Le monoxyde d’azote (NO) est un gaz d’origine trachéobronchique que l’on peut quantifier par la mesure de sa concentration fractionnaire (F) dans l’air expiré (e) par un test communément appelé FeNO. Ce test occupe aujourd’hui une place particulière dans le diagnostic et le suivi de l’asthme chez l’adulte, mais aussi chez l’adolescent et le jeune enfant (à partir de l’âge de 5 - 6 ans). L’intérêt de la FeNO réside dans son caractère non invasif par rapport aux autres examens explorant l’inflammation bronchique (expectoration induite, lavage broncho-alvéolaire). Il s’agit surtout d’un test facilement et rapidement réalisable permettant d’évaluer de façon indirecte mais quasiment immédiate l’existence et l’importance d’une inflammation de type 2 dans l’asthme à composante éosinophilique.
Principe du test et avantages
Le NO est un messager inter- et intracellulaire initialement connu pour ses propriétés de vasodilatateur d’origine endothéliale modulant le tonus vasculaire dans des situations physiologiques.1 Sa synthèse peut devenir excessive en réponse à des stimuli inflammatoires (cytokines pro-inflammatoires, radicaux libres dérivés de l’oxygène, virus, etc.) activant la NO synthase inductible (NOSi) normalement non exprimée en l’absence d’inflammation.2 Cela explique l’intérêt de la mesure de la concentration du NO dans des maladies inflammatoires, notamment celles caractérisées par une inflammation de type 2, comme l’asthme éosinophilique.2 La transcription du gène codant la NOSi est dépendante de l’activation d’un facteur de transcription, le NF-kappa B, que les glucocorticoïdes peuvent inhiber, expliquant l’intérêt de la mesure de la FeNO dans l’évaluation de l’efficacité et/ou de l’observance d’une corticothérapie orale et/ou inhalée dans l’asthme.3 Une corticothérapie efficace inhibe l’inflammation de type 2 et réduit la FeNO. À l’inverse, des valeurs élevées de FeNO suggèrent la persistance de l’inflammation des voies aériennes en relation avec soit une inefficacité du traitement, soit un défaut d’observance thérapeutique.3
Indications et recommandations internationales
Les recommandations internationales, notamment celles de la Global Initiative for Asthma (GINA) et de la Société européenne de pneumologie (European Respiratory Society [ERS]), identifient plusieurs situations dans lesquelles la mesure de la FeNO serait particulièrement utile, notamment au diagnostic de l’asthme lorsque les autres tests, comme la spirométrie, ne sont pas concluants, surtout chez les patients avec une inflammation éosinophilique, ou pendant le suivi du patient traité par corticostéroïdes inhalés (CSI). Des valeurs élevées de FeNO peuvent aussi présager la survenue prochaine d’une exacerbation de l’asthme, nécessitant une adaptation préventive de la posologie des CSI. Enfin, la mesure de la FeNO aide à identifier les patients éligibles à un traitement par biothérapies ciblant l’inflammation éosinophilique, telles que les anticorps monoclonaux anti-TSLP ou anti-IL- 4/IL- 13 (pour ces deux molécules, l’efficacité est d’autant meilleure que la FeNO est élevée, ce qui n’est pas le cas des anti-IL- 5).
FeNO et initiation du traitement par corticostéroïdes inhalés
Le comité d’experts internationaux de la GINA recommande d’utiliser la mesure de la FeNO pour soutenir la décision d’introduire un traitement par CSI chez des asthmatiques adultes non fumeurs. Ainsi, des valeurs de FeNO supérieures à 50 parties par milliard (parts per billion [ppb]) sont associées à une bonne réponse à court terme aux CSI.4 Cependant, les études n’ont fourni que des résultats à court terme et n’ont pas évalué le risque d’exacerbations à long terme. Par ailleurs, chez les patients asthmatiques obèses, l’association entre la FeNO et d’autres biomarqueurs de l’inflammation de type 2, comme les éosinophiles, est moins fiable. Des études sur douze mois, menées chez des patients ayant un asthme léger, ont montré que l’utilisation d’une corticothérapie inhalée en association avec du formotérol à faible dose à la demande réduisait les exacerbations sévères, indépendamment des niveaux de la FeNO. Ainsi, une FeNO élevée peut soutenir la décision d’initier un traitement par CSI, mais une FeNO basse n’est pas une raison suffisante pour ne pas initier un traitement par CSI. Les recommandations actuelles de la GINA insistent sur l’utilisation de CSI à faible dose, quotidiennement ou au besoin, en association au formotérol, afin de réduire le risque d’exacerbations sévères, quelle que soit la concentration de la FeNO.5
Limites et facteurs influençant la mesure de la FeNO
La physiopathologie de l’asthme est complexe, et le rôle de l’inflammation de type 2, bien que prépondérant, ne couvre pas toutes les formes d’inflammation dans l’asthme. L’interprétation de la FeNO, ainsi que de tout autre test, doit donc être faite avec précaution.
De plus, la FeNO peut être augmentée au cours des infections virales chez des sujets non asthmatiques.
À l’inverse, en cas d’asthme dont l’inflammation n’est pas de type 2, les valeurs de FeNO sont très souvent inférieures de20 ppb. De plus, la FeNO est plus basse chez les fumeurs, en cas de bronchoconstriction ou au début des réponses allergiques.
Perspectives en France et autres applications
En France, bien que la mesure de la FeNO soit de plus en plus souvent effectuée, notamment dans les services hospitaliers soutenus par des fonds de recherche publics et/ou industriels, son utilisation dans la pratique quotidienne reste limitée en raison de l’absence de remboursement. Cependant, les sociétés de pneumologie, tant en France qu’au niveau international, reconnaissent son utilité, dans les limites précisées plus haut, en complément des tests standard, pour personnaliser davantage les traitements de l’asthme.
Des études sont également en cours pour explorer d’autres applications de la mesure du NO expiré, telles l’évaluation de la concentration alvéolaire de NO (CaNO) dans les pneumopathies interstitielles et celle de la concentration fractionnaire du NO nasal (FnNO) dont les valeurs faibles, voire nulles, sont observées dans la dyskinésie ciliaire primitive.
Études et efficacité
Deux méta-analyses Cochrane récentes6,7 ont montré que la mesure du NO dans l’air expiré permet une meilleure adaptation du traitement en fonction de l’évolution de l’asthme et contribue à réduire la fréquence des exacerbations chez les adultes asthmatiques.
Usage limité malgré une évaluation précise de l’inflammation bronchique
La mesure de la FeNO est un outil précieux pour le diagnostic et le suivi de l’asthme chez l’adulte, offrant une évaluation précise de l’inflammation bronchique. Malgré son usage encore limité en France, principalement lié à l’absence de remboursement, son potentiel pour personnaliser le traitement de l’asthme en général, et de l’asthme sévère en particulier, est indéniable.
2. Förstermann U, Sessa WC. Nitric oxide synthases: Regulation and function. Eur Heart J 2012;33(7):829‑37, 837a‑837d.
3. Murugesan N, Saxena D, Dileep A, et al. Update on the role of FeNO in asthma management. Diagn Basel Switz 2023;13(8):1428.
4. Price DB, Buhl R, Chan A, et al. Fractional exhaled nitric oxide as a predictor of response to inhaled corticosteroids in patients with non-specific respiratory symptoms and insignificant bronchodilator reversibility: A randomised controlled trial. Lancet Respir Med 2018;6(1):29‑39.
5. Reddel HK, FitzGerald JM, Bateman ED, et al. GINA 2019: A fundamental change in asthma management: Treatment of asthma with short-acting bronchodilators alone is no longer recommended for adults and adolescents. Eur Respir J 2019;53(6):1901046.
6. Petsky HL, Kew KM, Turner C, et al. Exhaled nitric oxide levels to guide treatment for adults with asthma. Cochrane Database Syst Rev 2016;9(9):CD011440.
7. Petsky HL, Cates CJ, Kew KM, et al. Tailoring asthma treatment on eosinophilic markers (exhaled nitric oxide or sputum eosinophils): A systematic review and meta-analysis. Thorax 2018;73(12):1110‑9.
Dans cet article
- Principe du test et avantages
- Indications et recommandations internationales
- FeNO et initiation du traitement par corticostéroïdes inhalés
- Limites et facteurs influençant la mesure de la FeNO
- Perspectives en France et autres applications
- Études et efficacité
- Usage limité malgré une évaluation précise de l’inflammation bronchique