L’édition 2025 des recos sanitaires pour les voyageurs vient d’être publiée. Comme chaque année, le Haut Conseil de la santé publique les a actualisées en fonction de la situation épidémiologique nationale et internationale, des recos médicales et de l’arrivée de nouveaux vaccins... Une fiche avec ce qu’il faut retenir, algorithmes décisionnels et liens utiles à l’appui.

Vaccinations

Outre les recommandations générales (v. calendrier vaccinal 2025) – et notamment les nouvelles recos 2025 concernant la vaccination contre les méningocoques –, certaines nouveautés concernent spécifiquement les voyageurs. Elles sont détaillées ci-après.

Arboviroses

La prévention de l’infection par le virus de la dengue et celui du chikungunya repose sur les mesures de protection personnelle antivectorielle (PPAV, v. encadrés 1 et 2) et désormais sur la vaccination en fonction de la situation épidémiologique dans la zone concernée par le voyage, de la durée de séjour, de l’âge du voyageur et de la présence éventuelle de comorbidités.

Chikungunya

Une épidémie de chikungunya a sévi au premier semestre de cette année dans l’île de La Réunion (plus de 50 000 cas, en diminution actuellement). Des cas autochtones ont été détectés dans l’Hexagone (8 cas recensés au 24 juin) : « Une telle précocité dans la saison d’activité du moustique et un nombre aussi élevé d’épisodes n’avaient jamais été observés jusqu’à présent », a déclaré Santé publique France (le moustique tigre vecteur est présent dans la majorité du territoire français). Dans le monde, cette année, la région des Amériques – en particulier le Brésil – est celle ayant rapporté le plus grand nombre de cas de chikungunya, suivie du sous-continent indien (v. ici surveillance de l’ECDC).

Deux vaccins contre le chikungunya ont actuellement l’AMM européenne :

  • Ixchiq  (vaccin vivant atténué) : utilisé en réponse à l’épidémie à La Réunion, mais désormais contre-indiqué pour les plus de 65 ans à la suite d’effets indésirables graves. Il peut être envisagé pour les moins de 65 ans avec comorbidités voyageant à destination d’une zone épidémique ou s’expatriant dans une zone de circulation récente de ce virus.
  • Vimkunya (vaccin non vivant) : pour les voyageurs se rendant dans les zones d’épidémie, le HCSP le recommande pour les moins de 65 ans avec comorbidités. Il peut également être envisagé chez les moins de 65 ans sans comorbidités et chez les plus de 65 ans.

Dengue

L’incidence de la dengue est en forte augmentation ces dernières années, surtout dans la région des Amériques et en Asie-Pacifique (v. ici surveillance de l’ECDC).

Le vaccin Qdenga  (vivant atténué) est actuellement disponible, recommandé chez certains voyageurs à partir de 6 ans. La stratégie vaccinale varie selon l’âge, les comorbidités à risque de dengue grave (drépanocytose, autres hémoglobinopathies, HTA compliquée, diabète, obésité, insuffisance rénale, affections cardiopulmonaires chroniques et/ou thrombocytopathie), ainsi que l’épidémiologie de la zone du voyage ; elle est synthétisée dans l’algorithme décisionnel en fig. 1 ci-contre.

Le vaccin est contre-indiqué chez les immunodéprimés et les femmes enceintes ou allaitantes.

Les voyageurs doivent être informés lors de la consultation :

  • de l’absence de données d’immunogénicité et d’efficacité au-delà de 60 ans (une étude est en cours) ;
  • d’une immunogénicité et d’une efficacité moindre vis-à-vis des sérotypes DENV- 3 et DENV- 4, en particulier chez les sujets séronégatifs pour la dengue ;
  • du risque non excluable de dengue sévère chez les séronégatifs vaccinés exposés à DENV- 3 et DENV- 4 ;
  • du délai nécessaire avant d’obtenir une protection vaccinale, de 2 semaines minimum après la 1re dose ;
  • de la nécessité d’appliquer les mesures de PPAV (encadrés 1 et 2), y compris chez les personnes vaccinées.

Mpox

La vaccination est recommandée pour certains voyageurs en fonction du profil de risque et/ou de la situation épidémiologique de la zone du séjour (v. algorithme décisionnel en fig. 2 ci-contre).

Deux vaccins sont actuellement disponibles : Imvanex et Jynneos (identiques et interchangeables).

Actualisations sur la circulation de maladies infectieuses

Maladies d’importation potentiellement graves et à risque épidémique (BHRe, fièvres hémorragiques virales, grippes zoonotiques, IIM…) : une liste actualisée sur la prévention et la conduite à tenir (symptômes évocateurs, signalement, mesures de contrôle du risque de dissémination…) est disponible en annexe 7 des recos (pp. 233 - 242).

Dengue, chikungunya, Zika et Oropouche : des cartes d’incidence dans le monde pour 2024 - 2025 sont disponibles en annexe 6 (pp. 224 - 232). L’augmentation du nombre de cas d’infections par le virus Oropouche depuis 2024 et le risque de malformations fœtales associé ont motivé l’inclusion d’un chapitre dans les recos voyageurs, résumé dans notre article dédié ici avec des algorithmes de prise en charge ; attention : le voyage des femmes enceintes ou susceptibles de le devenir est déconseillé en zone épidémique.

Paludisme : les cartes d’incidence actualisées sont disponibles en annexe 5 (pp. 213 - 223). Cette maladie ne recule plus dans les zones d’endémie depuis une dizaine d’années, voire augmente depuis 2020. En France, on estime qu’il y a eu, en 2024, 6 000 cas de paludisme d’importation (stable par rapport à 2023), la majorité dus à Plasmodium falciparum. Près de 90 % sont survenus chez des personnes originaires d’Afrique subsaharienne, résidant en France et voyageant en zone d’endémie, dits voyageurs VFR (« visiting friends and relatives  »). Il est donc important d’insister sur la PPAV et la chimioprophylaxie antipaludique auprès de ces patients qui négligent souvent la prévention, croyant être déjà protégés contre le paludisme (v. encadrés 1, 2 et 3, et notre vidéo « Paludisme d’importation : gare aux idées reçues ! »). Enfin, une fièvre survenant dans les 3 mois suivant le retour de zone endémique doit faire évoquer systématiquement un paludisme.

Rougeole : en raison de recrudescences de rougeole – notamment en Amérique du Nord –, une attention particulière doit être portée aux voyageurs, qui doivent être à jour de leur vaccination. Une troisième dose est recommandée aux personnes ayant reçu une des deux doses avant l’âge de 1 an.

Poliomyélite : la liste des pays où circulent les poliovirus sauvages ou dérivés de souches vaccinales est disponible sur ce lien (actualisée semaine par semaine). Un algorithme d’aide à la décision vaccinale en cas d’obligation par le RSI (règlement sanitaire international) est disponible en p. 57 des recos.

Tuberculose : liste actualisée des pays à forte incidence (≥ 40/100 000 habitants/an) disponible en annexe 3 (pp. 185 à 187).

Nouveautés sur les risques liés à l’environnement et aux animaux

Les risques d’envenimation terrestre (morsures de serpents, scorpions, araignées…) et marines (cnidaires, échinodermes, poissons, coquillages…) sont actualisés et repris en détail en annexe 8 des recos (p. 243 - 250).

L’angiostrongylose a été incluse cette année parmi les risques liés à la consommation d’animaux. Cette maladie parasitaire due à un nématode (Angiostrongylus cantonensis) est décrite progressivement dans le monde entier (endémique en en Chine, en Asie du Sud-Est, Australie et dans les îles de l’océan Pacifique). Elle peut être à l’origine de pathologies neurologiques à type de méningite et/ou encéphalite à éosinophiles, d’évolution souvent favorable chez l’adulte, mais potentiellement grave, en particulier chez l’enfant. En prévention : s’abstenir de consommer certains plats exotiques à base de poissons ou d’invertébrés crus ou peu cuits et/ou de crudités.

Encadre

1. Moyens recommandés de protection personnelle antivectorielle (PPAV)

Moustiquaire imprégnée d’insecticide (pour lit, berceau ou poussette) ; moustiquaires grillagées aux fenêtres et aux portes.

Répulsifs cutanés sur les parties du corps non couvertes (v. encadré 2), en complément du port de vêtements amples, couvrants et légers.

Mesures d’appoint : diffuseur électrique d’insecticide à l’intérieur et pulvérisation intradomiciliaire de « bombes » insecticides (mais à limiter pour ceux à base de pyréthrinoïdes et à éviter dans les chambres où séjournent petits enfants et femmes enceintes), raquettes électriques, climatisation et ventilation, serpentin fumigène (extérieur), imprégnation des vêtements par le DEET et l’IR3535 (mais l’imprégnation de vêtements par des pyréthrinoïdes, dont perméthrine, n’est plus recommandée depuis 2022).

Encadre

2. Répulsifs recommandés pour la protection contre les piqûres d’arthropodes

Répulsifs autorisés ou en cours d’évaluation en Europe

  • DEET (N,N-diéthyl-m-toluamide) 30 - 50 % ; pour les enfants : 10 % entre 1 et 2 ans, 30 % à partir de 2 ans ; femmes enceintes : ≤ 30 % (uniquement en zone à risque élevé).
  • IR3535 (N-acétyl-N-butyl-β-alaninate d’éthyle) 20 - 35 % ; enfants : 10 à 20 % entre 6 mois et 2 ans 35 % à partir de 2 ans ; femmes enceintes : ≤ 20 %.
  • Icaridine ou picaridine ou KBR3023 (carboxylate de sec-butyl 2 -[2 -hydroxyéthyl] pipéridine- 1) 20 - 25 % ; enfants : 10 à 25 % à partir de 24 mois ; femmes enceintes : ≤ 20 %.
  • Huile d’Eucalyptus citriodora , hydratée, cyclisée (produit naturel dont le dérivé de synthèse est le PMD ou para-menthane- 3,8 diol ; à ne pas confondre avec l’huile essentielle d’Eucalyptus) 10 - 30 %. Enfants : pas avant 3 ans. Femmes enceintes : ≤ 10 %.

Attention : tous ces produits sont contre-indiqués avant l’âge de 6 mois.

Conseils d’utilisation

  • Préférer les répulsifs en crème ou lotion aux répulsifs en spray (risque d’inhalation) ; si utilisation de sprays : ne pas pulvériser directement sur la peau, appliquer d’abord sur les mains, puis sur la peau.
  • Appliquer sur la peau exposée uniquement, et pas sur celle qui est sous les vêtements (sauf au niveau des chevilles : appliquer même en cas de port de chaussettes).
  • Respecter un intervalle d’au moins 20 minutes entre l’application préalable de crème solaire et celle du répulsif ; après la baignade, réappliquer le répulsif dans la limite du nombre maximal d’applications quotidiennes recommandé.
  • Lorsqu’il n’y a plus de risque, laver la peau avec de l’eau et du savon (par exemple, avant le couchage si l’on dort sous moustiquaire).
Encadre

3. Paludisme : quand prescrire une chimioprophylaxie antipaludique ?

PPAV +/- CPAP selon le niveau de risque

La prévention du paludisme repose en premier lieu sur la protection personnelle antivectorielle (PPAV), qui peut suffire dans les situations à faible risque : séjour < 7 jours, uniquement en zone de transmission faible ou modérée et en contexte de séjour exposant à un faible niveau de transmission (v. ci-après).

Une chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) doit y être associée dans des situations à risque modéré à élevé. Elle doit être adaptée individuellement au voyageur selon le type de séjour et ses conditions de déroulement (zones visitées, durée et saison du séjour, conditions d’habitat, type d’activités…) et le profil du voyageur (âge, grossesse, comorbidités, interactions médicamenteuses…), les données épidémiologiques et le rapport bénéfices-risques [vi. ci-après].

Attention : parmi les voyageurs VFR, le coût des mesures de prévention est souvent un frein important à leur application (la CPAP n’est pas remboursée par la Sécu). Il est ainsi recommandé de prioriser la CPAP par rapport aux autres médicaments de la trousse du voyageur prescrite et d’être attentif au prix de cette dernière.

CPAP : quels patients ?

En pratique, les séjours sont classés en deux profils :

  • « conventionnel » : courte durée (< 1 mois), majoritairement en zone urbaine ou sur des sites touristiques classiques ;
  • « non conventionnel » (routards, militaires, séjour improvisé, VFR, humanitaire, chercheurs…) : durée > 1 mois, nombre élevé de nuitées en zone rurale, hébergements précaires, périple pendant la saison des pluies ou dans une région de forte transmission palustre.

Dans tous les cas, le praticien doit identifier, à partir des caractéristiques du voyage, un niveau de risque et le confronter au profil du voyageur, au risque d’effets indésirables graves des antipaludiques et au choix du patient :

  • la CPAP est toujours nécessaire en cas de risque élevé de transmission (ex : Afrique subsaharienne ; v. liste exhaustive des indications de la CPAP selon les pays dans l’annexe 4, pp. 188 - 212 des recos) ;
  • si le risque d’effets secondaires graves est plus important que le risque de transmission du paludisme (dans la plupart des régions touristiques d’Asie et d’Amérique du Sud) en cas de séjours conventionnels, il est légitime de ne pas prescrire de CPAP ;
  • certains voyageurs doivent toujours être considérés à risque de paludisme grave : femmes enceintes, nourrissons et enfants de moins de 6 ans, personnes âgées, personnes infectées par le VIH, sujets aspléniques ;
  • situations complexes : se référer aux centres de vaccinations internationales.

Les schémas prophylactiques et contre-indications sont listés dans le tableau 11, p. 91 des recos.

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