La première pilule contraceptive œstroprogestative a été mise sur le marché en 1960 sous le nom d’Enovid (mestranol-noréthynodrel). Très  rapidement après sa commercialisation, les premiers événements thromboemboliques veineux puis artériels ont été décrits chez les utilisatrices. ­Depuis, la problématique du risque vasculaire est une préoccupation majeure pour les professionnels de santé et les patientes.

La contraception mécanique par dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre, du fait de l’absence d’impact sur le risque vasculaire, semble une solution idéale pour s’affranchir de cette question des effets vasculaires des contraceptifs. Néanmoins, dans de nombreuses situations cliniques, elle n’est pas adaptée  : ménorragies (en lien ou non avec l’utilisation d’anticoagulants), ou dysménorrhées notamment.

Il est donc indispensable de pouvoir proposer d’autres solutions contraceptives à ces patientes.

Il est nécessaire de prendre en compte les données des effets des contraceptifs sur les risques de thrombose veineuse ou artérielle, pour choisir le moyen de contraception des femmes à haut risque vasculaire.

Contraception et antécédent de thrombose veineuse

Les thromboses veineuses sont des événements rares dont l’incidence exacte dans la population de femmes en âge de procréer a fait l’objet de peu d’études. Les données françaises évaluent son incidence à environ 5 à 10 événements pour 10 000 femmes-années.1

Certains facteurs de risque de récidive chez ces femmes ont été mis en évidence, notamment le caractère idiopathique du premier événement,2 l’âge ou l’obésité.

Il est primordial dans ce contexte clinique de limiter les situations prothrombogènes.

Contraception œstroprogestative et risque de premier événement thromboembolique

Les données disponibles dans la littérature sont unanimes concernant le risque d’événement thromboembolique veineux associé aux contraceptions œstroprogestatives  : il existe une augmentation du risque de premier événement, quelle que soit la voie d’administration. Ce risque est multiplié par un facteur 3 à 5 en fonction du type de progestatif (associés à l’éthinylestradiol, le lévonorgestrel et le norgestimate sont les moins à risque) et il augmente également avec les fortes doses d’éthinylestradiol.3 Les études de non-infériorité réalisées pour évaluer l’impact des pilules combinées à base d’estradiol ont montré un risque d’événement thromboembolique veineux comparable à celui des contraceptions dites de «  deuxième génération  » ou équivalent (associations éthinylestradiol et lévonorgestrel ou éthinylestradiol et norgestimate).4

Contraception œstroprogestative et risque de récidive d’événement thromboembolique

L’utilisation d’une contraception œstroprogestative au décours d’un événement thromboembolique est également identifiée comme un facteur de risque majeur de récidive. En effet, une étude de cohorte française menée sur 172 femmes en âge de procréer avec anté­cédent personnel de thrombose veineuse a établi un hazard ratio de récidive à 8,2 (2,1 - 32,2) chez les utilisatrices de contraception combinée.5 

Ainsi, chez les femmes à risque thrombotique veineux et particulièrement avec antécédent personnel de thrombose veineuse profonde, l’utilisation de contraception œstroprogestative est contre-indiquée.6 

Contraception progestative et risque de premier événement thromboembolique ou de récidive

Les données épidémiologiques concernant les contraceptions progestatives pures n’ont pas mis en évidence d’augmentation du risque de premier événement de thrombose veineuse lors de leur utilisation, à l’exception de la contraception injectable par acétate de médroxyprogestérone (DMPA).7 Une contraception progestative pure contenant 4 mg de drospirénone a été mise sur le marché récemment. Les études réalisées afin de permettre sa commercialisation, ou au décours de celle-ci, n’ont pas mis en évidence de sur-risque de thrombose veineuse lors de son utilisation.8

Les contraceptions progestatives seules (en dehors du DMPA) font partie des méthodes recommandées chez les patientes avec antécédent thromboembolique veineux.6 Néanmoins, très peu de données sont disponibles sur le risque de récidive chez les utilisatrices de contraception progestative. Les études publiées dans la littérature sont notamment celle de la cohorte hollandaise de Christiansen (étude sur 272 femmes avec antécédent de thrombose dont 12 ayant rapporté une utilisation ultérieure de contraception progestative),9 les cohortes françaises de Le Moigne concernant 419 femmes10 et de Vaillant-Roussel reprenant les données de 172 patientes.5 Dans l’ensemble de ces études, il n’a pas été mis en évidence de sur-risque de récidive de thrombose veineuse chez les femmes exposées ultérieurement aux contraceptions progestatives pures étudiées (lévonorgestrel ou désogestrel par voie orale ou dispositif intra-utérin au lévonorgestrel). Ces études ont toutes été menées au décours de la phase aiguë de l’événement thromboembolique. Ces données sont biologiquement plausibles. En effet, les études réalisées sur les paramètres biologiques de l’hémostase n’ont pas mis en évidence de modification significative de ces marqueurs lors de l’utilisation de contraceptifs progestatifs seuls.11 

Les recommandations actuelles françaises préconisent donc l’utilisation d’une contraception progestative seule, excepté l’acétate de médroxyprogestérone, chez les patientes à haut risque vasculaire veineux. En cas d’événement thromboembolique veineux, ces méthodes contraceptives peuvent être discutées à distance de la phase aiguë.6 

Il est important de rappeler qu’il n’existe pas de recommandation consensuelle sur la conduite à tenir en cas de premier événement de thrombose lors de l’utilisation d’une contraception microprogestative. Ainsi, dans cette situation spécifique, ou dans certaines situations complexes (notamment en cas d’événement thrombotique majeur), le recours à des concertations multidisciplinaires spécialisées reste recommandé avant d’envisager une prise en charge contraceptive hormonale.6

Contraception et antécédent artériel 

Les événements artériels thrombotiques, infarctus du myocarde (IdM) ou accident vasculaire cérébral (AVC), sont très rares chez les femmes en âge de procréer. Leur prévalence, estimée dix fois plus faible que celle des événements veineux, augmente également avec l’âge. Outre les facteurs de risque «  classiques  » tels que l’obésité, le diabète, la dyslipidémie, l’hypertension artérielle (HTA) ou l’hérédité, des facteurs de risque vasculaire spécifiques de la femme sont connus ou émergents, tels que les migraines avec aura, l’endométriose ou certaines pathologies obstétricales (HTA gravidique, prééclampsie, diabète gestationnel).12

Bien que rares, ces événements sont marqués par une morbi-mortalité importante.

Événements thromboemboliques artériels sous contraception œstroprogestative par voie orale

L’impact potentiel des traitements hormonaux contraceptifs sur ce risque vasculaire thrombotique artériel doit donc être évalué systématiquement lors de leur prescription, et tout particulièrement en cas d’événement personnel d’IdM ou d’AVC ischémique.

Une méta-analyse publiée par la Cochrane en 201813 a mis en évidence une augmentation des événements thromboemboliques artériels chez les patientes utilisatrices de contraception œstroprogestative par voie orale (risque relatif [RR] d’IdM = 1,6  ; intervalle de confiance [IC] à 95  %   : 1,2 - 2,1  ; RR d’AVC ischémique = 1,7 ; IC à 95  %  : 1,5 - 1,9). Cette association semble plus importante lors de l’utilisation de forte dose d’éthinylestradiol (supérieure à 50 µg/j). Il n’y avait pas de différence de risque entre les progestatifs de deuxième et de troisième générations dans cette étude.

Peu de données sont disponibles concernant les autres voies d’administration des contraceptions combi­nées. Néanmoins, une étude de cohorte danoise suggère également une élévation du risque avec le patch et l’anneau contraceptif.14 

Les événements thromboemboliques artériels sont le plus souvent en lien avec la rupture de plaques d’athérosclérose. Les modifications éventuelles des paramètres métaboliques biologiques ou de la pression artérielle en relation avec l’utilisation d’une contraception œstro­progestative et l’effet œstrogénique des molécules font partie des mécanismes participant à ce phénomène thrombotique.

Il n’existe pas de données épidémiolo­giques évaluant l’impact des contraceptions combinées à base d’estradiol naturel sur le risque d’événement artériel. Il est cependant intéressant de noter que les données disponibles sur ces contraceptions sont en faveur d’une absence d’effet péjoratif sur les paramètres glucido-­lipidiques, marqueurs intermédiaires du risque. Cette information est néanmoins insuffisante pour conclure sur le risque artériel global de ces nouvelles contraceptions.

Ainsi, chez les patientes à risque cardiovasculaire, et tout particulièrement en cas d’antécédent personnel thromboembolique artériel, l’utilisation de toute contraception combinée à base d’éthinylestradiol ou d’estradiol reste contre-indiquée.6

Utilisation prudente des contraceptions progestatives en cas d’antécédent d’événement artériel

Une méta-analyse publiée en 2016, a évalué le risque d’AVC ischémique chez les utilisatrices de contraception progestative pure. Ces contraceptions, administrées par voie orale, sous-cutanée (implant), intra-utérine (DIU) ou en injection intramusculaire (DMPA) ne semblent pas associées à une augmentation du risque d’AVC ischémique.15 

Des résultats similaires avaient été mis en évidence par une précédente méta-analyse publiée en 2011, ­notamment concernant le risque d’IdM.16 

Il n’y a pas de données épidémiologiques disponibles avec la contraception par drospirénone seule. 

Les recommandations actuelles autorisent donc les contraceptions progestatives chez les patientes à risque vasculaire.6 Néanmoins, il n’existe pas de données disponibles chez les patientes ayant un antécédent d’événement artériel. Dans cette situation spécifique, leur utilisation doit être prudente, et une discussion multidisciplinaire en milieu spécialisé reste indis­pensable dans les situations thrombotiques complexes, notamment en cas d’événement lors de l’utilisation de traitement hormonal.

Les données disponibles dans la littérature concernant les AVC hémorragiques sont très limitées. Bien que la tendance soit en faveur d’une absence d’association entre contraception hormonale et AVC hémorragique, la prescription d’une contraception hormonale doit être discutée au cas par cas en centre expert dans ces situations rares.

Contraceptions œstroprogestatives proscrites chez les patientes avec antécédent thrombotique

Toutes les contraceptions œstroprogestatives, quelle que soit la voie d’administration, sont associées à une augmentation du risque vasculaire veineux et artériel  : leur utilisation est donc proscrite chez les patientes avec antécédent thrombotique.

L’utilisation de contraception progestative seule (sauf DMPA) est possible chez les femmes avec anté­cédent de thrombose veineuse ou artérielle mais doit rester prudente. Dans les situations médicales complexes, l’introduction ou la poursuite d’une contraception progestative doit faire l’objet d’une discussion multidisciplinaire en milieu spécialisé.

Références
1.  Delluc A. Current incidence of venous thromboembolism and comparison with 1998: A community-based study in Western France. Thromb Haemost 2016;116(5):967-74.
2. Ljungqvist M. Risk factors for recurrent venous thromboembolism in young and middle-aged women. Thromb Res 2014;133(5):762-7.
3. De Bastos M. Combined oral contraceptives: Venous thrombosis. Cochrane Database Syst Rev 2014;(3):CD010813.
4. Heikinheimo O. Systemic hormonal contraception and risk of venous thromboembolism. Acta Obstet Gynecol Scand 2022;101(8):846-55.
5. Vaillant-Roussel H, Ouchchane L, Dauphin C, et al. Risk factors for recurrence of venous thromboembolism associated with the use of oral contraceptives. Contraception 2011;84(5):e23-30.
6. Recommandations pour la pratique clinique (RPC). Contraception. Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) 2018.
7. Glisic M. Association between progestin-only contraceptive use and cardiometabolic outcomes: A systematic review and meta-analysis. Eur J Prev Cardiol 2018;25(10):1042-52.
8. Palacios S. Efficacy and cardiovascular safety of the new estrogen-free contraceptive pill containing 4 mg drospirenone alone in a 24/4 regime. BMC Womens Health 2020;20(1):218.
9. Christiansen SC. Sex difference in risk of recurrent venous thrombosis and the risk profile for a second event. J Thromb Haemost 2010;8(10):2159-68.
10. Le Moigne E. Risk of recurrent venous thromboembolism on progestin-only contraception: A cohort study. Haematologica 2016;101(1):e12-4.
11. Winkler UH. A randomized controlled double-blind study of the effects on hemostasis of two progestogen-only pills containing 75 microgram desogestrel or 30 microgram levonorgestrel. Contraception 1998;57(6):385-92.
12. HTA, hormones et femmes, consensus d’expert. Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) 2019.
13.  Roach R. Combined oral contraceptives: The risk of myocardial infarction and ischemic stroke. Cochrane Database Syst Rev 2015;2015(8):CD011054.
14. Lidegaard Ø. Thrombotic stroke and myocardial infarction with hormonal contraception. N Engl J Med 2012;366(24):2257-66.
15. Tepper N. Progestin-only contraception and thromboembolism: A systematic review. Contraception 2016;94(6):678-700.
16. Chakhtoura Z. Progestogen-only contraceptives and the risk of acute myocardial infarction: A meta-analysis. J Clin Endocrinol Metab 2011;96(4):1169-74.

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Résumé

Les événements thromboemboliques veineux et artériels sont rares chez les femmes en âge de procréer. Il est néanmoins indispensable de pouvoir accompagner ces patientes dans leur prise en charge médicale globale, notamment dans la problématique de la contraception. Les contraceptions œstroprogestatives (pilule, patch ou anneau) augmentent le risque de thrombose veineuse et artérielle : leur utilisation est proscrite en cas d’antécédent personnel thromboembolique. Les contraceptions progestatives pures (administrées par voie orale, sous-cutanée ou intra-utérine) semblent plus neutres sur le plan vas­culaire veineux et artériel : leur prescription est envisageable dans ces situations à haut risque mais doit rester prudente. Dans les situations médicales complexes, le recours aux contraceptions hormonales doit être discuté de façon collégiale, en centre expert.