Se fondant sur les données les plus récentes concernant leur balance bénéfices/risques, la HAS a revu le service médical rendu par une vingtaine de spécialités utilisées comme traitement hormonal de la ménopause. Elle indique également leur place dans la stratégie thérapeutique (indications, modalités de prescription, décision thérapeutique).

À la demande du ministère de la santé, la HAS a réévalué les spécialités indiquées dans le traitement hormonal de la ménopause (THM). Le dernier avis datant de 2014, une actualisation était nécessaire. Depuis, le THM a fait l’objet de nombreuses publications, en lien notamment avec les signaux de pharmacovigilance et les évolutions des formulations et des compositions.

Données d’efficacité et de tolérance

Efficacité sur les bouffées de chaleur et l’ostéoporose

D’après l’analyse de la HAS, aucune nouvelle donnée clinique n’a remis en cause le bénéfice du THM sur l’amélioration des troubles du climatère, en particulier les symptômes vasomoteurs. Les résultats des méta-analyses de Sarri G, et al., de la revue Cochrane  (Formoso G, et al.) et de la revue systématique de Pickar JH, et al. vont toutes dans le même sens.

Dans la prévention primaire des fractures ostéoporotiques, la méta-analyse de Zhu L, et al., portant sur 33 426 femmes ménopausées (2 516 fractures) a montré que le THM était associé à une baisse du risque de fractures totales (risque relatif [RR] de 0,74, IC 95 % [0,69 - 0,80]), de fracture de hanche (RR de 0,72, IC 95 % [0,53 - 0,98]) et vertébrale (RR de 0,63, IC 95 % [0,44 - 0,91]. L’effet était observé quel que soit le risque fracturaire initial ; il était plus important au cours des trois premières années de traitement.

Des risques confirmés

Les méta-analyses récentes (Kim JE, et al., Rovinski D, et al.) confirment les données connues sur une augmentation du risque de maladie veineuse thromboembolique chez les utilisatrices d’estrogènes seuls ou associés à un progestatif par voie orale par rapport au placebo. Il n’y aurait pas de surrisque chez les utilisatrices de THM par voie cutanée.

L’actualisation des données confirme également un risque majoré d’AVC avec le THM et notamment la tibolone. Des publications suggèrent que l’estrogénothérapie par voie transdermique à doses faibles ou modérées associée à la progestérone naturelle n’est pas associée au risque d’AVC ischémique.

Quant au risque de cancer du sein, la méta-analyse du Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer, publiée dans le Lancet en 2019, met en évidence un risque augmenté, déjà connu, avec le THM estroprogestatif, excepté avec les estrogènes par voie vaginale. Ce risque augmente avec la durée de traitement (notamment après 5 ans).

Le surrisque d’hyperplasie et de cancer de l’endomètre chez les femmes ménopausées non hystérectomisées traitées par estrogènes seuls est aussi bien documenté. L’association d’un progestatif permet de s’opposer au développement d’une hyperplasie endométriale induite par l’estrogène.

Enfin, les méta-analyses récentes (Xiang H, et al., Liu Y, et al. et Shi LF, et al.) ont identifié les estrogènes seuls ou les associations estroprogestatives comme étant associés à un léger surrisque de cancer de l’ovaire, principalement séreux ou endométrioïde.

Ainsi, l’actualisation des données scientifiques confirme les différents risques identifiés lors de la réévaluation de 2014. La HAS précise toutefois que ces méta-analyses et études observationnelles fournissent des résultats souvent globaux, sans distinction entre les molécules et les voies d’administration (orale ou cutanée). Elles incluent les molécules utilisées aux États-Unis (estrogènes équins conjugués en association avec l’acétate de médroxyprogestérone), qui ne sont pas celles prescrites depuis de nombreuses années en France (le protocole « à la française » privilégie le 17 -bêta-estradiol ou le valérate d’estradiol par voie orale ou cutanée, ainsi que la progestérone micronisée et la dydrogestérone).

Nouveau risque identifié : méningiome

En 2023 - 24, les études pharmaco-épidémiologiques Épiphare – réalisées sur des cohortes françaises à partir du SNDS – ont mis en évidence un surrisque de méningiome chez les femmes ayant utilisé certains progestatifs de façon prolongée. Ce risque augmentant significativement avec l’âge, la période de la ménopause est considérée comme la plus vulnérable. « L’identification de ce nouveau risque avec certains progestatifs a pour conséquence la nécessité de le prendre en compte lors de la prescription d’un progestatif, même si celui-ci n’est pas identifié comme étant à risque de méningiome chez la femme ménopausée », indique la HAS.

Service médicale rendu

La quasi-totalité des traitements hormonaux de la ménopause sont considérés comme ayant un service médical rendu (SMR) « important » par la HAS, qui souligne également « le progrès thérapeutique des formes cutanées par rapport aux formes orales ».

Deux exceptions : la médrogestone pour la spécialité Colprone (médrogestone) et la spécialité LIVIAL (tibolone) n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique de la ménopause, en raison du risque de méningiome identifié pour le premier et du profil de tolérance CV (risque d’AVC) pour le second (avis défavorable au remboursement dans cette indication).

Place dans la stratégie thérapeutique

Indications validées

La HAS rappelle que, en raison du risque cardiovasculaire accru en période de ménopause, en dehors de la décision de prescrire ou pas un THM, il est primordial que les femmes soient informées sur ces facteurs de risque et que, le cas échéant, elles modifient leurs habitudes en adoptant une bonne hygiène de vie.

Le THM est prescrit lorsque les troubles du climatère perçus par la patiente sont suffisamment gênants pour altérer sa qualité de vie, à la dose minimale efficace, pour une durée la plus courte possible.

Dans la prévention de l’ostéoporose postménopausique, les traitements estrogéniques ou estroprogestatifs de la ménopause ont une indication chez les femmes ayant un risque accru de fracture ostéoporotique et une intolérance ou une CI aux autres traitements anti-ostéoporotiques. Le THM est recommandé en cas de troubles du climatère et de ménopause récente, après une fracture mineure ou s’il existe un T-score de densité osseuse bas, en cas d’intolérance ou d’échec des autres traitements.

Lorsque ces traitements sont prescrits pour une ménopause précoce congénitale ou acquise, la dose d’estrogène doit être suffisante pour pallier la carence estrogénique et prévenir le risque associé d’ostéoporose ; une suspension temporaire annuelle du traitement n’est pas nécessaire.

Protocole « à la française » à privilégier

Les données disponibles sont en faveur d’une prescription au plus près du diagnostic de la ménopause afin d’optimiser le bénéfice osseux. Chez les femmes non hystérectomisées, en prévention du risque du cancer de l’endomètre, on recommande d’associer un progestatif au traitement estrogénique. Pour limiter le risque thromboembolique, il faut privilégier l’association d’estradiol par voie cutanée et de progestérone naturelle.

Ces conclusions confirment donc les recommandations du CNGOF et du GEMVi de 2021, qui incitent à privilégier le 17 -bêta-estradiol ou le valérate d’estradiol associé à la progestérone micronisée ou la dydrogestérone au moins 12 jours par mois. Elles précisent également que le THM ne doit être débuté qu’après confirmation clinique de la ménopause et pas plus de 10 ans après son début.

Évaluer régulièrement la balance bénéfices/risques

Si le THM a une place dans la stratégie thérapeutique des troubles du climatère et dans la prévention de l’ostéoporose postménopausique, il ne peut pas être recommandé pour toutes les femmes. La décision de prescrire ou non un THM implique une évaluation rigoureuse de sa balance bénéfices/risques au regard des caractéristiques de la femme (âge de survenue de la ménopause, délai depuis la survenue, antécédents et facteurs de risque CV et oncologiques).

La HAS recommande :

  • de bien peser l’intérêt du traitement hormonal eu égard aux symptômes et à leur impact sur la qualité de vie de la patiente ;
  • de prescrire ces traitements dans le respect de leurs mises en garde et CI ;
  • avant d’instaurer ou de réinstaurer un THM, un examen clinique et gynécologique complet (y compris analyse des antécédents familiaux) doit être effectué. Un examen régulier des seins doit être pratiqué (palpation, mammographie, échographie, etc.) et adapté en fonction des cas individuels ;
  • le traitement doit être réévalué au moins une fois par an, en prenant en considération l’évolution du rapport bénéfices/risques. Cette réévaluation peut s’accompagner d’une suspension temporaire du traitement afin de contrôler la persistance du syndrome climatérique et sa sévérité.

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