La neurofibromatose de type 2 (NF2) est une maladie du système nerveux central et périphérique d’origine génétique. Rare, elle est de sévérité très variable. Les patients ont souvent le sentiment d’être des « invisibles ». Pourtant, cette maladie a un impact fonctionnel, en particulier sensoriel.

Témoignage de Paule, 48 ans

14 ans, c’est l’âge que j’avais quand j’ai entendu pour la première fois un nom barbare qui allait atomiser toutes mes certitudes d’enfance : la NF2-schwannomatose. La neurofibromatose de type 2 ou NF2, tout un programme ! Cela fait déjà peur juste à l’énoncé du nom. Ensuite, vous entendez « maladie génétique » et là, vous réalisez que c’est incurable, inscrit dans vos gènes. Impossible de s’en débarrasser.
Puis vous percevez une autre onde de choc : peu d’espérance de vie. Pardon, mais j’en ai ri. Oui, je venais d’avoir 14 ans : comment réagir autrement ? Alors j’ai ri, puis pleuré, longuement. Ma mère s’est tue et m’a laissée pleurer tout mon saoul. Je ne me suis même pas demandée comment elle avait pris ces annonces. Elle était forte, inébranlable et m’a toujours donné une solution.
C’était en 1990 et je suis toujours là pour témoigner, les six mois d’espérance de vie annoncés ont largement été dépassés ! Le pilier indéfectible qu’a été ma mère m’a quitté, mais sa force de caractère, sa pugnacité me sont restées, et si je suis toujours debout (au propre comme au figuré), c’est à elle que je le dois. Cela a dû être fort difficile pour elle, mais jamais je ne l’ai vue fléchir.
La maladie dévaste tout sur son passage et la NF2 est terrible car vous ne cessez d’être en deuil. À peine vous êtes-vous remis d’une opération qu’il vous faut réapprendre à vivre avec ce nouveau corps : surdité, cécité, perte d’équilibre, perte de vos jambes, douleurs fulgurantes ou lancinantes constantes. Tout juste relevez-vous la tête qu’une autre mauvaise nouvelle se profile. La maladie vous rattrape inexorablement et vous renverse à nouveau.
Pourquoi tenir alors ? Eh bien parce que la vie doit être vécue mais également parce qu’elle peut être belle malgré tout, voire grâce à ces épreuves. Parce que lorsque l’on tombe si bas et que l’on arrive à se relever, même juste un peu, cela nous paraît splendide et réjouissant.
Parce que la médecine et la technologie font des merveilles. Nous vivons une belle époque pour le handicap, même s’il reste beaucoup à faire.
Lorsque j’ai perdu l’audition, le télétexte à la télévision débutait à peine. De nos jours, les téléphones possèdent des logiciels qui permettent de transcrire presque parfaitement toutes les voix.
Durant quelques années, avec ma mère, nous avons tenu une permanence de l’association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R.), à la Pitié-Salpêtrière. Cela m’a beaucoup apporté, et nous tenions à participer pour remercier l’association de son existence mais aussi et surtout afin de soutenir de nouveaux patients et leur apporter notre expérience.
Grâce à l’A.N.R., grâce aux soignants qui ont bien voulu se pencher sur les neurofibromatoses, un beau réseau s’est formé, et l’espérance que l’errance médicale puisse diminuer grandit.

Commentaire de Jean-Michel Dubois, président de l’A.N.R.

Les personnes atteintes de schwannomatose NF2 et des autres schwannomatoses (LZTR1 et SMARCB1) nous disent avoir le sentiment d’être des « invisibles ».
En effet, rien qu’en les voyant, qui peut se douter du fardeau de la ­maladie et des douleurs fulgurantes qu’elle engendre ?
Paule est très active, sur les réseaux notamment, pour informer et soutenir des patients NF2. Sa force de caractère est communicative.
Eux-mêmes atteints ou concernés, des bénévoles de l’association peuvent aider et répondre aux questions des personnes qui découvrent la maladie. Les permanences qu’ils assurent au centre de référence sont aussi un moyen de rencontrer les malades et leur famille pour accueillir leur parole, les accompagner et créer des liens durables.

Commentaire du Pr Michel Kalamarides, centre de référence schwannomatoses et nf2

Le témoignage de Paule est poignant et raconte l’histoire classique d’une forme sévère de neurofibromatose de type 2 (NF2), ou schwannomatose liée à NF2. Cette pathologie est troublante, car ses signes et sa gravité sont très hétérogènes, ce qui rend sa prise en charge difficile. L’espérance de vie n’est réduite que dans les formes très sévères.
Cette maladie génétique, de transmission autosomique dominante, est une forme de novo chez 80 % des patients. Dans 20 % des cas, elle est familiale, souvent moins grave, et découverte tardivement, car peu symptomatique. C’est la maladie génétique dans laquelle il y a le plus de formes mosaïques (la mutation du gène NF2 est alors restreinte à certaines lignées cellulaires). Pour identifier la mutation, il faut souvent avoir recours à l’analyse d’une ou plusieurs tumeurs en plus du sang. L’analyse génétique ne sert pas au diagnostic, qui est clinique et radiologique, mais elle est utile au conseil génétique pour une prise en charge des apparentés avant l’apparition de symptômes et pour le pronostic (bonne corrélation génotype-­phénotype). La NF2 concerne près d’une naissance sur 30 000, soit environ 1 000 personnes en France.
Paule décrit très bien l’important et précoce impact fonctionnel de la maladie, en particulier sensoriel. Les atteintes auditives peuvent aller jusqu’à la surdité totale. Sont également fréquents des atteintes de la vision, une paralysie faciale, des troubles de l’équilibre, un déficit neurologique, des douleurs chroniques neuro­pathiques. Une perte d’autonomie caractérise les formes sévères.
Ces signes sont dus à des tumeurs bénignes de la gaine de nerf, les schwannomes, qui apparaissent avant l’âge de 15 à 20 ans. Au niveau vestibulaire, ils entraînent surdité et vertiges. Dans la NF2, il peut également y avoir des méningiomes, des tumeurs de la moelle épinière et des racines et enveloppes, et des schwannomes périphériques. Les déficits sont progressifs et l’évolution imprévisible.
La clinique et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent le diagnostic, même si la taille des tumeurs n’est pas toujours en rapport avec les symptômes. La pathologie est découverte le plus souvent face à un méningiome chez l’enfant et en cas de troubles de l’audition ou de l’équilibre chez l’adulte. Des signes ophtalmologiques peuvent être associés précocement (membrane épirétinienne, opacité sous-capsulaire, hamartome).
La prise en charge initiale n’est pas urgente -sauf volumineuse tumeur symptomatique- et consiste dans la majorité des cas en une obser­vation pour déterminer l’histoire naturelle de la pathologie et l’évolution tumorale associée ou non aux signes cliniques, en particulier auditifs. Le traitement repose encore principalement sur la chirurgie. La radiochirurgie stéréotaxique est parfois utilisée sur les méningiomes et schwannomes vestibulaires. Depuis 2009, des traitements médicaux peuvent être administrés au long cours chez les adultes. Le bévacizumab, anticorps monoclonal dirigé contre le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (anti-­VEGFA), par voie intraveineuse, à une dose quatre fois plus faible qu’en cancérologie, stabilise 80 à 90 % des schwannomes vestibulaires en croissance mais nécessite une surveillance rénale sur le long terme. L’évérolimus, inhibiteur du système mTOR, stabilise également les petits schwannomes vestibulaires en croissance. Ces deux médicaments ont permis de diminuer le recours à la chirurgie ou à la radiothérapie et ont amélioré significativement la morbi-mortalité.
Chez les patients souffrant de surdité totale, la réhabilitation auditive grâce à des implants cochléaires, voire des implants auditifs du tronc cérébral, peut redonner des moyens de communication.
Le suivi annuel classique comprend une IRM cérébrale (et médullaire à la demande), un audiogramme, une consultation spécialisée dans un centre de compétences. Dans le cadre du suivi, une surdité brusque, en particulier sur oreille unique, impose une prise en charge urgente avec corticothérapie et avis spé­cialisé rapide. 
Encadre

Soutien des bénévoles lors de permanences

L’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R.) soutient l’action des équipes médicales spécialisées en schwannomatoses et les travaux de recherche qui peuvent être entrepris.

Certains de ses membres ont participé à l’élaboration du protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) Neurofibromatose 2. Un PNDS schwannomatoses est en cours d’élaboration.

Tous les patients peuvent s’inscrire sur ComPaRe (la Communauté de patients pour la recherche : https://compare.aphp.fr/) qui dispose d’un espace neurofibromatoses (NF1, NF2 et schwannomatoses). Cette base de données peut fournir des éléments importants aux médecins et aux chercheurs. Des membres de l’association participent au groupe de réflexion « douleurs chroniques » mis en place par l’équipe ComPaRe.

Des bénévoles de l’association assurent des permanences au centre de référence afin de répondre aux questions des personnes qui découvrent la maladie.

www.anrfrance.fr

Pour en savoir plus
Centre de référence des neurofibromatoses (CERENEF) : page NF2 et schwannomatoses avec les coordonnées médicales utiles. Il existe six centres de compétences NF2 en France. https://cerenef.org/neurofibromatose-de-type-2/
Association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R.) : www.anrfrance.fr ; contact@anrfrance.fr
Vidéos des conférences médicales : https://www.anrfrance.fr/page/2201957-new-videos-conferences-anr
Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). Neurofibromatose 2, septembre 2021. https://vu.fr/sEhqq
Vivre avec... une neurofibromatose de type 1. La Revue du Praticien 2024;74(3):308-10.

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