Un essai randomisé chinois a comparé pendant un an une intervention communautaire simple pour empêcher les chutes à un programme classique d’éducation sanitaire. Verdict ? L’intervention a permis une réduction significative des chutes, selon les résultats parus dans le JAMA. Facile à mettre en œuvre, cette approche pourrait servir de modèle applicable à large échelle.

Chaque année en France, les chutes sont à l’origine de près de 130 000 hospitalisations, 65 000 fractures de hanche et 9 000 décès, rien que chez les plus de 65 ans. Face à ce fléau, la prévention – qui peut se déployer aussi en milieu professionnel, comme l’a rappelé l’Assurance maladie dans un récent communiqué – reste la meilleure des armes. Les exercices physiques sont une approche reconnue pour réduire le risque de chute, avec plusieurs programmes d’activité physique adaptée (APA) recommandés par la HAS dans ce domaine pour les personnes âgées. Cependant, ces programmes ne sont pas toujours facilement accessibles.

Ainsi, des chercheurs ont donc développé dans la campagne chinoise un programme communautaire de prévention des chutes intégré dans les soins primaires, qu’ils ont évalué dans le cadre d’un essai randomisé. La randomisation a concerné les villages inclus dans l’étude, suivant un ratio 1 :1. Il s’agissait donc d’un essai randomisé en cluster – c’est-à-dire dont la randomisation se fait au niveau d’un groupe (ou cluster) de participants –, design choisi car permettant un déploiement de l’intervention plus proche de ce qui pourrait se faire en vie réelle.

Éducation vs exercices physiques

L’essai randomisé a duré un an. Il a été conduit auprès de 128 villages ruraux répartis dans 4 provinces chinoises. Ont été inclus des sujets de 60 ans ou plus capables de marcher sans aide, sans maladie neurodégénérative ni problèmes d’audition ou d’élocution, ayant la crainte de tomber ou rapportant au moins une chute dans les 12 mois précédant l’inclusion.

Deux groupes ont été comparés : un bras contrôle, où les participants bénéficiaient d’une éducation trimestrielle aux facteurs de risque de chute (chaussage, polymédication, environnement domestique) dispensée par des infirmiers ruraux ; et un bras interventionnel, où la même sensibilisation était couplée à un programme d’activités physiques (détaillé dans le tableau ci-contre). Ce dernier était adapté du programme Otago, un ensemble d’exercices d’équilibre et de renforcement faisant partie des APA conseillées par la HAS et déjà éprouvé contre les chutes lorsqu’il est délivré dans un cadre communautaire. Ce programme de 7 activités a fait l’objet d’un cours en groupe de 40 minutes tous les mois par des infirmiers ruraux. Les participants du groupe intervention ont reçu pour consigne de répéter cette routine au moins 4 fois par semaine chez eux, en s’aidant de supports vidéo préenregistrés.

Le critère de jugement principal était la proportion de participants rapportant au moins une chute dans les 12 mois d’étude. Les critères secondaires comportaient le taux de chute (nombre de chutes par personne-année), et la proportion de participants rapportant des blessures liées à des chutes.

Moins de chutes durant l’intervention

Les résultats sont parus le 25 août dans le JAMA. En tout, 2 610 participants ont été randomisés (âge médian [écart interquartile] = 70,0 ans [66,4 ; 74,2] ; 59,5 % de femmes) – 1 311 dans les 64 villages de l’intervention, versus 1 299 dans les 64 villages du groupe contrôle. Sur un suivi moyen (± écart-type) de 358,0 ± 31,3 jours depuis le début de l’expérience, 388 participants (29,7 %) ont rapporté une chute dans le groupe intervention, contre 497 participants (38,3 %) dans le groupe contrôle, soit une réduction significative des chutes dans le groupe de l’intervention (odds ratio = 0,67 ; IC95 % = [0,48 ; 0,91] ; p = 0,01). Les critères secondaires cités précédemment favorisaient également significativement le groupe intervention.

Pour les auteurs, ces résultats montrent que leur programme de prévention des chutes, délivré dans un cadre rural communautaire, est associé à une diminution des chutes chez les personnes âgées. Cette efficacité laisse espérer un déploiement de ce programme à plus grande échelle, notamment dans les régions où le vieillissement de la population se confronte à des ressources de santé limitées.

Concilier ressources limitées et prévention

Dans un éditorial associé à la publication, des médecins extérieurs à l’étude, tout en notant l’absence d’analyse des coûts du déploiement de ce programme, soulignent la qualité de l’étude et notent eux aussi son potentiel. « L’intégration des interventions sanitaires dans le tissu social communautaire peut constituer un outil puissant pour gérer les risques liés au vieillissement, en particulier dans les milieux où les ressources sont limitées, affirment-ils. Cette approche illustre également le transfert des tâches à des professionnels de santé moins qualifiés, fortement préconisé par les guidelines sur les chutes afin de remédier à la pénurie de personnel de santé. »

Sources
Peng J, Ye P, Nan B. A Fall Prevention Program Integrated in Primary Health Care for Older People in Rural China.  JAMA 2025;334(12);1068-76.
Montero-Odasso M, Tan MP, Hogan DB. Integrated Fall Prevention in Primary Care – It Takes a Village.  JAMA 2025;334(12);1063-4.
HAS. Personnes âgées à risque de chute : prescription d’activité physique. 28 mars 2024.
Assurance maladie. Les chutes ne préviennent pas ! L’Assurance Maladie – Risques professionnels agit pour les prévenir. 2 octobre 2025.
Pour aller plus loin :
Nobile C. Chutes chez la personne âgée : la prévention est possible !  Rev Prat (en ligne) 16 mai 2024.
Chute du sujet âgé : réduire de 20 % le nombre de décès d’ici à 2024.  Rev Prat (en ligne) 31 mars 2022.
Martin Agudelo L. Un airbag anti-chute pour protéger les seniors !  Rev Prat (en ligne) 19 septembre 2024.
Mallordy F. Personnes âgées : l’aide auditive préviendrait les chutes.  Rev Prat (en ligne) 19 juin 2025.
Delarue K. Plan national pour lutter contre les chutes des personnes âgées : des mesures attendues !  Rev Prat 2022;72(3);305.
Nobile C. Comment évaluer le risque de chute après 65 ans ?  Rev Prat (en ligne) 31 mars 2022.
Blain H, Bichet T, Robiaud JB, et al. Comment évaluer le risque de chute chez le sujet âgé ?  Rev Prat 2022;72(3);299-304.

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