La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) atrophique, ou DMLA sèche avancée, avec atrophie géographique de la macula, est la forme la plus fréquente des DMLA. Elle concerne environ 2,5 % des plus de 60 ans, avec une incidence qui augmente avec l’âge. Entraînant une perte progressive de la vision par la destruction de la macula, partie centrale de la rétine responsable de la vision fine qui permet de lire ou de reconnaître les visages, elle ne fait l’objet d’aucun traitement et constitue une cause majeure de cécité chez les personnes âgées.
Une équipe internationale de recherche regroupant l’Institut de la vision (Inserm/CNRS/Sorbonne Université), la fondation Adolphe de Rothschild, l’Hôpital national des 15 - 20, l’Université Stanford et la société Science Corporation, a donc développé un système de neurostimulation destiné à restaurer la vision chez ces patients, indique un communiqué de presse de l’Inserm publié le 20 octobre à l’occasion de la publication de l’article scientifique sur ce nouveau dispositif, paru dans le NEJM .
Lunettes et implant combinés
Appelé le système Prima, il avait déjà été testé chez l’animal avant de faire l’objet d’une première étude clinique de faisabilité, encourageante sur le plan clinique, sur 5 patients à l’Hôpital Fondation Rothschild et à l’hôpital des 15 - 20. Il est constitué d’un implant sous-rétinien (une micropuce photovoltaïque comprenant 378 électrodes de 2 mm x 2 mm et de 30 µm d’épaisseur) et d’une paire de lunettes à réalité augmentée. Ces lunettes sont équipées d’une caméra miniature qui capte les images environnantes, et transmet le flux vidéo à un petit ordinateur de poche. Une fois améliorées par un algorithme, ces images sont converties en faisceau de rayons infrarouges, puis projetées en temps réel sur l’implant sous-rétinien, préalablement greffé sous la rétine, qui remplace les cellules photoréceptrices mortes.
L’étude actuelle était ouverte, multicentrique et prospective à un bras, évaluant l’efficacité du système Prima en comparant l’acuité visuelle des participants à l’inclusion puis avec le port des lunettes associées à 12 mois post-implant. Le critère de jugement principal était une amélioration significative de l’acuité visuelle, c’est-à-dire d’au moins 0,2 logMAR (soit la capacité à lire au moins 10 lettres de plus dans le test de vision ETDRS) à 12 mois. Les critères secondaires incluaient la qualité de vie liée au handicap visuel renseignée par questionnaire. Les critères principaux de sécurité comportaient les événements indésirables graves dans les 12 mois suivant la chirurgie.
Les patients inclus devaient avoir 60 ans ou plus, une acuité visuelle d’au moins 1,2 logMAR (c’est-à-dire inférieure à 1/16 sur l’échelle Monoyer, ou à 20/320 sur l’échelle de Snellen, soit une déficience visuelle sévère), et souffrir d’atrophie géographique causée par une DMLA aux deux yeux, confirmée par autofluorescence du fond d’œil et tomographie en cohérence optique. L’atteinte atrophique de la fovéa devait être supérieure à la taille de l’implant (> 2,4 mm de diamètre).
80 % de patients améliorés
Les résultats sont parus le 20 octobre dans le NEJM. En tout, 38 participants (âge moyen [± écart-type] = 78,9 ± 6,4 ans ; 53 % de femmes) ont été équipés du système Prima, dont seuls 32 ont pu être évalués à 12 mois (en raison de 3 décès non liés à l’étude, 2 patients indisponibles, et 1 retrait de l’étude). Parmi les 32 patients évalués à 12 mois de suivi, le système Prima a amélioré significativement l’acuité visuelle (0,2 logMAR ou plus, soit ≥ 10 lettres lisibles en plus au test de vision ETDRS) de 26 participants, soit 81 % (IC 95 % = [64 % ; 93 %] ; p < 0,001). L’amélioration est bien due au système Prima puisque, sans lunettes, l’acuité visuelle n’a pas changé pendant l’étude.
Les chercheurs ont estimé qu’en prenant en compte les 6 participants sans données à 12 mois, on pouvait s’attendre à une amélioration clinique significative à 12 mois chez 80 % des personnes recevant le système Prima (IC 95 % = [66 % ; 94 %] ; p < 0,001). En outre, 25 des 32 participants (soit 78 % ; IC 95 % = [60 % ; 91 %]) ont connu une amélioration de l’acuité visuelle de 0,3 logMAR ou plus, soit ≥ 15 lettres lisibles en plus au test de vision ETDRS. L’amélioration moyenne de l’acuité visuelle à 12 mois était de 0,49 logMAR, soit environ 25 lettres de plus lues au test ETDRS. Des progrès qui se traduisent aussi dans la vie quotidienne : à 12 mois, 84 % des participants ont rapporté pouvoir lire des lettres, des chiffres et des mots en utilisant leurs lunettes augmentées à la maison, et 69 % ont rapporté une satisfaction moyenne à élevée avec cette nouvelle aide visuelle.
Des événements indésirables graves liés à la chirurgie
Enfin, du point de vue de la sécurité, 26 événements indésirables graves sont survenus chez 19 participants dans les 12 mois suivant la chirurgie, avec principalement 6 cas d’hypertension oculaire, 5 cas de déchirure rétinienne périphérique, 3 cas de trous dans la macula, 3 cas d’hémorragie sous-rétinienne et 2 cas de néovascularisation choroïdienne. Tous étaient liés à la procédure chirurgicale d’implantation sous-rétinienne, et aucun n’était lié uniquement au système Prima. 77 % de ces événements indésirables ont eu lieu dans les 2 mois suivant la chirurgie puis se sont estompés en 2 mois. Enfin, l’acuité visuelle périphérique n’a pas changé. L’entreprise produisant le système Prima rapporte que le comité de surveillance et de suivi des données de l’étude a considéré que les bénéfices pour les patients supplantent les risques de la chirurgie, recommandant la soumission du nouveau dispositif pour le marquage CE européen.
Pour les auteurs, ces résultats sont supérieurs aux précédentes tentatives d’implants pour lutter contre la DMLA, et montrent que le système Prima restaure la vision centrale sans atteinte de la vision périphérique, résultant en une amélioration notable de l’acuité visuelle à 12 mois. Une avancée qui représente une vraie promesse de traitement pour l’atrophie géographique dans la DMLA atrophique. L’entreprise a annoncé avoir fait une demande d’approbation par les autorités européennes et espère rendre le dispositif disponible d’ici un an. Sa fourchette de prix n’est donc pas encore connue, mais les implants concurrents commercialisés cités dans l’article coûtent environ 100 000 €.
Picaud S, Sahel JA. Un implant sous-rétinien restaure partiellement la vision de personnes atteintes de DMLA. Salle de presse de l’Inserm 20 octobre 2025.
Le Mer Y. DMLA atrophique : la nouvelle frontière ? Real Ophtalmol mai 2021.
Sennlaub F. Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) – Une perte progressive de la vision centrale. Inserm 26 avril 2024.
Pour en savoir plus :
Dormegny L, Gaucher D. Dégénérescence maculaire liée à l’âge. Rev Prat Med Gen 2023;37(1079):332-7.
Martin Agudelo L. Dépister précocement la DMLA en médecine générale. Rev Prat (en ligne) 9 novembre 2022.
Nobile C. DMLA : la prévention est-elle possible en 2023 ? Rev Prat (en ligne) 12 septembre 2023.
Martin Agudelo L. Prévenir la DMLA grâce au curcuma ? Rev Prat (en ligne) 25 février 2025.
Mallordy F. La mélatonine pour prévenir la DMLA ? Rev Prat (en ligne) 10 septembre 2024.
Vignal-Clermont C, Chotard G, Chassery M, et al. Item 81. Altération chronique de la vision. Rev Prat 2022;72(2):217-25.
Rocher M, Robert PY. Item 82. Altération aiguë de la vision. Rev Prat 2025;75(7):799-805.