Il s’agit de la plus vaste étude observationnelle sur les effets (positifs et négatifs) des aGLP- 1 réalisée à ce jour. Les chercheurs ont utilisé la base de données de santé des anciens combattants des États-Unis, ce qui leur a permis de suivre près de 2 millions de patients diabétiques (95 % d’hommes ; 90 % âgés de 50 ans et plus) entre octobre 2017 et décembre 2023 (durée moyenne du suivi : 3,7 ans).
Parmi eux, 216 000 ont débuté un traitement par aGLP- 1. Ils ont été comparés aux patients débutant d’autres antidiabétiques au même moment – sulfamides hypoglycémiants (N = 160 000), iDPP- 4 (N = 118 000), iSGLT- 2 (N = 259 000), avec la constitution d’un groupe contrôle incluant des parts égales de personnes prenant chacune de ces trois molécules (N = 536 000) –, ainsi qu’à des patients continuant leur traitement antidiabétique standard sans initiation d’aGLP- 1 (N = 1 200 000).
La comparaison portait sur 175 critères touchant le système cardiovasculaire, respiratoire, digestif, musculosquelettique, neurologique, entre autres. Après pondération, les groupes avaient des caractéristiques similaires, et les résultats des analyses ont été ajustés pour des facteurs confondants (comorbidités, âge, etc.).
Si les résultats variaient en fonction du groupe de comparaison, ils ont révélé une vaste cartographie sur l’efficacité et les risques des aGLP- 1 allant au-delà de ceux actuellement connus.
Confirmation de certains bénéfices reconnus
L’effet cardioprotecteur et néphroprotecteur des aGLP- 1, mis en évidence dans de précédents essais randomisés, a été retrouvé dans ces analyses. Par rapport au groupe contrôle principal (continuation du traitement antidiabétique standard), l’initiation d’un aGLP- 1 était associée à une réduction d’entre 7 et 15 % des risques d’infarctus du myocarde, d’insuffisance cardiaque, d’AVC ischémique et hémorragique, ainsi qu’à une réduction d’environ 12 % du risque de lésions rénales aiguës et de 3 % pour la maladie rénale chronique.
Des associations à d’autres bénéfices vasculaires ont également été retrouvées, avec des réductions du risque de l’ordre de 10 % à 15 % pour divers troubles thromboemboliques (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, insuffisance veineuse, syndrome post-thrombotique) mais aussi l’hypertension pulmonaire. Ces effets pourraient s’expliquer par l’efficacité de ces molécules sur la perte de poids – l’obésité étant un facteur de risque de maladie thromboembolique –, mais aussi par des mécanismes directs des aGLP- 1 sur la fonction endothéliale et l’agrégation plaquettaire, montrés dans des études in vitro et sur modèles animaux.
Des effets bénéfiques sur plusieurs pathologies respiratoires mais aussi infectieuses ont aussi été décelés, avec des réductions de 11 % du risque de pneumonie bactérienne et de 17 % pour la septicémie, et un risque réduit de 10 % pour la BPCO et de 23 % pour l’insuffisance respiratoire.
Des bénéfices neurologiques et neuropsychiatriques à explorer
Les effets bénéfiques neurologiques sont parmi le plus intéressants retrouvés dans cette étude. Ils viennent étayer des données qui se sont accumulées récemment sur une possible efficacité des aGLP- 1 dans le traitement de troubles tels que la maladie d’Alzheimer – pour laquelle la prise de sémaglutide réduirait le risque de 40 % à 70 % chez les diabétiques – ou celle de Parkinson – dont l’évolution pourrait être ralentie par le lixisénatide.
Dans cette cohorte, les patients ayant initié un aGLP- 1 avaient 12 % moins de risque d’avoir une maladie d’Alzheimer (toujours en comparaison à la poursuite d’un traitement standard sans aGLP- 1) et 8 % moins pour toutes les démences.
Les comportements addictifs étaient aussi touchés (à travers un possible effet sur le système de la récompense) : réduction de 11 % des troubles de l’usage de l’alcool et de 13 % de ceux liés à l’usage des opioïdes. Plus étonnant : la prise d’aGLP- 1 semblait également associée à un moindre risque (10 %) de convulsions. Ces derniers résultats s’ajoutent à des données récentes – mécanistiques et cliniques – qui suggèrent des propriétés anticonvulsivantes de cette classe thérapeutique.
Enfin, une réduction observée du risque suicidaire d’environ 10 % aussi (tant pour l’idéation suicidaire que pour les auto-agressions) est particulièrement rassurante, étant donné le signal initial – surveillé depuis 2023 – concernant des idées suicidaires et des automutilations survenus chez des patients traités par des aGLP- 1. Ces résultats s’ajoutent à d’autres données rassurantes issues d’études épidémiologiques, randomisées et des rapports de pharmacovigilance, qui concluaient à une absence de sur-risque suicidaire.
« Les effets sur de nombreux troubles neuropsychiatriques sont frappants », a déclaré le Pr Ziyad Al-Ali, dernier auteur de l’étude : « cela correspond aux données montrant qu’il existe des récepteurs du GLP- 1 dans le cerveau et que les aGLP- 1s traversent la barrière hémato-encéphalique et agissent sur le cerveau pour réduire l’inflammation et le stress oxydant, améliorer la neuroplasticité, etc. »
De nouveaux effets indésirables dévoilés
Outre des risques gastro-intestinaux bien connus tels que les nausées et les vomissements (sur-risque de 30 % dans cette étude), des associations entre la prise d’aGLP- 1 et la survenue d’autres troubles digestifs ont aussi été décelées : douleurs abdominales (+ 12 %), RGO (+ 14 %), gastrite (+ 10 %), gastro-entérite non infectieuse (+ 12 %), gastroparésie (+ 7 %), diverticulose et diverticulite (+ 8 %). De plus, le risque de pancréatite était multiplié par 2,5.
Des effets indésirables rhumatologiques ont aussi été décelés, avec un sur-risque de 11 % d’arthrite et de 10 % de tendinite et synovite.
Les troubles du sommeil et les maux de tête étaient aussi augmentés d’environ 10 %, tandis que le sur-risque d’hypotension était de 6 % et celui de lithiase urinaire de 15 %.
Les auteurs soulignent que ces effets indésirables devraient faire l’objet d’évaluations de pharmacovigilance plus approfondies et être surveillés par les prescripteurs et les patients prenant des aGLP- 1.
D’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats et approfondir les connaissances sur les divers effets de ces molécules, d’autant plus que cette étude n’est pas représentative puisque la cohorte est constituée quasi-exclusivement d’hommes âgés d’ethnicité caucasienne. De plus, les résultats ont été agrégés pour tous les aGLP- 1 et n’ont pas permis de voir s’il existait des différences selon les molécules à l’intérieur de cette classe thérapeutique.
En France, pour rappel, les aGLP- 1 indiqués dans le traitement du diabète de type 2 (Ozempic [sémaglutide], Victoza [liraglutide] et Trulicity [dulaglutide]) font l'objet d'une nouvelle mesure entrée en vigueur le 1er février 2025 : leur remboursement est subordonné au renseignement par le prescripteur d'éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription (âge, existence d'un DT2, prescription en monothérapie ou en association).
Melville NA. GLP-1 Benefits, Risks Detailed in ‘Atlas’ Mapping Outcomes. Medscape 23 janvier 2025.
Guglielmi G. Obesity drugs: huge study identifies new health risks. Nature 20 janvier 2025.