Depuis plusieurs années, les autorités sanitaires alertent sur la pratique – qui n’est plus nouvelle – d’usage détourné du protoxyde d’azote. Aux complications cardiaques et neurologiques connues s’ajoutent d’autres données qui ont poussé l’ANSM à lancer une nouvelle alerte.

Gaz employé en tant qu’analgésique en médecine et odontologie, mais aussi en cuisine en tant que gaz de compression, le protoxyde d’azote est un produit en vente libre (sauf pour les mineurs depuis 2021). Il est détourné à des fins récréatives, notamment pour la recherche d’un effet euphorisant par inhalation.

L’ANSM surveille cet usage détourné depuis 2013 au moyen d’une enquête d’addictovigilance menée par les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A). Cette dernière est complétée par l’analyse des données des centres antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV).

Types d’usages et conséquences

Cette utilisation détournée concerne principalement les jeunes adultes (< 35 ans), selon une enquête publiée par Santé publique France en 2023. L’âge moyen des consommateurs est de 22 ans et, en 2023, 10 % des signalements ont concerné des mineurs.

Depuis 2019 et de façon croissante, les enquêtes de l’ANSM ont mis une évidence des cas d’intoxications avec des complications aiguës, notamment neurologiques et cardiovasculaires, mais également des troubles de l’usage (dépendance), des symptômes psychiatriques anxieux, voire psychotiques, et des troubles du comportement.

Le nombre de signalements a été multiplié par 3 entre 2020 et 2023 ; sur cette même période, les cas graves rapportés en addictovigilance l’ont été par près de 4. En 2023, 30 % de cas de complications en plus ont été enregistrés par les CEIP-A par rapport à 2022 (472 signalements). Les CAP-TV ont, quant à eux, reçu 305 signalements en 2023, soit 20 % de plus que l’année précédente. Ces signalements :

  • confirment l’augmentation observée depuis quelques années du nombre de cas déclarés de complications associées au protoxyde d’azote ;
  • montrent une hausse des cas liés à un usage répété et prolongé (plus de 1 an) : parmi ces signalements d’abus, d’usage détourné et dépendance, 92 % font état d’une consommation de doses élevées et de bonbonnes de grand volume ; 50 % d’entre eux relatent une consommation quotidienne ;
  • montrent que la part des signalements concernant des femmes augmente ;
  • les cas d’abus, d’usage détourné et de dépendance sont rarement associés à la consommation d’autres substances.

En 2023, pour la première fois, les CEIP-A et CAP-TV ont reçu les signalements de deux nouveau-nés ayant des troubles neurologiques à la naissance dans un contexte d’usage détourné et répété du protoxyde d’azote par la mère pendant la grossesse.

Principaux risques

  • Troubles de l’usage (perte de contrôle de la consommation), dont des cas de dépendance ;
  • Troubles neurologiques : ils sont présents dans plus de 80 % des cas signalés à l’ANSM, dont 40 % sont des atteintes graves de la moelle épinière ou des nerfs périphériques. On retrouve : troubles sensitifs et/ou moteurs avec des engourdissements, des faiblesses musculaires, voire une perte de la capacité à marcher, douleurs nerveuses intenses, troubles de la coordination, troubles urinaires voire incontinence ;
  • Troubles cardiovasculaires : thromboses, d’évolution potentiellement fatale en cas d’embolie pulmonaire ;
  • Symptômes psychiatriques : hallucinations, épisodes délirants, troubles de l’humeur ;
  • Accidents graves, voire mortels : le protoxyde d’azote modifie les sensations et diminue les réflexes, ce qui peut entraîner des accidents si la personne conduit un véhicule après en avoir consommé (voiture, vélo, trottinette…).

En 2023, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a classé cette substance comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B sur proposition de l’Anses.

Recommandations pour les professionnels de santé

Les signes ou comportements – même isolé – qui doivent alerter sur une potentielle intoxication au protoxyde d’azote comprennent :

  • des symptômes neurologiques :
    • évocateurs d’une atteinte centrale de la moelle (myélopathie, sclérose combinée de la moelle) et/ou périphérique (paresthésie, hypoesthésie, déficits sensitivomoteurs, troubles de la marche, ataxie, etc.) ;
    • aspécifiques : céphalées, malaise, trouble cognitif, vertiges, etc.
  • des symptômes psychiatriques :
    • psychotiques ++ : hallucinations visuelles ou auditives, délire paranoïaque, etc. ;
    • comportementales : agitation, agressivité, etc. ;
    • anxieuses ;
    • thymiques, cognitives (« confusion », amnésie, etc.) ;
    • troubles de la vigilance : insomnie, inversion du rythme nycthéméral, etc.
  • des symptômes cardiovasculaires :
    • signes thrombotiques veineux ++ (TVP, EP, thrombophlébite cérébrale) ou artériels (AVC, SCA, etc.) ;
    • signes cardiaques : sensation d’oppression, de douleur thoracique, trouble du rythme cardiaque, etc. ;
  • des traumatismes ou chutes : accidents de la voie publique, brûlures…

Une prise en charge symptomatique adaptée doit être proposée avec, dans la mesure du possible, un accompagnement.

En cas de suspicion de consommation importante avec dépendance : orienter le patient vers une prise en charge addictologique, notamment par le biais de l’équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) en cas d’hospitalisation.

Contacter le centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance addictovigilance ou le centre antipoison (01 45 42 59 59).

Une fiche d’aide au diagnostic et à la prise en charge d’une intoxication au protoxyde d’azote (mise à jour le 16/04/2025) est disponible sur ce lien.

Encadre

Que dire aux patients ?

En cas de consommation de protoxyde d’azote :xyde

  • si vous ressentez des engourdissements dans les bras et les jambes, une sensation de brûlure ou de décharge électrique, des picotements, une perte du toucher, des difficultés à marcher ou à bouger, consultez un professionnel de santé ou contactez votre centre antipoison (01 45 42 59 59) ;
  • si vous ou quelqu’un de votre entourage a une sensation de malaise, des difficultés à respirer ou des troubles de la conscience, contactez rapidement un numéro d’urgence (urgence médicale au 112, Samu au 15, pompiers au 18).

Si vous êtes enceinte ou souhaitez l’être, ne consommez pas de protoxyde d’azote : ce produit pourrait également faire courir des risques à votre futur enfant.

En cas de dépendance :

  • Si vous (ou l’un de vos proches) rencontrez des difficultés à contrôler et/ou à arrêter votre consommation, parlez-en à votre médecin ou à une structure spécialisée dans la prise en charge des addictions (CSAPA) ou à un centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance addictovigilance.
  • Les consultations jeunes consommateurs (CJC) proposent aux consommateurs de moins de 25 ans et leur entourage un service, gratuit et confidentiel, d’accueil, d’écoute, de conseil et, si nécessaire, une orientation.
  • En complément, « Drogues info service » est le service national d’aide à distance en matière de drogues et de dépendances de Santé publique France. Il a une mission d’information, de conseils, de soutien et d’orientation du public (www.drogues-info-service.fr ou au 0 800 23 13 13, 7 jours/7, de 8 h à 2 h, appel anonyme et gratuit).
Pour en savoir plus
ANSM. Le « procto », des cas d’intoxicaton toujours en augmentation. 18 avril 2025.
À lire aussi :
Martin Agudelo L. CBD et protoxyde d’azote : hausse de la consommation en France.  Rev Prat (en ligne) 2 novembre 2023.
Martin Agudelo L. Usage détourné du protoxyde d’azote : conduite à tenir.  Rev Prat (en ligne) 20 janvier 2023.

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