Les résultats d’un essai randomisé montrent qu’un traitement par statine est bénéfique chez les sujets vivant avec le VIH, même chez ceux ayant un risque CV faible à modéré. D’où de nouvelles recos émises par plusieurs sociétés savantes…

Le risque d’athérosclérose peut être jusqu’à deux fois plus important chez les patients vivant avec le VIH que dans la population générale, pour plusieurs raisons. D’abord, l’infection elle-même peut favoriser la thrombose et l’athérosclérose en raison de l’inflammation chronique et l’activation immune qu’elle engendre. Ensuite, la fréquence de plusieurs facteurs de risque CV est souvent plus élevée chez ces patients : tabagisme, HTA, insuffisance rénale chronique, troubles métaboliques, ou encore stress et précarité socioéconomique… Enfin, il est lié à l’exposition aux antirétroviraux – dont certains ont un effet direct sur les taux plasmatiques des lipides.

Des recommandations françaises publiées en 2024 sur la prise en charge des patients vivant avec le VIH (PVVIH) ont abordé, entre autres, le traitement des comorbidités. Il y est préconisé d’évaluer systématiquement le risque cardiovasculaire en prévention primaire chez les PVVIH suivants :

  • hommes > 40 ans sans facteur de risque CV ;
  • femmes > 45 ans sans facteur de risque CV ;
  • en présence d’au moins un facteur de risque CV majeur (antécédents familiaux de maladie CV, tabagisme, HTA, dyslipidémie, obésité ou toute autre comorbidité à risque) ;
  • en présence de certaines comorbidités (BPCO, maladie inflammatoire chronique, SAOS, pathologies spécifiques liées au sexe).

Les échelles SCORE2 et SCORE2 -OP, conçues par la Société européenne de cardiologie, sont recommandées dans ce cadre ; elles permettent d’estimer à 10 ans la probabilité d’événements cardiovasculaires fatals ou non (IDM ou AVC) chez les personnes sans maladie cardiovasculaire connue. Outre les mesures hygiénodiététiques, l’instauration d’un traitement par statines est recommandée en cas de risque élevé ou très élevé selon ces scores (seuils compris entre 7,5 % et 15 % en fonction des tranches d’âge).

Dans les recommandations américaines qui viennent d’être publiées dans la revue Annals of Internal Medicine, les sociétés savantes américaines de cardiologie et du VIH préconisent un traitement par statines à des seuils plus bas de risque CV, tout en soulignant aussi l’importance des mesures hygiénodiététiques. Ces guidelines sont principalement fondées sur les résultats de l’essai randomisé REPRIEVE , qui a évalué l’efficacité de la pitavastatine dans la réduction d’événements CV à 5 ans chez des patients VIH ayant un risque CV faible à modéré (dans cet essai, le score de risque utilisé était celui conçu par l’American Heart Association et l’American College of Cardiology, et non le SCORE2).

Ainsi, pour les patients âgés de 40 à 75 ans ayant un risque > 5 %, ils recommandent d’initier d’ores et déjà une statine à intensité modérée : pitavastatin 4 mg/j, atorvastatine 20 mg/j ou rosuvastatine 10 mg/j. Une statine à haute intensité est préconisée lorsque le risque dépasse 20 %. En revanche, lorsque le risque à 10 ans est < 5 %, le bénéfice absolu du traitement par statine est modeste dans cette population : son instauration systématique n’est donc pas recommandée, mais plutôt une décision au cas par cas en tenant compte de la présence éventuelle d’autres facteurs liés au VIH et susceptibles d’augmenter le risque CV.

Concernant les potentielles interactions médicamenteuses avec les antirétroviraux, les experts américains estiment qu’elles sont peu probables pour les antirétroviraux de première ligne, mais des ajustements de dosages peuvent être effectués le cas échéant, si nécessaire. Des interactions sont possibles avec les traitements contenant du ritonavir, du cobicistat et du lénacapavir.

D’autres bénéfices pourraient être à la clé – mais sont encore au stade de la recherche : une étude de l’Institut Pasteur a récemment montré que les statines sont capables de modifier le programme moléculaire des lymphocytes CD8 chez certains patients, pour les faire ressembler aux CD8 des patients dits « contrôleurs du VIH », dont la charge virale est très basse ou indétectable. « Le programme des cellules CD8 était modifié [par le traitement par statines] de façon importante et sur plusieurs paramètres : meilleures capacités de survie et de prolifération, meilleure activité fonctionnelle, moindre tendance à s’épuiser… Ceci les rapproche des caractéristiques des contrôleurs naturels du VIH », explique le Dr Sáez-Cirión, dernier auteur de l’étude. Ces résultats trouvés sur 10 sujets doivent encore être confirmés sur un échantillon plus large. À suivre…

Une question, un commentaire ?