Entre 2014 et 2023, l’utilisation des fluoroquinolones en France (listées en encadré 1) a diminué de moitié, passant de 4,8 à 2,2 millions de délivrances annuelles, indique l’ANSM dans un document paru sur son site web le 19 décembre 2025. Cette publication fait suite à la sortie le même jour d’une nouvelle étude Épi-Phare, consacrée aux mésusages des fluoroquinolones prescrites par voie orale à des adultes ≥ 20 ans en MG. La proportion de ces mésusages a été évaluée en 2014, 2019 et 2023 sur la base de prescriptions électroniques provenant d’un échantillon de MG représentatifs de la profession française.
Résultat ? Une baisse significative de 59 % du volume global de prescriptions de fluoroquinolones sur la période 2014 - 2023, résume l’ANSM, qui rappelle que cette baisse avait déjà été relevée dans l’étude Epi-Phare sur l’utilisation en vie réelle des fluoroquinolones entre 2014 et 2023, réalisée à partir du Système national des données de santé.
Cependant, l’agence note la persistance préoccupante de non-conformités aux recommandations récentes. Si environ 75 % des prescriptions en 2023 étaient conformes aux AMM ou aux recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) de 2015, cette proportion chute à moins de 25 % lorsqu’on applique les critères plus stricts de la HAS en 2016 et 2021, et ceux de l’indication révisée par l’Agence européenne du médicament en 2019. L’écart apparaît particulièrement prononcé chez les femmes et les patients âgés de 75 ans et plus.
En se basant sur les indications d’AMM et les recommandations Spilf de 2015, les prescriptions hors cadre en 2023 concernaient surtout les infections respiratoires (33 à 46 % des cas), suivies des infections ORL (29 - 33 %), puis de celles urinaires et prostatiques (4 - 10 %). Mais si on suit les référentiels les plus récents (indications révisées 2019 et HAS 2021), les infections urinaires et prostatiques représentent 64 - 65 % des usages non conformes, tandis que les infections respiratoires et ORL ne comptent plus que pour 14 - 16 % des cas.
Rappel des recommandations
Face à ce constat, l’agence sanitaire rappelle la nécessité de se référer notamment aux recommandations de bonne pratique publiées par la HAS et aux recommandations de la SPILF et du GPIP de 2025 avant toute prescription de fluoroquinolones.
Pour rappel, les fluoroquinolones ne doivent PAS être prescrites :
- pour traiter des infections non sévères ou spontanément résolutives ;
- pour prévenir la diarrhée du voyageur ou les infections récidivantes des voies urinaires basses ;
- pour traiter des infections non bactériennes, comme la prostatite (chronique) non bactérienne ;
- pour traiter des infections de sévérité légère à modérée (notamment cystite, exacerbation aiguë de la bronchite chronique et de la BPCO, rhinosinusite bactérienne aiguë et otite moyenne aiguë), à moins que les autres antibiotiques habituellement recommandés pour ces infections soient jugés inappropriés ;
- à des patients ayant déjà eu des effets indésirables graves avec un antibiotique de la famille des quinolones ou fluoroquinolones.
Il est également important de prendre en compte les éventuelles prises antérieures : ne pas prescrire des fluoroquinolones de façon répétée chez un même patient ; tenir compte d’une prescription dans les 6 mois précédents, quelle qu’en soit l’indication.
Éviter l’utilisation concomitante de corticoïdes et de fluoroquinolones car elle augmente le risque de tendinopathie.
En pédiatrie, leur utilisation doit être limitée à des infections le plus souvent documentées sur le plan bactériologique et après avis d’un infectiologue pédiatre.
Les signaux d’alerte que doivent amener un patient sous fluoroquinolones à consulter rapidement sont indiqués dans l’encadré 2.
1. Liste des fluoroquinolones par voie orale ou injectable
- Ciprofloxacine (Ciflox, et génériques)
- Lévofloxaxine (Tavanic et génériques)
- Ofloxacine (Oflocet, Monoflocet, génériques)
- Norfloxacine (génériques)
- Moxifloxacine (Izilox et génériques)
- Delafloxacine (Quofenix)
D’après : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Fluoroquinolones : une consommation en baisse mais des mésusages qui persistent. 19 décembre 2025.
2. Que dire à vos patients ?
Ces signes d’alerte doivent amener un patient sous fluoroquinolones à consulter rapidement :
- gonflement douloureux des tendons ou articulations ;
- douleurs et/ou faiblesse inhabituelles au niveau des bras ou des jambes ;
- palpitations ou sensations de battements du cœur irréguliers ou rapides ;
- difficultés à respirer, gonflement des jambes ;
- baisse de la vision ou apparition de tout autre trouble oculaire ;
- rougeurs, irritations ou démangeaisons au niveau de la peau, notamment après une exposition au soleil ou aux rayonnements UV artificiels (lampe à bronzer, solarium…) ;
- l’apparition de douleurs abdominales, thoraciques ou dorsales soudaines et intenses impose de se rendre immédiatement au service d’urgence d’un hôpital.
En cas de survenue d’un effet indésirable, celui-ci peut être déclaré directement par les patients viawww.signalement-sante.gouv.fr.
D’après : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Dossier thématique. Fluoroquinolones. 18 octobre 2023.
Épi-Phare. Mésusage des fluoroquinolones. 19 décembre 2025.
Dilange L, Hider-Mlynarz K, Saade D, et al. Étude du mésusage lié à l’indication des fluoroquinolones par voie orale chez les patients de 20 ans et plus par les médecins généralistes au sein de la base THIN en 2014, 2019 et 2023. Décembre 2025.
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Dossier thématique. Fluoroquinolones. 18 octobre 2023.
Pour en savoir plus :
Nobile C. Fluoroquinolones : recos de la Spilf. Rev Prat (en ligne) 5 septembre 2025.
Vuotto F, Bru JP, Canoui E, et al. Mise au point sur le bon usage des fluoroquinolones – Actualisation 2025 de la SPILF et du GPIP. Med Mal Infect Form 2025;4(3);229-57.
Martin Agudelo L. Fluoroquinolones : encore trop prescrites. Rev Prat (en ligne) 4 mars 2025.
Martin Agudelo L.Effets indésirables des fluoroquinolones : l’avis de la HAS. Rev Prat (en ligne) 29 août 2024.