L’électrophorèse des protéines sériques permet de détecter une immunoglobuline monoclonale, une hyper- ou une hypogammaglobulinémie. En 2017, la Haute Autorité de santé a émis des recommandations pratiques concernant les indications de cet examen et la prise en charge d’une immunoglobulinémie monoclonale.1 L’Intergroupe francophone du myélome précise ici ces recommandations afin d’orienter le médecin généraliste face à la découverte d’un pic monoclonal (fig. 1 et 2).
MGUS, le plus souvent
Cette découverte correspond, dans la grande majorité des cas, à une simple anomalie biologique : on parle de gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS par ses sigles en anglais). Il convient alors, avant tout, de rassurer le patient en lui expliquant qu’il ne s’agit pas d’une vraie maladie et que le risque d’évolution est faible.
Pour conclure à une MGUS, il faut néanmoins s’assurer de l’absence de pathologie associée, par l’interrogatoire et l’examen clinique.
Quels examens complémentaires ?
Quelle que soit la taille du pic, les examens biologiques suivants doivent être réalisés :
- immunofixation (pour définir quel est le type de pic : IgG, IgA ou IgM) ;
- hémogramme ;
- créatininémie ;
- calcémie et albuminémie ;
- protéinurie sur échantillon avec ratio protéinurie/créatininurie et électrophorèse des protéines urinaires (la bandelette urinaire ne suffit pas).
Certains examens biologiques sont inutiles :
- la recherche d’une protéinurie dite de Bence-Jones (c’est-à-dire la recherche de chaînes légères sur les urines des 24 heures) est un examen non remboursé qu’il n’y a pas lieu de prescrire en première intention ;
- la réalisation systématique d’un dosage des chaînes légères libres sériques n’est pas validée ; cet examen n’est pas remboursé lorsqu’il est réalisé dans un laboratoire de ville ;
- le dosage pondéral des immunoglobulines n’est pratiquement jamais indiqué ;
- la bêta- 2 -microglobulinémie est inutile.
Démarche diagnostique initiale
Elle dépend de l’existence ou non d’anomalies cliniques ou biologiques associées et de la taille du pic monoclonal. L’éva-luation de la taille du pic doit être faite à partir du tracé de l’électrophorèse des protides sériques (fig. 3).
Le dosage pondéral des immunoglobulines n’intervient pas.
Pic monoclonal de petite taille
On parle de pic monoclonal de petite taille dans les cas suivants :
- pic IgG de moins de 10 à 15 g/L ;
- pic IgA ou IgM de moins de 5 à 10 g/L.
Il convient d’éliminer une gammapathie monoclonale « de signification clinique » (MGCS par ses sigles en anglais), bien qu’elle soit rare. La majorité de ces formes comportent une atteinte rénale. En outre, toute protéinurie composée d’au moins 30 % d’albumine doit faire évoquer ce diagnostic. Les autres organes les plus souvent concernés sont la peau et le système nerveux périphérique. Parfois, plusieurs organes sont touchés, comme dans l’amylose AL ou les cryoglobulinémies. L’amylose immuno-globulinique (amylose AL) a, parmi les MGCS, une gravité particulière qui justifie un diagnostic le plus précoce possible. Au moindre doute sur une atteinte cardiaque, le dosage de NT-pro-BNP est indiqué. Un myélome (ou une autre hémopathie) paucisécrétant reste possible mais constitue un cas très rare.
Pic monoclonal de grande taille
En cas de pic monoclonal de plus grande taille, il convient d’éliminer principalement :
- un myélome à IgG ou à IgA, beaucoup plus rarement à IgM ;
- une maladie de Waldenström ou une autre hémopathie lymphoïde de bas grade, surtout en cas de pic IgM.
Les principaux symptômes et anomalies biologiques et à l’imagerie pouvant faire évoquer ces pathologies sont décrits dans le tableau.
Quand réaliser une imagerie osseuse ?
Un scanner « corps entier » est aujourd’hui indiqué en remplacement des anciennes radiographies du squelette complet, insuffisamment contributives. Il ne doit pas être systématique, mais il est prescrit :
- s’il existe des douleurs osseuses, notamment rachidiennes, non calmées par le repos et les antalgiques de palier 1 ;
- en cas de pic IgG ou IgA de grande taille.
Il permet de rechercher les lésions lytiques évocatrices d’un myélome symptomatique.
En dehors de l’existence de douleurs osseuses, un pic IgM, quel qu’en soit le taux, ne nécessite pas d’imagerie osseuse. En revanche, la réalisation d’une étude échographique ou tomodensitométrique des aires ganglionnaires et splénique peut se discuter si le patient est symptomatique.
Quand adresser à l’hématologue ?
Le patient doit être adressé obligatoirement et rapidement à un hématologue ou un centre spécialisé dans tous les cas suivants :
- à chaque fois qu’un signe clinique ou biologique peut suggérer une MGCS, notamment en présence d’une protéinurie supérieure à 0,2 g/L ou un ratio protéinurie/créatininurie supérieur à 30 mg/mmol et d’autant plus si elle est constituée de plus de 30 % d’albumine ;
- présence de tout élément évoquant une amylose AL car son diagnostic précoce a une importance pronostique toute particulière ;
- pic de grande taille ;
- hypogammaglobulinémie ;
- présence d’un symptôme évoquant un myélome symptomatique, en particulier :
* douleurs osseuses ou présence d’anomalies radiologiques suspectes ;
* anémie ;
* hypercalcémie ;
* insuffisance rénale (même modérée) ;
- présence d’un symptôme évoquant une hémopathie lymphoïde, en particulier :
* adénopathies périphériques ou profondes, splénomégalie ;
* hyperlymphocytose (plus de 4 000 lymphocytes circulants/mm3) ;
* anémie, thrombopénie.
Au moindre doute, le médecin non hématologue doit solliciter un avis spécialisé, de préférence en consultation ou à défaut par téléphone, courriel ou télé-expertise. L’avis spécialisé peut aider à apaiser l’anxiété du patient et de son entourage, souvent notable au moment de la découverte du pic. Le rôle du spécialiste est de rassurer, après avoir vérifié que le pic monoclonal est bien asymptomatique.
En l’absence d’indication à une consultation spécialisée initiale, une surveillance clinique et biologique doit être instaurée : hémogramme, albuminémie, créatininémie, calcémie, protéinurie sur échantillon d’urines et électrophorèse des protides sériques, trois à six mois après la découverte initiale du pic, puis au moins une fois par an. L’absence de transformation de la MGUS nécessite d’être confirmée par cette surveillance. Le risque d’évolution vers un myélome, une hémopathie lymphoïde ou une MGCS est faible et stable au cours du temps : il est évalué à 1 % par an. Le suivi est assuré par le médecin généraliste, qui adresse le malade en milieu spécialisé dans les cas suivants :
- si apparaît l’un des critères précités ;
- si le taux du pic, évalué par des électrophorèses des protides sériques répétées (de préférence dans le même laboratoire) augmente de façon nette (plus de 5 g/L en moins d’un an). Cette augmentation doit être confirmée par deux examens séparés d’au moins trois mois.
Il convient, par ailleurs, de supplémenter toute carence en vitamine D et de mettre à jour le calendrier vaccinal de l’adulte.