Les premiers symptômes ressemblent à ceux des maladies infectieuses éruptives de l’enfance. Pourtant, une prise en charge hospitalière urgente s’impose pour cette maladie aiguë parfois sévère, qui peut, du fait de l’atteinte des coronaires, laisser des séquelles.

Témoignage de Sandra, mère de Maël, 5 ans 

Maël est tombé malade à l’âge de 22 mois. Il avait de la fièvre et semblait très fatigué. De petits boutons étaient apparus sur son dos et son torse. Inquiets, nous avons consulté un médecin qui nous a dit qu’il s’agissait probablement de la varicelle. Mais la nuit qui a suivi a été terrible. Maël a vomi sans cesse. Ne sachant que faire, nous avons contacté le Samu, qui nous a assuré que cela pouvait être une réaction à la varicelle. Voyant qu’il n’allait pas mieux, nous avons pris rendez-vous avec notre médecin généraliste  ; il a évoqué une autre hypothèse et a prescrit des antibiotiques.

Le jour suivant, son état ne s’améliorait toujours pas. Ses lèvres commençaient à desquamer, il avait encore de la fièvre et ses selles étaient très liquides. Cette fois, nous l’avons emmené directement aux urgences où il a été pris en charge rapidement et a subi de nombreux examens. Une échographie cardiaque a révélé une dilatation des coronaires. Maël a été transféré en ambulance dans un service spécialisé en cardiologie pédiatrique. Sa pathologie avait un nom  : la maladie de Kawasaki.

À partir de ce moment-là, ont commencé six longues semaines de traitement, rythmées par des hauts et des bas. Chaque jour, Maël recevait de fortes doses de médicaments et passait une échographie cardiaque. Les médecins nous répétaient toujours la même chose  : ils n’arrivaient pas à stopper complètement l’inflammation, et la dilatation des coronaires continuait de progresser risquant de provoquer un infarctus. Malgré tout, son état général s’est amélioré. Il a retrouvé peu à peu de l’énergie et même de l’appétit. C’était à la fois un soulagement de le voir reprendre des forces et une inquiétude constante face aux incertitudes. L’un des défis les plus compliqués était l’administration des médicaments car il n’existe pas toujours de dosage pédiatrique adapté. Puis la dilatation de ses coronaires s’est stabilisée, et nous avons enfin pu entrevoir une issue plus rassurante.

Aujourd’hui Maël a 5 ans, la maladie de Kawasaki est loin, mais il en reste des séquelles. Maël prend un anticoagulant, un bêtabloquant et de l’aspirine à faible dose pour éviter toute complication.

Malgré tout ce qu’il a traversé, Maël est épanoui. Nous faisons tout pour lui offrir une enfance la plus paisible et joyeuse possible. Son parcours a été difficile, mais il continue d’avancer avec une incroyable force.

Commentaire du Pr Alexandre Belot, rhumatologue pédiatre

La maladie de Kawasaki est une maladie rare mais représente la première cause de vascularite de l’enfant de moins de 5 ans, affectant les vaisseaux de moyen calibre. C’est une maladie aiguë parfois sévère, comme le montre le cas de Maël, avec une atteinte des coronaires pouvant entraîner des séquelles telles que des dilatations et des sténoses vasculaires. L’enjeu est donc un diagnostic précoce afin de proposer un traitement idéalement dans la première semaine après le début de la fièvre, pour réduire la fréquence des complications cardiaques en dessous de 5 %.

La maladie de Kawasaki fait partie des fièvres éruptives (fièvre supérieure à 39 °C) et les manifestations cliniques font penser à une infection virale (rougeole) ou bactérienne (scarlatine). Autrefois appelée syndrome adéno-cutanéo-muqueux, l’atteinte muqueuse est un élément clé du diagnostic. Les critères de diagnostic sont une fièvre prolongée (au moins cinq jours) associée à au moins quatre des critères parmi les cinq suivants  : conjonctivite bilatérale bulbaire (non suppurative)  ; chéilite, glossite, pharyngite  ; lymphadénopatie cervicale (taille > 1,5 cm)  ; rash cutané érythémateux polymorphe  ; atteinte des extrémités (œdème et rougeur au niveau des mains et des pieds) avec desquamation tardive.

Les enfants présentent souvent une fatigue importante et un syndrome inflammatoire biologique élevé.

Le test de diagnostic rapide (TDR) pharyngé pour le streptocoque est négatif. En cas de suspicion de scarlatine avec un résultat négatif du TDR, la maladie de Kawasaki doit être envisagée.

Quelques éléments supplémentaires, qui ne font pas partie des critères diagnostiques, peuvent aider au diagnostic comme la rougeur des plis au niveau du siège ou du point d’injection du BCG qui est «  réactivé  » par l’épisode, même à distance de la vaccination.

Lorsqu’une antibiothérapie a été entreprise, comme chez Maël, il faut s’interroger sur les diagnostics différentiels si la fièvre persiste après quarante-huit heures.

Chez les enfants de moins de 6 mois, une fièvre isolée mal tolérée de plus de sept jours doit faire évoquer le diagnostic en l’absence d’autres diagnostics évidents. 

La prise en charge est hospitalière et débute par une analyse de sang pour confirmer l’inflammation et éliminer d’autres diagnostics (scarlatine, parvovirus, rougeole, DRESS…). Le traitement consiste en une injection d’immunoglobulines polyvalentes administrée idéalement dans la première semaine de fièvre pour limiter les atteintes cardiaques. Un traitement complémentaire par corticothérapie peut être nécessaire selon la sévérité, et d’autres traitements immunosuppresseurs plus ciblés (comme l’anakinra) sont en cours d’évaluation. L’aspirine est utilisée à dose anti-inflammatoire ou antiagrégante selon l’évolution et la sévérité. 

La surveillance par échocardiographie est nécessaire pour détecter une atteinte coronarienne pendant la période aiguë et environ un mois après la sortie de l’hôpital. 

L’association France Vascularites accompagne les parents qui le souhaitent pour faciliter les échanges et permettre le partage du vécu car les familles sont parfois confrontées à une période de stress lors des différentes étapes diagnostiques et thérapeutiques. 

La maladie de Kawasaki ne récidive pas et la qualité de vie à long terme n’est, dans la grande majorité des cas, pas affectée, mais les situations avec séquelles coronariennes nécessitent une prise en charge cardiologique prolongée.

Commentaire de Raphaël Darbon, président de France Vascularites

Même si la plupart des enfants atteints d’une maladie de Kawasaki guérissent, le témoignage de Sandra montre deux points essentiels.

Dès lors qu’un certain nombre de symptômes associés coexistent (voir le commentaire du Pr Belot), le médecin doit évoquer la maladie de Kawasaki pour limiter autant que possible le retard diagnostique.

L’atteinte coronarienne dont Maël a été atteint est une complication possible de la maladie de Kawasaki. L’inquiétude de ses parents face à cette situation est bien évidemment légitime et il est important que l’équipe médicale communique avec eux. Il est parfois nécessaire d’interagir avec un centre expert. Les parents peuvent éprouver un sentiment de culpabilité. Il est important qu’ils puissent échanger avec l’équipe médicale, et éventuellement d’autres parents par l’intermédiaire de l’association.

Selon les situations, la mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI) dans le cadre de la scolarité peut s’imposer. D’une manière générale, il faut essayer de préserver une vie la plus normale possible.

Des symptômes secondaires peu­vent survenir, comme des maux de tête, des maux de ventre, une fatigabilité accrue (selon l’enquête menée par l’association France Vascularites en 2018 auprès de 105 parents/patients) qui doivent être entendus et pris en charge.

Encadre

Soutenir la recherche contre les vascularites

L’association France Vascularites, créée en 2006, est une association loi 1901 reconnue d’intérêt général. Elle a créé une « branche » maladie de Kawasaki en 2017 afin de développer des actions spécifiques, par exemple la diffusion d’un poster informatif sur le diagnostic pour les parents.
Elle permet de créer des liens entre les patients, de rompre l’isolement et de mettre en commun expériences et informations. Elle peut contribuer à l’amélioration du parcours de santé du patient en s’appuyant sur les réseaux de prise en charge reconnus.
Elle diffuse auprès des médecins, patients et aidants des informations médicales validées par son conseil scientifique. Elle sensibilise les équipes médicales pour faire connaître et reconnaître les vascularites et leurs implications sur le quotidien.
Elle soutient et contribue à promouvoir la recherche médicale en recevant des dons tout au long de l’année qu’elle reverse aux organismes de recherche et en organisant des événements caritatifs ponctuels.
Tél. : 09 87 67 02 38
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https://www.association-vascularites.org/

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