Un essai randomisé contrôlé américain montre que la prise de CBD, consommé régulièrement à des doses récréatives, provoque une élévation anormale des taux d’ALAT ou d’ASAT, suggérant une potentielle hépatotoxicité.

Nouveaux risques

La vente et la consommation non médicale de cannabidiol (CBD) sont autorisées depuis fin 2021 en France et depuis 2018 aux États-Unis. Si cette substance n’est pas psychoactive, à l’inverse du tétrahydrocannabinol (THC) – principe actif du cannabis –, son usage dans un cadre récréatif n’est pas dénué d’effets indésirables, voire de risques que l’on découvre encore aujourd’hui. Ainsi, rien qu’en 2025, l’Anses a proposé en mars de classer le CBD comme « présumé toxique pour la reproduction humaine, sur la base d’études disponibles sur des modèles animaux montrant des atteintes à la fertilité et au développement », et s’est jointe à l’ANSM pour alerter en juin sur l’augmentation des intoxications liées à des produits contenant du CBD. Ses principaux effets indésirables (somnolence, fatigue, diarrhée, perte d’appétit) sont plutôt causés par la consommation simultanée de THC.

Par ailleurs, le CBD peut agir directement sur le foie. Des études animales ainsi que chez l’homme suggèrent que le cannabidiol est associé à un sur-risque d’élévation anormale des transaminases – alanine aminotransférase (ALAT) et aspartate aminotransférase (ASAT) – mais elles concernent le CBD médical, plus concentré que le CBD récréatif. Par ailleurs, dans ce contexte, des recommandations ont déjà été établies pour limiter l’hépatotoxicité associée à cette molécule (surveillance hépatique chez les patients à risque ou prenant des médicaments potentiellement hépatotoxiques, suivi biologique si dose ≥ 300 mg/jour, etc...).

201 sujets sains inclus

Afin d’y voir plus clair sur les effets hépatiques et endocriniens du CBD à des doses représentatives d’une consommation récréative, des chercheurs américains ont mené sur quatre semaines un essai clinique randomisé en double aveugle monocentrique contrôlé par placebo. Dans une unité de pharmacologie clinique américaine, ils ont recruté 201 sujets sains âgés de 18 à 55 ans. Les critères d’inclusion comprenaient le fait de ne pas fumer, de ne pas avoir consommé de drogues les deux années précédant l’étude et de ne pas consommer régulièrement de l’alcool, peser au moins 50 kg – ainsi que des résultats de laboratoire, une histoire médicale et un examen physique normaux. Des tests négatifs de présence de substances illicites et d’alcool étaient requis, à l’inclusion et en suivi pendant l’étude. Enfin, les participants devaient avoir des résultats d’ALAT et d’ASAT dans la norme à l’inclusion.

Les 201 participants (âge médian = 36 ans, écart interquartile = [30 ans ; 43 ans] ; 44 % de femmes) ont ensuite été randomisés dans deux bras : 151 participants dans le bras CBD (prise orale de CBD médical dosé à 2,5 mg/kg 2 fois/jour, équivalent d’une consommation récréative modérée, pendant 28 jours) et 50 dans le bras placebo (prise orale d’un placebo à la place du CBD). Les transaminases ont été surveillées ensuite aux jours 1, 7, 14, 21, 28, 29 et 35, tandis que des dosages endocriniens ont eu lieu aux jours 1 et 29 (testostérone et inhibine B chez les hommes ; thyroxine libre, triiodothyronine totale et thyrotropine chez tout le monde).

Le critère de jugement principal était le pourcentage de participants ayant une élévation d’ALAT ou d’ASAT plus de 3 fois supérieure à la normale (soit > 33 UI/L pour les hommes et > 25 UI/L pour les femmes). Le critère secondaire hépatique était le pourcentage de participants ayant arrêté le CBD pour potentielle hépatotoxicité d’origine médicamenteuse (ou DILI, voir encadré), un critère qui n’est pas synonyme de lésion hépatique. D’autres critères secondaires comportaient des dosages endocriniens.

Taux élevés des transaminases dans le groupe CBD

Les résultats sont parus le 7 juillet 2025 dans JAMA Internal Medicine . En tout, 8 participants (5,6 %, IC 95 % = [1,8 % ; 9,3 %]) du groupe CBD avaient une élévation des transaminases plus de 3 fois supérieure à la normale, contre aucun dans le groupe placebo (0 %, IC 95 % = [0 % ; 7,6 %]). Sept de ces huit cas avaient également une éosinophilie. Sept participants du groupe CBD avaient arrêté le CBD pour potentielle DILI. Toutefois, aucune différence entre les groupes n’a été observée au niveau des marqueurs endocriniens analysés et aucun des participants n’a eu de symptômes liés à la fonction hépatique.

Si les auteurs notent que les élévations de transaminases observées ne se traduisent pas par des changements fonctionnels hépatiques cliniquement significatifs, ils soulignent que cette étude à court terme n’exclut pas la possibilité de dommage hépatique lors de la consommation de CBD à 5 mg/kg/jour, voire à de moindres doses. Ces résultats suggèrent, à leurs yeux, que l’usage du CBD à des doses récréatives peut mener à une élévation des transaminases chez les adultes sains, ce qui souligne le besoin potentiel d’un suivi de routine de l’ALAT et de l’ASAT des usagers. Ces résultats appellent à mener davantage d’investigation sur les effets à long terme du CBD.

Encadre

Qu'est-ce que le DILI ?

La DILI fait suite à la consommation d’un médicament ou d’une drogue. Ses critères sont les suivants :

  • ALAT ou ASAT > 5 fois la normale sans symptômes à deux occasions différentes séparées de plus de 24 heures ;
  • Phosphatase alcaline (PAL) > 2 fois la normale, ou bilirubine > 2 fois la normale avec toute élévation de transaminases ;
  • ALAT ou ASAT > 5 fois la normale avec des symptômes associés à des atteintes hépatiques ;
  • INR > 1,5 avec élévation d’ALAT, d’ASAT ou de PAL.
Pour en savoir plus
Florian J, Salcedo P, Burkhart K, et al. Cannabidiol and Liver Enzyme Level Elevations in Healthy Adults.  JAMA Intern Med 7 juin 2025.
ANSM. Augmentation des intoxications causées par des produits à base de CBD contenant d’autres substances.  19 juin 2025.
Anses. L’Anses propose de classer le cannabidiol (CBD) comme "présumé toxique pour la reproduction humaine".  21 mars 2025.
Eadie L, Lo LA, Boivin M, et al. Clinical guidance for cannabidiol-associated hepatotoxicity: A narrative review.  J Gastroenterol Hepatol 3 septembre 2024.
Lo LA, Christiansen A, Eadie L, et al. Cannabidiol-associated hepatotoxicity: A systematic review and meta-analysisJ Intern Med 13 mars 2023.
Spriano P. Comment expliquer l’élévation du taux des transaminases ?  Univadis 16 avril 2025. 
Tamalsson L. Transaminases élevées : quels sont les symptômes et les causes de l’élévation ? Qare 9 décembre 2024.

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