La stéatose hépatique métabolique est devenue la principale cause de maladie chronique du foie. Malgré les progrès récents dans l’évaluation et la prise en charge, le diagnostic est souvent posé à un stade tardif. Cette pathologie chronique peut être gérée en grande partie en ville. Un article du BMJ propose une démarche pragmatique en soins primaires.

La stéatose hépatique est associée à un risque de maladies du foie et extrahépatiques. Pour améliorer la prise en charge en soins primaires, un article paru le 13 novembre 2025 dans le BMJ passe en revue les progrès récents dans l’évaluation et le traitement.

Évolution de l’épidémiologie et diagnostic

Selon la nouvelle nomenclature, le terme de stéatose hépatique couvre aujourd’hui la MASLD (Metabolic dysfunction-associated steatotic liver disease), dont la prévalence en population générale est d’environ 30 %,et la maladie hépatique liée à l’alcool (> 5 verres/j pour les femmes et > 6 verres/j pour les hommes ; prévalence de 0,7 %).

La MASLD est considérée comme la manifestation hépatique du syndrome métabolique, bien que sa pathogenèse ne soit pas complètement élucidée. L’accumulation lipidique hépatique est favorisée par l’insulinorésistance et des habitudes de vie défavorables. Les modifications pro-inflammatoires du microbiote intestinal seraient associées à l’aggravation de la stéatose vers l’inflammation et la fibrose.

Le diagnostic de MASLD repose selon le consensus européen de 2024 sur la présence d’une stéatose hépatique (imagerie ou histologie) et d’un critère métabolique (surpoids/obésité, prédiabète ou diabète, dyslipidémie athérogène, hypertension artérielle) associés à une consommation faible d’alcool (< 2 verres/j chez la femme, < 3 verres/j chez l’homme), en l’absence d’autre cause de stéatose.

Par ailleurs, compte tenu de la synergie entre dysfonctionnement métabolique et alcool, on parle de MetALD (Metabolic dysfunction and alcohol-associated liver disease) chez des patients ayant à la fois une stéatose d’origine métabolique et une consommation d’alcool au-dessus des recommandations (2 - 5 verres/j chez la femme, 3 - 6 verres/j chez l’homme). Sa prévalence est de 2 %, bien que ce chiffre soit probablement sous-estimé en raison d’une sous-déclaration de la consommation d’alcool, d’où l’intérêt d’évaluer cette dernière régulièrement.

Le spectre histologique de la MASLD va de la simple stéatose (> 5 % des hépatocytes avec inflammation minime ou absente) à la stéatohépatite métabolique (MASH), caractérisée par stéatose, inflammation lobulaire et dégénérescence des hépatocytes.

Pourquoi diagnostiquer la MASLD ?

La mortalité globale est plus élevée chez les patients atteints de MASLD que dans la population générale. Toutefois, certains cliniciens s’interrogent sur l’intérêt de diagnostiquer la MASLD, étant donné que les maladies cardiovasculaires demeurent la principale cause de mortalité dans cette population. Pourtant, la fibrose liée au MASLD augmente le risque de mortalité hépatique, souvent silencieuse jusqu’aux stades terminaux. De plus, la MASLD est associée à un surrisque de cancers extrahépatiques, de diabète de type 2 et de maladie rénale chronique.

Ainsi, identifier une MASLD pourrait constituer un « amplificateur » de risque cardiovasculaire, à l’instar de la maladie rénale chronique ou du diabète dans les décisions thérapeutiques. Le diagnostic de MASLD impose donc d’étendre la prévention au-delà du foie.

Des investigations en 2 étapes

Chez les patients avec stéatose, l’évaluation de la fibrose hépatique est le meilleur marqueur du risque hépatique. Les auteurs décrivent une approche en 2 étapes en soins primaires  :

Étape 1 : score FIB- 4

Calculé à partir de 3 paramètres biologiques simples – les transaminases ASAT/ALAT, les plaquettes et l’âge –, le FIB- 4 est un test non invasif et peu coûteux qui permet d’exclure une fibrose avancée (s’il est < 1,3). Il doit être calculé tous les 2 - 3 ans chez les patients à risque.

Étape 2 : test complémentaire dans le risque intermédiaire

En cas de résultat ≥ 1,3, il faut adresser le patient au spécialiste pour des examens complémentaires.

Si le FIB- 4 est indéterminé ou intermédiaire (entre 1,3 et 2,67, ce qui concerne 43 - 51 % des patients), un 2e test non invasif est recommandé pour affiner la stratification du risque :

  • mesure de l’élasticité hépatique par élastographie impulsionnelle à vibration contrôlée (Fibroscan) ; une LSM < 8 kPa permet d’exclure une fibrose avancée ;
  • si cette technique n’est pas disponible, les recommandations proposent comme alternative le test sanguin ELF (Enhanced liver fibrosis), basé sur des biomarqueurs liés au collagène.
 

À l’issue de cette démarche, il faut adresser tous les patients classés à risque intermédiaire ou élevé à un hépatologue pour des investigations complémentaires (élastographie par IRM, biopsie hépatique, etc.).

Des tests ciblés plutôt qu’un dépistage généralisé

En soins primaires, la stéatose est souvent découverte de façon fortuite à l’imagerie ou devant des anomalies persistantes du bilan hépatique. Un éditorial du même numéro du BMJ soulève la question des bilans hépatiques demandés sans hypothèse diagnostique claire, générant un grand nombre de résultats anormaux, rarement réévalués ou laissés inexpliqués. De plus, les seuils des tests non invasifs de fibrose ont été établis dans des cohortes avec forte prévalence de fibrose avancée ; appliqués à des populations non triées, leur valeur prédictive positive diminue, générant de nombreux faux positifs.

Ainsi, le dépistage généralisé n’est pas recommandé. Les spécialistes s’accordent sur le fait qu’il faut cibler les personnes les plus à risque. Toutefois, la définition de cette catégorie varie selon les différentes guidelines. Il semble y avoir un consensus sur un dépistage en cas de :

  • diabète de type 2 ;
  • obésité (générale ou abdominale) et au moins un autre facteur de risque métabolique ;
  • élévation persistante des aminotransférases (ALAT > 33 UI/L chez les hommes, > 25 UI/L chez les femmes) pendant ≥ 6 mois, confirmée par deux tests espacés d’au moins 4 semaines.
 

Si seul le troisième critère est présent, il convient d’exclure les autres causes de stéatose hépatique avant d’explorer la MASLD.

Prise en charge en soins primaires

Cette pathologie chronique peut être gérée en grande partie en ville. L’intervention sur le mode de vie est la pierre angulaire du traitement.

Une perte de poids ≥ 5 % est recommandée en cas de surpoids ou d’obésité. Chez les patients à poids normal, une perte de poids de 3 à 5 % peut suffire à réduire la stéatose hépatique, améliorer le risque CV et le contrôle glycémique.

Cependant, les auteurs reconnaissent qu’atteindre ces objectifs est difficile – notamment en soins primaires – et qu’un accompagnement prolongé, idéalement pluridisciplinaire, est souvent nécessaire.

Place de l’activité physique

L’activité physique réduit la stéatose indépendamment de la perte de poids, en améliorant la sensibilité à l’insuline et la gestion des nutriments. L’exercice aérobie et de résistance sont recommandés (≥ 150 min/semaine d’activité physique modérée, ou ≥ 75 min/semaine d’activité intense) pour réduire la graisse hépatique et limiter les facteurs de risque cardiométaboliques.

Le rôle décisif de l’alimentation

Les recommandations insistent sur la réduction de la consommation des aliments ultratransformés riches en sucres simples et graisses saturées, sur l’éviction des boissons sucrées au fructose, et encouragent la consommation d’aliments sains : fruits, légumes, légumineuses, fruits à coque, huile d’olive, viandes maigres (volaille) et poissons. Le régime méditerranéen est à privilégier.

Les guidelines européennes découragent toute consommation d’alcool, lerisque de fibrose hépatique augmentant de manière dose-dépendante, et recommandent l’arrêt du tabac (risque accru de carcinome hépatocellulaire).

La consommation de café (avec ou sans caféine) est associée à un effet protecteur sur la fibrose. En l’absence de CI, les recos américaines autorisent ≥ 3 tasses/j.

En cas d’échec

Lorsque les mesures hygiénodiététiques sont insuffisantes, un traitement pharmacologique peut être envisagé pour ralentir l’évolution de la MASLD. Il repose sur l’optimisation du traitement des comorbidités (diabète, obésité), et sur des médicaments ciblant la stéatose et la fibrose :

 

Enfin, la chirurgie bariatrique, proposée en cas d’obésité sévère (IMC ≥ 40 kg/m²) et dans certaines situations d’obésité avec IMC inférieur, permet de résoudre la stéatohépatite, d’améliorer la fibrose, et de réduire la mortalité CV et oncologique.

Références
Musso G, Lassen A, Banda L, et al. Diagnosis and management of metabolic dysfunction associated steatotic liver disease.  BMJ 2025;391:r1928.
Jarvis H. Identifying and managing liver disease in primary care.  BMJ 2025;391:r2332.
Pour en savoir plus :
Nobile C. NAFLD/NASH : chez qui prescrire un FIB-4 ? quand adresser ?  Rev Prat (en ligne) 30 novembre 2023.
Mallordy F. Insuffisance cardiaque : le score FIB-4 prédit la mortalité.  Rev Prat (en ligne) 6 décembre 2024.
Martin Agudelo L. Stéatose hépatique métabolique : découverte de deux formes différentes.  Rev Prat (en ligne) 19 décembre 2024.
Stéatose hépatique métabolique : des nouveautés. Rev Prat (en ligne) 6 juin 2025.

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