L’élinzanétant – double antagoniste du récepteur de la NK3 et du récepteur de la NK1 – pourrait être une alternative non hormonale au THM, avec potentiellement moins d’effets indésirables que le fézolinétant, selon deux essais randomisés récents de phase III.

À la ménopause, 60 à 80 % des femmes connaissent des symptômes vasomoteurs (SVM), sous la forme de bouffées de chaleur ou de sueurs nocturnes, pouvant lourdement altérer la qualité de vie. La thérapie de référence est le traitement hormonal de la ménopause (THM). Toutefois, ce dernier a des contre-indications : cancers hormonodépendants (sein ou endomètre), antécédents thromboemboliques artériels et veineux, hémorragies génitales sans diagnostic établi, affections hépatiques aiguës ou chroniques. Par ailleurs, certaines femmes refusent de prendre un traitement hormonal en raison des risques qui l’accompagnent.

Une étiologie mieux comprise

Dans les années 2010, la compréhension des SVM a progressé et permis d’identifier leur étiologie. Les niveaux d’œstrogènes chutant à la ménopause, ils ne permettent plus de réguler correctement les neurones KNDy, qui s’hypertrophient et s’hyperactivent. Ce faisant, ces derniers surexpriment des neuropeptides, la neurokinine B et la substance P, qui agissent en se liant respectivement aux récepteurs de la neurokinine- 3 (NK3) et de la neurokinine- 1 (NK1). La surexpression de ces neuropeptides perturbe le centre thermorégulateur de l’hypothalamus, causant les SVM. Dès 2017, le pavinétant, un antagoniste non hormonal du récepteur de la NK3, a fait l’objet d’une étude de phase II publiée dans le Lancet. Malgré une diminution des bouffées de chaleur, son développement a été stoppé en raison de l’augmentation asymptomatique des transaminases chez certaines patientes, faisant craindre une toxicité hépatique.

Fézolinétant versus élinzanétant

La recherche ne s’est pas arrêtée pour autant. Après plusieurs essais concluants de grande envergure, le fézolinétant, un autre antagoniste du récepteur de la NK3, est devenu en décembre 2023 le premier médicament non hormonal autorisé dans le traitement des SVM en Europe. En bloquant la fixation de la neurokinine B sur les récepteurs de la NK3, le fézolinétant est supposé restaurer l’activité neuronale normale du centre thermorégulateur de l’hypothalamus, réduisant la fréquence et la sévérité des SVM. Il a fallu attendre le 8 avril 2025 pour qu’il soit commercialisé en France, mais l’embellie a été de courte durée : dès le 5 mai, l’ANSM a alerté sur des cas de lésions hépatiques graves, tout en recommandant un bilan hépatique avant toute instauration du traitement.

L’élinzanétant, une nouvelle molécule au mode d’action légèrement différent du fézolinétant, pourrait-il faire mieux sur le plan de la thérapie et de l’efficacité ? Il s’agit d’un double antagoniste du récepteur de la NK3 et du récepteur de la NK1. Cette action combinée pourrait théoriquement améliorer son efficacité à moduler les SVM, ce que suggère également les premières comparaisons avec le fézolinétant. En outre, les études préliminaires n’ont pas retrouvé d’élévation notable des transaminases. Après des essais de phase II positifs, des essais de phase III financés par l’industriel ont donc été lancés. Deux ont été publiés cet été, respectivement dans JAMA Internal Medicine  (OASIS- 3) et dans le NEJM  (OASIS- 4).

Élinzanétant dans la ménopause…

OASIS- 3 était une étude randomisée en double aveugle contre placebo, menée dans 83 sites européens et nord-américains. Elle a inclus 628 participantes (âge moyen ± écart-type = 54,7 ± 4,8 ans), âgées de 40 à 65 ans et ménopausées naturellement ou chirurgicalement ayant des SVM modérés à sévères, sans fréquence minimale d’épisodes. Cette absence de seuil en fait un essai plus représentatif de la vie courante, alors que les précédents essais OASIS- 1 et 2 incluaient uniquement des patientes ayant une fréquence élevée de SVM. Les patientes avec un cancer ou un antécédent de cancer dans les 5 ans étaient exclues.

La randomisation a réparti en proportions 1 :1 les patientes dans un bras expérimental (élinzanétant 120 mg 1 fois/j per os pendant 52 semaines) ou contrôle (prise de placebo). Le critère de jugement principal était le changement de fréquence des SVM modérés à sévères à la 12e semaine, selon les déclarations des patientes (suivi électronique). À l’issue de cette étude, les auteurs ont observé une diminution significative des SVM dans le groupe traité (en moyenne, - 1,6 épisode par jour par rapport au groupe placebo (IC 95 % = [- 2,0 ; - 1,1] ; p  0,001)). Les auteurs n’ont pas observé d’effets hépatotoxiques dans le groupe traité, malgré des élévations asymptomatiques des transaminases chez 6 personnes du groupe traitée (et 4 du groupe placebo), pour la plupart jugées sans lien avec l’étude.

... et dans l’hormonothérapie

OASIS- 4 s’est intéressé à l’effet d’élinzanétant sur la diminution des SVM non pas dans la ménopause, mais chez les femmes sous hormonothérapie pour un cancer du sein hormonodépendant. Cet essai randomisé de phase III contre placebo a été mené dans 90 sites en Europe, au Canada, au Kazakhstan et en Israël. Les femmes incluses avaient 18 à 70 ans, et des SVM modérés à sévères (au moins 35/semaine) associés à leur hormonothérapie. Les 474 participantes ont été randomisées en proportions 2 :1 dans le bras expérimental (120 mg élinzanétant 1 fois/jour per os pendant 52 semaines ; 50,8 ± 7,5 ans) ou dans le bras contrôle (placebo pendant 12 semaines, puis 120 mg élinzanétant 1 fois/jour per os pendant 40 semaines ; 51,5 ± 6,7 ans). Le critère de jugement principal était le changement dans la fréquence moyenne quotidienne des symptômes vasomoteurs modérés à sévères à la 4e semaine et à la 12e semaine.

En moyenne, les participantes avaient à l’inclusion 11,4 SVM/jour dans le bras expérimental, contre 11,5 SVM/jour dans contrôle. À la 4e semaine, les patientes du bras contrôle rapportaient en moyenne 3,5 épisodes de moins que le bras contrôle, soit une diminution significative. À la 12e semaine, cette différence entre groupes restait similaire (- 3,4 épisodes), et significative. Jusqu’à la 12e semaine, 69,8 % des participantes du groupe traité ont signalé un effet secondaire, contre 62,0 % du groupe placebo. Les effets indésirables graves ont touché 8 personnes du groupe traité (2,5 % du groupe) et 1 personne du groupe placebo (0,6 %). Cinq femmes, toutes du groupe traité, ont eu une élévation réversible des transaminases pendant le traitement, sans indice d’hépatotoxicité associée.

Bientôt en Europe ?

Ces deux études indiquent que l’élinzanétant est susceptible d’être une alternative au THM dans la ménopause, et un traitement des SVM dans l’hormonothérapie. Disponible au Canada et au Royaume-Uni depuis juillet, il pourrait prochainement être autorisée par la FDA américaine – qui a toutefois décidé d’allonger de 3 mois sa phase d’évaluation. De son côté, le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a adopté le 18 septembre un avis positif à son autorisation de mise sur le marché en Europe, dans le traitement des SVM modérés à sévères associés à la ménopause ou causés par une hormonothérapie adjuvante liée à un cancer du sein.

Références
Panay N, Joffe H, Maki PM, et al. Elinzanetant for the Treatment of Vasomotor Symptoms Associated With Menopause.  JAMA Intern Med 8 septembre 2025.
Cardoso F, Parke S, Brennan DJ, et al. Elinzanetant for Vasomotor Symptoms from Endocrine Therapy for Breast Cancer.  N Engl J Med 2025;393:753-63.
Pour en savoir plus :
Martin Agudelo L. Bouffées de chaleur : quelles alternatives au THM ?  Rev Prat (en ligne) 20 mai 2025.
Martin Agudelo L. Ménopause : un médicament non hormonal efficace contre les bouffées de chaleur.  Rev Prat (en ligne) 25 octobre 2024.
Martin Agudelo L. Fézolinétant : des lésions hépatiques graves (alerte ANSM).  Rev Prat (en ligne) 6 mai 2025.
Martin Agudelo L. Ménopause après cancer : une prise en charge spécifique.  Rev Prat (en ligne) 14 mars 2024.
Nobile C. THM : quels bénéfices/risques selon les dernières données ?  Rev Prat (en ligne) 14 juin 2022.
MawetM, PintiauxA, Chabbert-BuffetN. Ménopause.  Rev Prat Med Gen 2024;38(1091);470-6.

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