du traitement à la gravité initiale

La sévérité de la vascularite et de ses conséquences en matière de défaillances d’organes conditionne le pronostic vital du patient mais aussi le pronostic fonctionnel, notamment rénal, neurologique ou pulmonaire. Ainsi, des scores pronostiques tels que le «  five factor score  » (FFS) ont longtemps été utilisés pour le choix de l’immunosuppression initiale, en privilégiant les traitements les plus puissants dans les situations les plus préoccupantes.18 

Dans les VAA avec atteinte rénale sévère, définie par une créatininémie à plus de 350 mmol/L, il est actuellement recommandé d’utiliser préférentiellement un traitement d’induction par cyclophosphamide plutôt que par rituximab (tableau 1). Cette recommandation ne résulte pas d’une comparaison directe des deux molécules dans la population en question mais se fonde sur le fait que ces patients étaient exclus de l’étude RAVE.

L’autre option dans cette situation est l’utilisation conjointe de rituximab (aux doses usuelles) avec une dose réduite de cyclophosphamide (deux perfusions initiales), schéma qui a été testé et comparé au cyclophosphamide standard dans l’étude RITUXVAS.21 

L’avacopan n’a pas non plus été testé dans cette population, les patients avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 15 mL/min étant exclus du protocole ADVOCATE.10 Il faut néanmoins noter que les patients avec les DFG les plus bas (< 20 mL/min) avaient dans cet essai une récupération de la fonction rénale plus importante dans le groupe avacopan que dans le groupe corticoïdes,22 suggérant que l’avacopan pourrait avoir un intérêt chez les patients avec atteinte rénale sévère, non pas seulement pour épargner les corticoïdes mais pour permettre une résolution plus rapide de l’inflammation rénale. Cette hypothèse doit toutefois être testée avant de pouvoir recommander ce médicament dans cette indication.

La question de l’adjonction des échanges plasmatiques aux médicaments immunosuppresseurs s’est initialement posée pour les patients avec atteinte rénale sévère, avec une créatininémie initiale supérieure à 500 mmol/L. L’étude MEPEX23 a initialement démontré que cette technique d’épuration des ANCA diminuait le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. L’essai PEXIVAS,7 évaluant l’intérêt de la plasmaphérèse chez des patients présentant une atteinte rénale tout-venant ou une hémorragie intra-alvéolaire, s’est néanmoins révélée négative, remettant en question cette pratique dans la VAA. Mais une méta-analyse plus récente a modifié l’interprétation de ces résultats. Ainsi, selon les recommandations actuelles,1,2 la réalisation des échanges plasmatiques doit être discutée pour les patients avec une créatininémie supérieure à 300 mmol/L, tout en évaluant le rapport bénéfice/risque à titre individuel. D’un côté, les échanges plasmatiques semblent utiles lorsqu’il existe une atteinte rénale active se manifestant par une cinétique rapidement progressive de la dysfonction rénale, mais aussi probablement par une biopsie rénale montrant des lésions aiguës et non fibreuses, pouvant faire espérer une récupération fonctionnelle. A contrario, les échanges plasmatiques sont probablement moins efficaces si la dysfonction rénale est ancienne et les lésions histologiques déjà chroniques et manifestement irréversibles. De plus, les échanges plasmatiques majorent significativement le risque infectieux, notamment en cas d’insuffisance rénale avancée. Il faut prendre en considération ce paramètre lorsque cette technique est discutée pour un patient âgé, comorbide, à haut risque d’infection (tableau 3).

Nouvelles molécules et individualisation des traitements en cours d’évaluation

Le traitement de la vascularite à ANCA a connu des avancées majeures ces dernières années, grâce à de nombreux essais thérapeutiques ayant permis la validation de stratégies thérapeutiques immunosuppressives efficaces.

D’autres pistes thérapeutiques sont en cours d’évaluation  : inhibiteurs du complément comme l’iptacopan, traitements déplétants anti-B plus puissants comme l’obinutuzumab ou les CAR-T cells, molécules visant à améliorer la cicatrisation glomérulaire tels la pioglitazone ou des anticorps anti-claudine- 1.

L’étape suivante sera l’individualisation de ce traitement à chaque situation afin d’en réduire la toxicité, notamment chez les patients les plus fragiles, pour limiter le risque de rechute chez les patients à haut risque et pour réduire les séquelles pour les atteintes d’organe responsables d’une morbi-mortalité élevée, notamment sur le plan rénal. La mise en œuvre de cette médecine personnalisée nécessitera des études spécifiques pour valider les algorithmes mais aussi pour définir les biomarqueurs qui permettront l’identification des sous-groupes de patients pouvant bénéficier de chacune de ces approches.

Références
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2. Hellmich B, Sanchez-Alamo B, Schirmer JH, et al. EULAR recommendations for the management of ANCA-associated vasculitis: 2022 update. Ann Rheum Dis 2024;83(1):30-47. 
3.  Flossmann O, Berden A, De Groot K, et al. Long-term patient survival in ANCA-associated vasculitis. Ann Rheum Dis 2011;70(3):488-94. 
4. Mukhtyar C, Flossmann O, Hellmich B, et al. Outcomes from studies of antineutrophil cytoplasm antibody associated vasculitis: A systematic review by the European League Against Rheumatism systemic vasculitis task force. Annals of the Rheumatic Diseases 2008;67(7):1004-10. 
5. Pagnoux C, Quemeneur T, Ninet J, et al. Treatment of systemic necrotizing vasculitides in patients aged sixty‐five years or older: Results of a multicenter, open‐label, randomized controlled trial of corticosteroid and cyclophosphamide–based induction therapy. Arthritis & Rheumatology 2015;67(4):1117-27.
6. Stone JH, Merkel PA, Piera R, et al. Rituximab versus cyclophosphamide for ANCA-associated vasculitis. N Engl J Med 2010;363(3):221-32. Published online 2010.
7. Walsh M, Merkel PA, Peh CA, et al. Plasma exchange and glucocorticoids in severe ANCA-associated vasculitis. N Engl J Med 2020;382(7):622-31. 
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10. Jayne DRW, Merkel PA, Schall TJ, et al. Avacopan for the treatment of ANCA-associated vasculitis. N Engl J Med 2021;384(7):599-609.
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12. Karras A, Pagnoux C, Haubitz M, et al. Randomised controlled trial of prolonged treatment in the remission phase of ANCA-associated vasculitis. Ann Rheum Dis 2017;76(10):1662-8.
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22. Cortazar FB, Niles JL, Jayne DRW, et al. Renal recovery for patients with ANCA-associated vasculitis and low eGFR in the ADVOCATE trial of avacopan. Kidney International Reports 2023;8(4):860-70. 
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Résumé

Le traitement des vascularites associées aux anticorps anticytoplasme (VAA) des polynucléaires neutrophiles (ANCA) repose sur des stratégies thérapeutiques permettant la mise en rémission et la réduction significative du risque de rechute à moyen terme, dans la grande majorité des cas. Les enjeux majeurs résiduels (réduction de l’iatrogénicité, adaptation du traitement selon le risque de rechute et intensification pour les formes sévères) nécessitent une personnalisation du traitement immunosuppresseur, rendue possible grâce à plusieurs avancées récentes. La réduction de la toxicité des immunosuppresseurs repose sur la diminution des doses de cyclophosphamide et de corticoïdes, le remplacement du cyclophosphamide par le rituximab, mais aussi la possibilité d’utiliser l’avacopan pour arrêter précocement les stéroïdes. Les modalités d’utilisation et la durée du traitement d’entretien par rituximab peuvent désormais être ajustées selon le risque individuel de rechute mais aussi le contrôle de biomarqueurs simples, tels que les ANCA ou les CD19 +. Enfin, le choix de l’immunosuppression initiale et l’utilisation possible des échanges plasmatiques reposent sur un certain nombre de critères cliniques, biologiques et histologiques permettant d’identifier les quelques patients les plus sévères, pour qui le ratio bénéfice/risque d’une intensification du traitement reste favorable. La validation d’algorithmes et de biomarqueurs spécifiques sera l’étape suivante pour personnaliser davantage les approches thérapeutiques dans cette pathologie.