Dans un récent avis de son conseil scientifique, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) s’est prononcé contre la prescription des molécules indiquées dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, qu’il s’agisse des anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine), de la mémantine ou des nouveaux anticorps monoclonaux anti-amyloïde bêta (lécanémab).

Aujourd’hui, environ 1,2 millions de personnes seraient atteintes de la maladie d’Alzheimer (MA) en France, dont presque un quart des personnes de 80 ans. Face à cette maladie encore incurable, il existe une forte volonté des associations, des médecins et des industriels pour avancer sur la thérapie. Pour autant, la prudence est de mise : les médicaments « anti-Alzheimer » peuvent manquer de preuves d’une balance bénéfices-risques positive malgré une autorisation de mise sur le marché (AMM).

Le sujet est brûlant d’actualité : le nouvel anticorps monoclonal anti-amyloïde bêta lécanémab s’est vu refusé sa demande d’autorisation d’accès précoce par la HAS en septembre sur la base d’un manque d’évaluation robuste de son effet sur la qualité de vie, de résultats « non cliniquement pertinents  » et d’un « profil de tolérance préoccupant  », après avoir pourtant obtenu l’AMM européenne le 15 avril. Cette décision a fait réagir la Fédération des centres mémoire et la Société francophone de psychogériatrie et psychiatrie de la personne âgée, qui ont dénoncé une décision trop restrictive .

Un manque d’efficacité et des EI

Dans ce contexte confus, mêlant nouvelles promesses et décisions institutionnelles dures à suivre, le conseil scientifique du CNGE a publié un avis sur les médicaments anti-MA le 24 octobre 2025 pour répondre aux interrogations des MG. Tout d’abord, le conseil commence par indiquer que, sur le plan thérapeutique, « les médicaments actuels indiqués dans la MA (anticholinestérasiques et mémantine) n’ont jamais démontré d’efficacité cliniquement pertinente » sur les troubles cognitifs, d’après une revue systématique avec méta-analyse parue en 2017 et ayant inclus 142 études. Pourtant, « les effets indésirables sont fréquents avec des céphalées, des troubles digestifs et des hospitalisations principalement pour causes cardiaques et digestives ». Preuve de l’absence croissante d’intérêt pour ces 4 médicaments, ils ont tous été déremboursés en 2018 après un avis de la HAS jugeant leur service médical rendu insuffisant.

Mais, depuis quelques années, l’espoir renaît chez certains grâce à une nouvelle classe thérapeutique, les anticorps monoclonaux anti-amyloïde bêta dont fait partie le lécanémab, seul médicament de sa famille à disposer d’une AMM dans l’Union européenne. Ces médicaments ciblent la protéine amyloïde, dont les agrégats causent la MA selon l’hypothèse dominante aujourd’hui ; ils ont donc « été promus comme une avancée thérapeutique majeure, suscitant l’espoir des patients et de leur entourage », explique le conseil scientifique du CNGE.

Un engouement modéré par les données

Pour autant, « une méta-analyse récemment publiée dans Annals of Family Medicinefreine cet engouement  ». Ces travaux, portant sur 19 essais et 23 202 participants, montrent selon le CNGE « des améliorations statistiques très modestes sur l’ADAS-Cog » dont aucune n’atteignait « le seuil minimal de pertinence clinique », ainsi qu’une « augmentation des événements indésirables  ». En parallèle, « aucun bénéfice clinique des anticorps monoclonaux sur les symptômes dépressifs ou la qualité de vie des patients n’a été démontré » dans une revue à ce sujet parue mi-septembre.

Pour le conseil scientifique du CNGE, « l’ensemble des résultats disponibles converge vers un constat clair : les médicaments “ anti-MA ”, inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, mémantine ou anticorps monoclonaux anti-amyloïdes, n’apportent aucun bénéfice clinique pertinent, tout en exposant les patients à des effets indésirables fréquents et parfois graves. » Ces données « confirment le rapport bénéfice/risque défavorable de ces médicaments » et justifient la décision de la HAS ainsi que celle de son équivalent britannique le NICE, qui s’est prononcé en juin contre la prise en charge du lécanémab.

Privilégier les interventions non pharmacologiques

En conclusion de son avis, le conseil scientifique du CNGE préconise aux MG de ne pas prescrire ces médicaments, et de conseiller aux patients et à leur entourage de ne pas les consommer, « ce qui est aujourd’hui la stratégie la plus scientifiquement fondée et la plus respectueuse des patients  ». Dans l’attente de thérapeutiques « réellement efficaces », le CNGE rappelle que la prise en soins des patients atteints de la MA et les moyens qui y sont consacrés doivent se concentrer sur les interventions non pharmacologiques visant à améliorer la qualité de vie, la prévention du déclin cognitif et fonctionnel, et le soutien des aidants, le tout au service du patient.

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