Témoignage de Patricia, 63 ans
En 2003, alors que je suis âgée de 42 ans, une journée a viré au cauchemar. Un de mes talons s’est engourdi puis est devenu de plus en plus rouge et enflé. Mon médecin généraliste me demande de passer une échographie en urgence, il évoque une rupture du tendon d’Achille.
Seul l’hôpital peut pratiquer ce type d’examen le week-end. À mon arrivée, je ne peux plus poser le pied par terre. Le service des urgences, soupçonnant un traumatisme malgré mes explications, réalise une radio et non une échographie. Résultat : rien ! En revanche, la prise de sang effectuée révèle une protéine C-réactive (CRP) très augmentée. Pour tout traitement, je me vois prescrire du paracétamol. « Rentrez chez vous, ça va passer ! », m’assène le médecin.
Le week-end est difficile : le deuxième talon, les yeux, la thyroïde subissent la même atteinte.
Le lundi, je retourne chez le généraliste, stupéfait tant par l’évolution des désordres que par la décision des urgences ! Il me donne une première ordonnance, puis me téléphone dans le quart d’heure qui suit. « Ne prenez rien ! Je viens de vous obtenir un rendez-vous chez un rhumatologue en urgence. Vous avez quelque chose de sérieux, mais quoi ? »
Il a finalement fallu dix-huit mois d’errance, de crises (inflammation du nez et de l’oreille), avec la consultation de plusieurs médecins dans différents services et régions, avant que ne soit diagnostiquée la polychondrite chronique atrophiante (PCA).
Cette maladie m’est inconnue. Je me renseigne sur internet, et là, horreur ! Je lis : « Espérance de vie : cinq ans. » Mais non ! Aujourd’hui, j’ai 63 ans et je suis toujours là ! Certes, avec des hauts et des bas, avec des épreuves difficiles à vivre, tant personnellement que pour ma famille et mon entourage. Je vais connaître la surdité (mais je bénéficie d’un implant cochléaire), la perte d’équilibre (mais je reste autonome avec mon déambulateur), l’insuffisance cardiaque (mais j’ai pu être pontée), des sténoses à différents endroits (mais j’ai subi la pose de stents)…
Ma vie professionnelle a également été impactée : trois ans après mon premier arrêt maladie, je suis convoquée par le médecin de la Sécurité sociale qui, en raison de ma situation, me propose de passer en invalidité, ce que je refuse : j’ai réussi à travailler environ neuf mois dans l’année grâce à des aménagements de poste en accord avec mon employeur. Mais, un mois plus tard, la Sécurité sociale m’informe que je suis mise en invalidité d’office, n’ayant pas travaillé douze mois consécutifs. Je suis effondrée ! Car en plus de gérer la maladie, le handicap, il me faut affronter les soucis financiers : toutes les indemnités maladie sont supprimées et remplacées par une prestation invalidité après quelques mois. Du fait de cette décision j’ai été licenciée, alors que ce travail, dans lequel je m’épanouissais, me permettait de penser à autre chose qu’à la maladie !
Heureusement, une rencontre va m’orienter vers l’associatif caritatif, ce qui m’a permis de me sentir à nouveau femme, utile, vivante…
Ultime bouffée d’oxygène : en 2007, l’Association francophone contre la polychondrite chronique atrophiante (AFPCA) est créée et un programme de recherche, en partenariat avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, est lancé. Dans ce cadre, l’association fait appel aux malades atteints de PCA ; je participe alors et je rencontre d’illustres professeurs et médecins spécialistes de cette maladie (enfin !). À la suite d’un déménagement, ils m’orientent vers une spécialiste des maladies systémiques de ma région et continuent de suivre mon dossier en parallèle. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être bien soignée et accompagnée, dans un centre comme dans l’autre. De plus, l’AFPCA est une association à laquelle je dois beaucoup en raison de son action importante : soutien entre malades et auprès des familles, participation à la recherche, informations et communication auprès du monde médical, sans oublier un conseil scientifique prestigieux qui œuvre pour cette maladie. J’en suis membre et souhaite pouvoir redonner ce que j’ai reçu, car j’ai vécu moi-même ce parcours du combattant, terriblement éprouvant, la PCA étant une maladie particulièrement mal connue. Je suis reconnaissante envers tous mes proches, le monde scientifique et l’association, qui m’épaulent chaque jour. Sans eux, je n’aurais pas pu tenir !
Commentaire du Pr Laurent Arnaud, rhumatologue, coordonnateur PCA de l’ERN ReCONNET
La polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une maladie inflammatoire qui affecte principalement le cartilage des oreilles, du nez et des voies respiratoires mais qui peut également toucher d’autres organes ou tissus tels que les yeux, les articulations, le système cardiovasculaire ou l’appareil cochléovestibulaire. Sa prévalence est très faible, ce qui en fait une maladie rare et particulièrement mal connue du grand public mais également des professionnels de santé.
L’histoire de Patricia illustre parfaitement la complexité du parcours diagnostique. Elle rapporte une période de dix-huit mois avant que la maladie ne soit correctement identifiée, ce qui est une situation malheureusement fréquente. La présentation polymorphe de la PCA complique encore la reconnaissance de la maladie, et les symptômes initiaux, tels que les poussées inflammatoires douloureuses, peuvent facilement être attribués à d’autres pathologies plus courantes.
La maladie peut affecter une grande variété d’organes, évoluant parfois vers des lésions sévères. Celles-ci sont susceptibles d’entraîner des séquelles telles que la surdité, l’insuffisance cardiaque ou des troubles de l’équilibre, qui peuvent avoir un fort retentissement sur la qualité de vie au quotidien. Le témoignage de Patricia montre la diversité des complications liées à cette maladie. Ces problématiques véritablement systémiques soulignent la nécessité d’un suivi pluridisciplinaire (rhumatologue, ORL, cardiologue, etc.) pour prendre en charge les différentes complications.
La dimension psychologique est également cruciale. Patricia évoque son angoisse de découvrir sur internet des informations inquiétantes sur la PCA, ce qui est malheureusement fréquent pour les patients atteints de maladies rares, et souligne l’importance de l’accès à des informations médicalement validées. Le soutien de la famille, l’accompagnement des professionnels de santé et l’implication dans des associations telles que l’AFPCA sont essentiels pour améliorer la qualité de vie des patients et leur offrir un environnement adapté.
Une fois la PCA diagnostiquée, la prise en charge repose dans certains cas sur des traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs (corticoïdes, colchicine, méthotrexate, anti-TNF α, etc.) pour contrôler l’inflammation et prévenir les rechutes. La prise en charge des complications, telles que la surdité ou les atteintes cardiaques, peut nécessiter des interventions spécifiques (implant cochléaire, pose de stent, pontage, etc.), soulignant une fois encore l’importance de la collaboration interdisciplinaire.
Le récit de Patricia souligne l’impact positif du soutien associatif. L’AFPCA, grâce à son partenariat avec l’Inserm, lui a permis de rencontrer des spécialistes et de bénéficier d’une prise en charge adaptée. Le rôle des associations dans l’accompagnement des malades, l’information et la promotion de la recherche est essentiel pour les maladies rares comme la PCA. La place des centres nationaux de référence (CNR) « maladies rares » est également cruciale, car ils permettent d’accéder à des équipes de référence hautement spécialisées.
Au total, Patricia met en lumière les défis posés par la PCA tant en matière de diagnostic que de traitement. Son expérience démontre la nécessité d’une plus grande sensibilisation des professionnels de santé aux maladies rares, ainsi que l’importance d’une approche multidisciplinaire et d’un soutien psychosocial. La PCA, bien qu’invalidante et difficile à diagnostiquer, peut être prise en charge avec succès grâce à des soins coordonnés, à la gestion des complications et à un soutien associatif fort.
Commentaire du Dr Alexis Mathian, Centre de référence des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires systémiques rares de l’adulte
Comme son nom l’indique, la polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une maladie caractérisée par l’inflammation des cartilages hyalins (nez, oreilles, larynx, trachée, bronches et côtes). Les chondrites évoluent par poussées, qui régressent grâce aux traitements anti-inflammatoires. En cas d’inflammation persistante ou de récidives, des altérations telles que la disparition du cartilage ou sa calcification et son hypertrophie peuvent survenir, entraînant, à long terme, des risques esthétiques et fonctionnels. La PCA est source d’anxiété chronique pour les patients, liée à la peur d’un étouffement ou de déformations visibles du nez et des oreilles, exposant leur maladie au regard de la société.
Si le praticien connaît la PCA, le diagnostic est posé rapidement, permettant une intervention précoce et réduisant le risque de séquelles. Toutefois, la rareté de cette pathologie (incidence estimée à 1/285 000), associée à une méconnaissance des signes de chondrite et à la diversité des atteintes inflammatoires extracartilagineuses (ophtalmologiques, cardiovasculaires, oreille interne), rend le diagnostic difficile. Un patient atteint de PCA peut être asymptomatique lors de la consultation. Aucun test diagnostique n’est disponible, renforçant l’importance de l’expertise du clinicien.
Il n’existe pas de traitement spécifique pour la PCA, mais les avancées dans le domaine des maladies auto-immunes ont permis un meilleur contrôle de la maladie, malgré le recours toujours fréquent à la corticothérapie. Les progrès en radiologie interventionnelle et en chirurgie ont également amélioré la prise en charge des formes sévères. Il est donc essentiel de s’orienter vers un réseau de soins spécialisés, structuré autour des centres de référence et de compétence pour les maladies auto-immunes rares, présents dans les grands hôpitaux. Ces centres disposent d’une expertise précieuse, notamment pour les formes sévères, comme les atteintes trachéales. Un protocole national de soins a été élaboré (« Polychondrite chronique atrophiante. Guide maladie chronique ». Haute Autorité de santé, 2021). L’Association francophone contre la PCA joue un rôle clé en guidant les patients vers une prise en charge optimale. Les progrès réalisés ont amélioré la prise en charge et la qualité de vie des patients. Ils laissent espérer des avancées futures tout aussi prometteuses.
Accompagner, connaître et reconnaître le malade
L’Association francophone contre la polychondrite chronique atrophiante (AFPCA) accompagne les malades et leur famille, afin de les éclairer sur les chemins complexes de cette pathologie rare. L’annonce de la PCA est un cataclysme, et les informations que l’on trouve sur internet sont souvent angoissantes.
L’AFPCA propose aux patients et à leurs proches une aide individualisée, pour leur permettre d’accepter cette pathologie, afin de gagner en sérénité et valider cette page de leur histoire qu’ils doivent maîtriser au mieux pour une vie moins perturbée. Par ailleurs, elle les oriente vers les centres de compétence ou les centres de référence proches de leur domicile, où ils trouvent beaucoup de soutien. L’association répercute aussi régulièrement les conseils judicieux apportés par la FAI²R (filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares).
Pascale Goutte, présidente de l'AFPCApresidente@afpca.frwww.afpca.fr/site/
Pour en savoir plus
AFPCA (Association francophone contre la polychondrite chronique atrophiante)
Site de l’association : https ://afpca.fr/site/
Page Facebook : https ://www.facebook.com/groups/afpac.association/media/
Page Instagram : https ://www.instagram.com/afpca_assocpolychondrite/
Liste des centres de compétence et de référence (FAI2R) : https ://www.fai2r.org/les-centres-fai2r/
Protocole national de soins.
Polychondrite chronique atrophiante. Guide maladie chronique. Haute Autorité de santé, 2021. https ://urlz.fr/sQ99