Une analyse récente du Global Burden of Disease parue en août dans le Lancet Rheumatology révèle que la prévalence mondiale de la goutte (standardisée sur l’âge) a augmenté de 23 % entre 1990 et 2020. D’ici à 2050, le nombre de cas augmentera d’environ 73 % selon les projections (95,8 millions de patients souffrant de goutte, contre 55,8 millions en 2020), en raison notamment de l’accroissement de la population mondiale. En Europe de l’Ouest, l’augmentation projetée (atteignant 6,29 millions en 2050) sera principalement due au vieillissement de la population.
À la suite de la publication de cette étude, l’Académie nationale de médecine a souligné que le traitement adapté de la goutte est un enjeu de santé publique important et a donc rappelé les règles d’or d’une prise en charge réussie. À rebours de l’image d’une « maladie sans gravité et méritant peu d’attention », elle met l’accent sur sa sévérité potentielle avec une possible surmortalité précoce en l’absence de traitement au long cours, alors même que ces derniers existent et sont efficaces.
Une maladie chronique sous-traitée
Arthrite la plus fréquente, la goutte touche aujourd’hui 1 % de la population adulte en France métropolitaine (et jusqu’à 14 % en Polynésie française). Cette pathologie reste pourtant sous-diagnostiquée et peu traitée.
Elle est liée à la présence de cristaux d’urate monosodique dans les articulations, qui se forment en cas d’hyperuricémie prolongée. Les principaux facteurs de risque sont le surpoids, la consommation d’alcool et d’aliments riches en purines et une prédisposition génétique. Or l’hyperuricémie est réversible moyennant des mesures non pharmacologiques – notamment éviction de l’alcool (bière +++), des boissons sucrées au fructose et des aliments riches en purines animales (viande rouge, abats, fruits de mer, poissons gras…) – et la prise de médicaments hypo-uricémiants prescrits précocement et maintenus au long cours.
En effet, si le traitement des crises de goutte est indispensable, permettant de réduire l’inflammation et la douleur et de limiter le risque cardiovasculaire, il ne permet pas de guérir la maladie car les dépôts de cristaux d’urate persistent silencieusement après la résolution de la crise. L’attention portée à ces dernières « fait souvent oublier que la goutte est aussi une maladie chronique », souligne l’Académie de médecine. Elle formule donc des recommandations pour améliorer le traitement de fond dans l’objectif de mieux prévenir les crises douloureuses et les complications de la maladie.
Les leviers pour améliorer la prise en charge au long cours
Les raisons de la conduite imparfaite du traitement de fond sont, d’après l’Académie :
- sa prescription insuffisante, notamment à cause de la crainte d’effets indésirables cutanés graves liés à l’allopurinol, lesquels sont cependant rares et largement prévenus par une introduction posologique progressive ;
- l’absence d’uricémie cible ;
- une mauvaise adhésion au traitement : la goutte est en effet la maladie chronique dans laquelle l’observance est la plus faible, ce qui souligne l’importance de l’information et de l’éducation thérapeutique du patient, nécessaires pour la bonne compréhension de sa maladie et de son traitement.
Elle recommande ainsi :
- l’instauration, dès le diagnostic, d’un traitement hypo-uricémiant, visant une uricémie < 50 mg/L (300 mmol/L) avec de petites doses de colchicine pendant les 6 premiers mois du traitement et l’allopurinol introduit progressivement et augmenté par paliers selon le niveau de la fonction rénale ;
- une surveillance de l’uricémie cible pour adapter la posologie du traitement, poursuivie même après disparition des signes de goutte, du fait du risque de récidive des signes et d’apparition de complications en cas d’arrêt ;
- de souligner les conseils hygiénodiététiques : conseils alimentaires, réduction drastique de la consommation d’alcool ;
- la mise en place d’un programme d’information et d’éducation thérapeutique du patient, indispensables pour l’adhésion au long cours au traitement, donc pour sa réussite.
La prise en charge (traitement des crises et de fond) est détaillée dans notre fiche : « Goutte : quoi de neuf ? ».