Un article paru en octobre dans les Annales Pharmaceutiques Françaises propose 5 principes concrets d’écoprescription pour diminuer l’empreinte carbone des médicaments, selon les recos de sociétés savantes, du ministère de la santé et du Shift Project.

Le secteur de la santé a un impact environnemental conséquent. Selon une estimation de l’association française Shift Project révélée en 2023, il est responsable de 6,6 à 10 % de l’empreinte carbone de la France – soit l’émission de 40 à 61 millions de tonnes d’équivalent CO2 de gaz à effet de serre (GES). L’achat de médicaments représente 29 % de ces émissions de GES, dont ils sont la principale cause en santé, suivi de l’achat de dispositifs médicaux (21 %).

Dans ce cadre, une nouvelle stratégie de prescription est développée et mise en avant par des sociétés savantes, des associations et des institutions de santé intitulée l’écoprescription, qui peut se définir par 4 notions essentielles :

  • mieux prescrire en tenant compte du bon usage du médicament ;
  • moins prescrire en tenant compte de la balance bénéfice/risque pour le patient et en favorisant la déprescription ;
  • limiter la contamination environnementale (écotoxicité et déchets) ;
  • prendre en compte l’empreinte carbone des médicaments.

Sur ce dernier point, 2024 a vu la publication de deux bases de données évaluant l’empreinte carbone des médicaments : une portée par le National Health Service anglais, et une développée par l’entreprise française Ecovamed (gratuite pour les pharmaciens et médecins hospitaliers).

Optimiser l’empreinte carbone

À partir des données concernant l’empreinte carbone des médicaments par voie orale et sur la base des recos existantes, une équipe de pharmaciens et de médecins normands a proposé 5 principes pratiques d’écoprescription pour la limiter, à qualité thérapeutique et efficacité similaires. Ces lignes directrices ont été dévoilées le 10 octobre 2025 dans les Annales Pharmaceutiques Françaises. Elles ont été compilées ici par l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMéDIT) de Normandie (qui a aussi fait un petit guide pour l’écoprescription d’antibiotiques).

Les voici énoncées ci-dessous :

  • privilégier les formes orales sèches. Selon les auteurs, l’application de ce principe réduit fortement l’empreinte carbone (facteur de réduction compris entre 2 et 130) par rapport à la prescription d’une solution buvable ou d’une forme parentérale et il est également associé à un gain économique ;
  • éviter la prescription d’inhalateurs pressurisés. Préférer les inhalateurs sans gaz propulseur (inhalateurs à poudre sèche, brumisateurs) réduit l’empreinte carbone d’un facteur de 10 - 20, sachant que de nouveaux gaz en cours de développement (HFA 152a) pourraient bientôt diviser par 10 l’empreinte des inhalateurs pressurisés ;
  • favoriser les molécules aux doses définies journalières (DDJ) les plus faibles au sein d’une même classe thérapeutique. Il existe une relation linéaire entre l’empreinte carbone d’un médicament et sa DDJ. Par exemple, parmi les bêtabloquants, le bisoprolol (DDJ = 10 mg), a une plus faible empreinte carbone par jour de traitement comparativement à l’acébutolol (DDJ = 400 mg). L’évaluation de l’impact en termes d’émission de carbone de la prescription de la molécule présentant la DDJ la plus faible est présentée en encadré pour 8 grandes classes thérapeutiques ;
  • préférer les spécialités combinées associant plusieurs substances actives. Elle permettrait de réduire de 27 % les émissions de carbone par rapport à l’utilisation des médicaments individuels ;
  • choisir un schéma posologique avec un minimum de doses. Administrer une quantité double de substance active via 2 comprimés augmente de 100 % l’empreinte carbone, alors que l’administrer via un seul comprimé à dosage double l’augmente seulement de 29 %.

Encadre

Molécules à privilégier en termes d’empreinte carbone pour 8 grandes classes thérapeutiques, avec la réduction associée de l’empreinte carbone par rapport à la moyenne de la classe ( %).

  • Bêtabloquants : bisoprolol (réduction de l’empreinte carbone de 48 % par rapport à la moyenne de la classe) ;
  • inhibiteurs calciques : amlodipine (- 48 %) ;
  • inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou de la noradrénaline : escitalopram (- 37 %) ;
  • sartans : candésartan (- 33 %) ;
  • benzodiazépines : alprazolam (- 30 %) ;
  • antihistaminiques : desloratadine (- 29 %) ;
  • inhibiteurs de l’enzyme de conversion : ramipril (- 27 %) ;
  • inhibiteurs de la pompe à protons : oméprazole (- 17 %).

D’après : Bounoure F, Dupray S, Wils J, et al. L’éco-prescription, une nouvelle compétence majeure pour les professionnels de santé.  Ann Pharm Fr 10 octobre 2025.

Références
Bounoure F, Dupray S, Wils J, et al. L’éco-prescription, une nouvelle compétence majeure pour les professionnels de santé.  Ann Pharm Fr 10 octobre 2025.
OMéDIT Normandie. Zoom sur l’écoprescription. 2024.
OMéDIT Normandie. Zoom sur l’écoprescription d’antibiotiques. 2025.
Pour en savoir plus :
Mallordy F. Pollution environnementale par les médicaments : enfin des recos européennes !  Rev Prat (en ligne) 24 octobre 2025.
Dossier. Développement durable et médecine.  Rev Prat 2025;75(6):637-68.
Serrate C. Les dix commandements du « Green Docteur ».  Rev Prat 2025;75(6):638-40.
Serrate C. Responsabilité médicale pour un soin plus sobre et résilient.  Rev Prat 2025;75(6):638-40.
Arnal P, de Sainte Marie B. Impact environnemental de la médecine générale. Rev Prat Med Gen 2023;37(1081):468-73.
Martin Agudelo L. Entretien avec Eva Zozub. Être écoresponsable au cabinet : c’est possible ! Rev Prat Med Gen 2023;37(1074):58-60.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés