Les saignements au cours de l’utilisation d’une contraception hormonale représentent un motif fréquent d’arrêt, exposant les femmes à un risque de grossesse non désirée.1,2 Ces troubles sont dépendants du type de contraception utilisée (contraception hormonale combinée ou progestatifs seuls) et de la nature du progestatif ou de l’œstrogène (caractère cyclique ou continu, mono- ou multiphasique, dosages des différents composants [figure]). Les œstrogènes et la progestérone jouent un rôle majeur dans la vascularisation endométriale.1 Devant tout ­saignement lors de l’utilisation d’une contraception hormonale, un interrogatoire et un examen clinique rigoureux ainsi que d’éventuels examens complémentaires doivent être réalisés en premier lieu, permettant d’éliminer  :

  • une cause organique  ;
  • une interaction médicamenteuse (inducteurs enzymatiques, certains antibiotiques comme la rifampicine, les antifongiques, les antirétroviraux, le millepertuis)  ;
  • la prise de toxiques (tabac, alcool en prise aiguë)  ;
  • une infection  ;
  • une grossesse en cas d’erreur d’utilisation ou de suspicion clinique.
 

Des examens complémentaires (dosage de la gonadotrophine chorionique humaine [hCG], échographie pelvienne, prélèvement cervico-vaginal bactériologique) peuvent être prescrits selon les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Enfin, un problème d’observance doit toujours être recherché.

Saignements et contraception hormonale œstroprogestative 

D’une manière générale, le contrôle du cycle est plus fréquemment observé avec la contraception orale œstroprogestative (COP) qu’avec les progestatifs seuls.3 Les études suggèrent que l’incidence des métrorragies lors de l’utilisation d’une COP dépend du dosage en œstrogènes, avec une augmentation de l’incidence des saignements associée à des dosages faibles. L’incidence est majorée lors du premier cycle, puis diminue avec le temps, quel que soit le dosage.4 Le type de progestatif utilisé dans les COP peut également exercer une influence sur le profil de saignements.3 Il semblerait qu’il y ait un meilleur profil de saignements chez les utilisatrices d’une contraception triphasique, mais, du fait de la grande hétérogénéité des études et des résultats contradictoires, leurs auteurs notent l’absence de conclusion possible.2,3 L’utilisation d’une contraception orale com­binée peut être cyclique, continue ou étendue avec une absence de différence significative sur le nombre total de jours de saignements.5,6 L’anneau vaginal et le patch transdermique sembleraient avoir un meilleur profil de saignements que la contraception orale combinée.7,8 

Lors de l’initiation d’une contraception hormonale combinée, la patiente doit être informée des effets indésirables, notamment du profil de saignements. Les saignements lors de l’utilisation d’une contraception hormonale combinée étant fréquemment observés durant les premiers cycles, il est possible d’avoir une attitude expectative si les saignements restent tolérables. Ensuite, il est important d’évaluer l’observance de l’utilisation d’une contraception hormonale combinée. Si la pilule est fréquemment oubliée, il faut pouvoir envisager, après information, le passage à une autre méthode contraceptive (à moyenne ou longue durée d’action). En cas de métrorragies persistantes avec un dosage à 20 µg d’éthinylestradiol (EE), une augmentation du dosage en EE peut être proposée (supérieur à 20 µg). De plus, un changement de type de progestatif (passage de la deuxième à la troisième génération) semble améliorer le profil de saignements.9 Les données de niveau de preuve élevé sont insuffisantes pour pouvoir proposer une modification du dosage du progestatif ou le passage à une contraception multiphasique.6

Saignements et contraception hormonale progestative

Pilules progestatives pures

Les saignements lors de l’utilisation d’une contraception progestative seule sont plus fréquemment observés et responsables d’un taux d’arrêt de la contraception plus élevé en comparaison aux contraceptions combinées. Après initiation d’une contraception progestative seule, il est important d’informer les femmes du risque élevé de saignements pendant toute la durée de prise.10 

Implant sous-cutané

Une étude révèle que 44  % des femmes utilisatrices d’un implant sous-cutané ont des saignements persistants au-delà de trois mois d’utilisation, représentant l’effet indésirable le plus fréquent.10 La prise d’acide tranexamique à 500 mg, trois fois par jour, en débutant au moment des saignements, semble améliorer le profil de saignements. L’utilisation d’ibuprofène 800 mg en prise biquotidienne durant cinq jours semble diminuer l’importance mais pas la fréquence des saignements. L’acide méfénamique (500 mg, trois fois par jour) permet une diminution des saignements seulement après quatre semaines de prise (10,5 versus 16,8 jours). La doxycycline et la mifépristone ont également été évaluées  ; elles sembleraient diminuer la durée des saignements. L’utilisation de la doxycycline soulève toutefois le problème des effets indésirables ainsi que du potentiel risque de résistance aux antibiotiques.

L’utilisation en France de la mifépristone est limitée aux interruptions volontaires de grossesse (IVG). Les œstrogènes seuls à forte dose ou en contraception orale combinée ont été étudiés  ; leur utilisation en association avec l’implant au lévonorgestrel (non disponible en France) montre un effet uniquement à long terme, sans modification de la fréquence des saignements.

Dispositif intra-utérin au lévonorgestrel

L’utilisation du dispositif intra-utérin au lévonorgestrel (DIU-LNG) à 52 mg montre une diminution de 50  % des saignements après douze à vingt-quatre mois d’utilisation. Paradoxalement, 35  % des patientes subissent des saignements responsables d’un taux de retrait prématuré à un an de 6  %  : il s’agit de la première cause de retrait.

Il est donc important d’informer les femmes lors de l’initiation de toute contraception par DIU-LNG de la possibilité de saignements. En l’absence de cause organique, de déplacement du DIU, d’infection ou de grossesse, une attitude expectative peut être proposée les trois à six premiers mois. L’utilisation d’acide tranexamique ne montre pas de différence significative dans la réduction des saignements, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont montré un bénéfice uniquement à court terme.11 L’utilisation d’acétate d’ulipristal (modulateur sélectif des récepteurs à la progestérone) n’a montré que des effets moindres et limités dans la durée, avec une réduction des saignements (équivalent à trois jours), dont l’effet disparaît après le deuxième cycle. L’utilisation d’œstrogènes seuls n’a pas montré d’efficacité dans le traitement des saignements lors de l’utilisation d’un DIU-LNG.12 

Acétate de médroxyprogestérone

Les saignements lors de l’utilisation de l’acétate de médroxyprogestérone (DMPA) sont possibles la première année  ; il est important d’en informer les femmes. Seuls les AINS (acide méfénamique) et l’acide tranexamique ont montré une amélioration significative des saignements, mais avec un effet à court terme pour les AINS (inférieur à quatre semaines). Des études récentes randomisées n’ont pas montré de réel bénéfice à l’utilisation d’œstrogènes.13 À noter que cette contraception reste peu utilisée en France du fait de ses risques métaboliques et thromboemboliques potentiels.

Prise en charge des saignements au cas par cas

De nombreux traitements ont été évalués dans le but d’améliorer le profil des saignements lors de l’utilisation d’une contraception hormonale. Mais, du fait de la grande hétérogénéité des études, les données sont peu concluantes. Des études de meilleur niveau de preuve sont nécessaires. L’information sur les potentiels effets indésirables de la contraception hormonale est importante pour une meilleure observance.

Références
1. Raidoo S, Kaneshiro B. Unscheduled bleeding on hormonal contraceptives: Pathophysiology, evaluation, and management options. Current Obstetrics and Gynecology Reports 2017;6:118-25.
2. Bitzer J, Gemzell-Danielsson K, Roumen F, et al. The CHOICE study: Effect of counselling on the selection of combined hormonal contraceptive methods in 11 countries. Eur J Contracept Reprod Health Care 2012;17(1):65-78.
3. Bastianelli C, Farris M, Bruni V, et al. Effects of progestin-only contraceptives on the endometrium. Expert Rev Clin Pharmacol 2020;13(10):1103-23.
4. Gallo MF, Nanda K, Grimes DA, et al. 20 µg versus > 20 µg estrogen combined oral contraceptives for contraception. Cochrane Database Syst Rev 2013;2013(8): CD003989.
5. Edelman A, Micks E, Motu’apuaka ML, et al. Continuous or extended cycle vs cyclic use of combined hormonal contraceptives for contraception. Cochrane Database Syst Rev 2014;2017(7):CD004695.
6. Kaunitz AM, Achilles SL, Zatik J, et al. Pooled analysis of two phase 3 trials evaluating the effects of a novel combined oral contraceptive containing estetrol/drospirenone on bleeding patterns in healthy women. Contraception 2022;116:29-36.
7. Lopez-Picado A, Lapuente O, Lete I. Efficacy and side-effects profile of the ethinylestradiol and etonogestrel contraceptive vaginal ring: A systematic review and meta-analysis. Eur J Contracept Reprod Health Care 2017;22(2):131-46.
8. Lopez LM, Grimes DA, Gallo et al. Skin patch and vaginal ring versus combined oral contraceptives for contraception. Cochrane Database Syst Rev 2013;2013(4):CD003552.
9. Robin G, Plouvier P, Delesalle AS, et al. Contraception hormonale en pratique hors dispositifs intra-utérins. RPC Contraception CNGOF. Gynecologie Obstetrique Fertilite & Senologie 2018;46(12):845-57.
10. Power J, French R, Cowan FM. Subdermal implantable contraceptives versus other forms of reversible contraceptives or other implants as effective methods for preventing pregnancy. Cochrane Database Syst Rev 2007;2007(3):CD001326.
11. Castillo K, Zambrano K, Barba D, et al. Long-acting reversible contraceptives effects in abnormal uterine bleeding, a review of the physiology and management. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2022;270:231-8.
12. Der Heijden PAHHV, Bui BN, Veersema S, et al. Is there evidence to treat bleeding disturbances during long-term 52 mg LNG-IUS use with estrogen? Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2020;245:217-9.
13. Teal S, Edelman A. Contraception selection, effectiveness, and adverse effects: A review. JAMA 2021;326(24):2507-18.

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Résumé

Devant tout saignement sous contraception hormonale, il s’agit d’éliminer une cause organique, une interaction médicamenteuse, une infection et d’exclure une grossesse. En cas de métrorragies persistantes avec une COP contenant 20 µg d’éthinylestradiol, une augmentation du dosage peut être proposée. De plus, un changement de type de progestatif (passage de la deuxième à la troisième génération) semble améliorer le profil de saignements. De nombreux traitements ont été évalués, dans le but d’améliorer le profil des saignements avec les contraceptions hormonales. Mais, du fait de la grande hétérogénéité des études, les données sont peu concluantes. Il semblerait que l’acide tranexamique et les anti-inflammatoires non stéroïdiens améliorent le profil de saignements lors de l’utilisation d’un implant sous-cutané à l’étonogestrel, mais uniquement de manière transitoire. L’association aux œstrogènes, en revanche, ne montre pas d’amélioration, notamment avec le dispositif intra-utérin (DIU) au lévonorgestrel. D’autres traitements ont été évalués, comme la doxycycline ou la mifépristone, avec des résultats relativement bons sur l’amélioration des saignements mais qui ne sont pas validés.