Une revue systématique avec méta-analyse parue dans le Lancet, incluant près de 60 000 patients et 151 études, a évalué les effets cardiométaboliques de 30 antidépresseurs. Prise de poids, fréquence cardiaque, PA, glycémie, cholestérolémie, élévation des transaminases… Quels sont les effets des différentes molécules ?

Les antidépresseurs font partie des médicaments les plus prescrits. Bien que ces traitements aient fait la preuve de leur efficacité, ils peuvent avoir comme effets indésirablesdes altérations physiologiques : prise de poids, modification de la pression artérielle (PA), allongement du QT, hyponatrémie… Afin d’éviter les interruptions de traitement prématurées, il est recommandé aux médecins de discuter de ces EI avec le patient afin de choisir l’antidépresseur le plus adapté. Cependant, les données comparatives entre les différentes molécules demeurent limitées. De même, la question de savoir si les EI apparaissent dès la phase d’attaque, lors du traitement de la phase aiguë de la dépression, reste en suspens.

Pour répondre à ces interrogations, des scientifiques anglais ont mené une revue systématique avec méta-analyse de grande envergure sur la littérature présente au 21 avril 2025 dans les bases de données Embase, Medline, PsycInfo, clinicaltrials.gov et fda.gov. Ils ont inclus les essais randomisés en simple ou en double aveugle chez l’adulte comparant les antidépresseurs au placebo lors des8 premières semaines de traitement et ayant renseigné au moins un paramètre physiologique. La maladie traitée pouvait être une dépression, un trouble anxieux, un trouble bipolaire, un trouble du sommeil, une schizophrénie ou une addiction.

151 études sur 30 antidépresseurs

Les chercheurs ont extrait de ces études la moyenne, l’écart-type, l’erreur-type ou l’intervalle de confiance à 95 % du changement d’un ou plusieurs paramètres physiologiques entre l’initiation et la fin du traitement, ou entre groupe placebo et groupe traité en fin d’essai. Les 13 paramètres physiologiques étudiés étaient le poids, les PA systolique et diastolique, la fréquence cardiaque, l’intervalle QT corrigé, la glycémie, la cholestérolémie, la natrémie, la kaliémie, l’urémie, la bilirubinémie, la créatininémie, les taux d’ALAT et d’ASAT et le taux des phosphatases alcalines. L’objectif était de quantifier les changements induits par les antidépresseurs.

Les résultats sont parus le 21 octobre 2025 dans le Lancet. En tout, 151 études et 17 rapports de la FDA ont été inclus, correspondant à 58 534 patients (âge moyen ± écart-type = 44,7 ± 15,8 ans, 62,0 % de femmes, 74,8 % rapportant être d’ethnie blanche). Parmi eux, 71,6 % avaient pris un antidépresseur et 28,4 % un placebo. La durée médiane du traitement était de 8 semaines (écart interquartile = [6,0 ; 8,5]), et s’étalait de 3 à 12 semaines selon les essais. Les articles inclus comprenaient 30 antidépresseurs appartenant aux 5 classes pharmacologiques (ISRS, IRSNa, imipraminiques, IMAO, autres antidépresseurs), dont 20 des 24 médicaments commercialisés comme antidépresseurs en France .

Résultats pour les principaux traitements

Le niveau de preuves était modéré à faible pour la plupart des méta-analyses. En utilisant les intervalles de prédiction à 95 % – qui prennent en compte l’hétérogénéité des études et aboutissent à des intervalles plus larges – plutôt que les IC 95 %, les auteurs ont constaté des modifications statistiquement significatives en phase aiguë pour plusieurs molécules utilisées en France, et notamment :

  • avec la fluoxétine (32 études incluses) : perte de poids (- 0,81 kg de différence moyenne par rapport au placebo) ;
  • avec la paroxétine (27 études) : hausse du taux de phosphatases alcalines (+ 2,96 UI/L) ;
  • avec la sertraline (14 études) : perte de poids (- 0,76 kg) ;
  • avec la duloxétine (27 études) : hausse des taux d’ALAT (+ 2,20 UI/L) et de phosphatases alcalines (+ 2,29 UI/L) ;
  • avec la venlafaxine (31 études) : perte de poids (- 0,74 kg), hausse de la cholestérolémie (+ 0,22 mmol/L), hausse du taux de phosphatases alcalines (+ 3,58 UI/L) ;
  • avec l’amitriptyline (20 études) : augmentation du poids (+ 1,60 kg), de la fréquence cardiaque (+ 9,25 bpm) et de la PA systolique (+ 4,86 mmHg) ;
  • avec le citalopramet l’escitalopram (5 études chacune) : aucune observation significative.

Des différences pas forcément pertinentes

En se basant sur les IC 95 % plutôt que les IP 95 %, davantage de paramètres physiologiques étaient associés à un changement statistiquement significatif pour ces antidépresseurs. Toutefois, certains résultats étaient statistiquement significatifs sans être cliniquement pertinents. Ainsi, les auteurs notent qu’il existe des preuves fortes que la duloxétine augmente les taux d’ALAT, d’ASAP et de phosphatases alcalines, mais dans des proportions non cliniquement significatives.

Selon les auteurs, un poids initial plus élevé était associé à une augmentation plus marquée de la PA systolique, des ALAT/ASAT induites par les antidépresseurs ; un âge initial plus avancé était lié à une élévation plus importante de la glycémie induite par les antidépresseurs. Ils n’ont pas observé de lien entre les modifications des symptômes dépressifs sous médicament et les troubles métaboliques.

Adapter les recommandations

En conclusion, les auteurs indiquent qu’il existe des preuves solides que les antidépresseurs diffèrent par leurs effets cardiométaboliques en phase aiguë. En conséquence, ils considèrent que les guidelines devraient être mises à jour de manière à prendre en compte ces différences en termes de risque, afin d’orienter au mieux le choix individuel d’un antidépresseur.

Références
Pillinger T, Arumuham A, McCutcheon RA, et al. The effects of antidepressants on cardiometabolic and other physiological parameters: a systematic review and network meta-analysis.  Lancet 2025;406(10515):2063-77.
ANSM. Dossier thématique antidépresseurs. 15 octobre 2025.
Pour en savoir plus :
Garnier M, Llorca PM, Patoz MC. Item 74. Prescription et surveillance des psychotropes.  Rev Prat 2024;74(1):89-99.
Mallordy F. Évaluation comparative de 8 antidépresseurs sur la prise de poids.  Rev Prat (en ligne) 11 avril 2025.
Nobile C. Bien prescrire un antidépresseur.  Rev Prat (en ligne) 4 avril 2024.
Verdoux H. Initiation d’un antidépresseur : syndrome « d’activation » ou virage maniaque ?  Rev Prat (en ligne) 21 octobre 2025.

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