Deux essais randomisés ont comparé le traitement médical seul de la sténose carotidienne asymptomatique à une revascularisation, par stent ou endartériectomie. Publiés dans le NEJM, leurs résultats redéfinissent la prise en charge.

Face à une sténose carotidienne (sténose ≥ 50 % selon la méthode NASCET) asymptomatique, la Société européenne de cardiologie (ESC) préconise dans ses dernières recommandations (2024) une première approche par traitement médical visant à diminuer le risque d’évènements cardiovasculaires (CV) [selon les profils, avec des antiagrégants, antithrombotiques, antihyperglycémiants, antihypertenseurs, et/ou hypolipémiants], associé à des modifications du mode de vie (alimentation saine, activité physique, éviter alcool et tabac, etc.).

Quand la sténose est de 60 - 99 %, une revascularisation peut être envisagée en plus du traitement médical, selon l’âge et l’espérance de vie du patient, son risque chirurgical et la présence de facteurs de risque élevé d’AVC (précédent d’AVC/AIT controlatéral, infarctus silencieux homolatéral ou sténose qui progresse à l’imagerie, etc.). Dans ce cas, la technique interventionnelle favorisée est généralement l’endartériectomie , suivie du stenting carotidien par voie fémorale et de la TCAR (un nouveau type de stenting par voie transcarotidienne).

Cependant, les progrès récents dans les différentes options thérapeutiques rendent incertaine la stratégie à préférer face à une sténose carotidienne asymptomatique, notamment lorsqu’elle est serrée (NASCET ≥ 70 %).

Deux essais randomisés menés en parallèle

Ainsi, une équipe internationale de chercheurs a mené deux essais randomisés en parallèle dans 155 centres, répartis dans cinq pays (Australie, Canada, Espagne, États-Unis, Israël). Le premier a évalué l’endartériectomie associée à un traitement médical intensif par rapport au traitement médical intensif seul, tandis que le deuxième a fait de même pour le stenting carotidien par voie fémorale.

Les patients ont été recrutés suivant les mêmes critères dans les deux études : âge ≥ 35 ans, sténose carotidienne NASCET ≥ 70 % ; exclusion en cas de : antécédent de AVC/AIT/cécité monoculaire transitoire dans le territoire irrigué par la carotide dans les 180 jours précédant la randomisation, handicap lié à un précédent AVC, angor instable, fibrillation atriale nécessitant des anticoagulants.

Le traitement médical intensif reposait sur la gestion des facteurs de risque CV (pression artérielle, LDL, glycémie) et sur des mesures hygiéno-diététiques (tabagisme, poids excessif, inactivité physique).

Les personnes incluses ont réalisé des visites de suivi 12 h et 36 h après l’éventuelle revascularisation, puis à 44 jours, 4 mois, 8 mois, 12 mois après la randomisation ; ensuite, tous les 6 mois jusqu’au 48e mois post-inclusion. Le critère de jugement principal était composite : AVC ou décès péri-opératoire dans les 44 jours post-randomisation et AVC ischémique homolatéral sur le reste du suivi.

Le stenting associé à un risque plus faible

Les résultats sont parus le 21 novembre 2025 dans le NEJM, assortis d’un éditorial contextualisant leur portée. En tout, 1 245 patients ont été randomisés dans l’essai stenting avec un suivi médian de 3,6 ans, tandis que 1 240 patients ont été randomisés dans l’essai endartériectomie (suivi médian = 4,0 ans). Les cohortes des deux essais avaient des caractéristiques démographiques et des profils de risque similaires, par ailleurs proches à ceux de la population ayant une sténose carotidienne asymptomatique.

Dans l’essai stenting, le critère composite était atteint chez 6,0 % (IC95 % : 3,8 - 8,3 %) des patients sous traitement médicamenteux seul, mais chez 2,8 % (1,5 - 4,3 %) des patients stentés, soit une différence de risque significative (3,2 % [0,6 - 5,9 %] ; p = 0,02).

Dans l’étude endartériectomie, le critère composite se retrouvait chez 5,3 % (3,3 - 7,4 %) des patients seulement sous médicaments, contre 3,7 % (2,1 - 5,5 %) des patients opérés, soit une différence non significative.

Les deux interventions diffèrent aussi du traitement médical par le moment de survenue du composite, en péri-opératoire. Du jour 0 au jour 44, dans l’essai stenting, aucun décès ni AVC n’est survenu chez les patients sous médicaments seuls, contre 7 AVC et 1 décès dans le groupe stenté. Dans l’essai endartériectomie, 3 AVC ont eu lieu sous médicament seuls, contre 9 AVC chez les opérés.

Les auteurs concluent que l’addition du stenting aux médicaments a mené à un risque plus faible du critère composite – un bénéfice qui n’était pas retrouvé avec l’endartériectomie.

L’avantage du stenting à relativiser

Dans l’éditorial associé à la publication, deux spécialistes félicitent les investigateurs pour la réalisation de ce double essai majeur, dont les résultats font progresser la pratique en complétant ceux des précédents travaux de plus petite envergure SPACE- 2 et ECST- 2. « On peut conclure qu’il n’y a plus de rôle pour l’endartériectomie en routine dans la sténose carotidienne asymptomatique », affirment-ils.

Pour autant, les experts considèrent que « la vigilance est requise » face à la tentation d’adopter largement le stenting dans la sténose carotidienne asymptomatique. En effet, toute la question est de savoir si le bénéfice du stenting à 4 ans justifie l’augmentation du risque en période péri-opératoire – sachant que pour 100 patients opérés par stenting, 1 va décéder ou avoir un AVC des suites de la procédure, et 1 patient par an va éviter un AVC (soit 4 patients en bénéficiant sur la période de suivi de 4 ans, versus 95 procédures « inutiles »).

De plus, alors que les médecins ayant participé à l’essai étaient particulièrement compétents et expérimentés dans le stenting carotidien, l’analyse statistique des résultats montre que la supériorité du stenting sur les médicament seuls est de faible ampleur (il aurait suffi de 3 AVC/décès supplémentaires dans le groupe stenting pour que le critère composite soit similaire à celui du groupe avec médicaments seuls). Un stenting réalisé par une équipe moins qualifiée pourrait donc suffire à limiter les bénéfices de cette intervention.

Enfin, de nouvelles options pharmacologiques (par exemple, les médicaments hypocholestérolémiants anti-PCSK9) permettent d’intensifier encore plus le traitement médicamenteux par rapport à ce qui a été fait dans l’essai.

Revasculariser en cas de symptômes

Les experts concluent leur éditorial en considérant qu’il est raisonnable de conseiller aux patients atteints d’une sténose carotidienne asymptomatique de « commencer immédiatement un traitement médical intensif et de retarder la revascularisation jusqu’à l’apparition des symptômes, qui ne surviennent que chez une faible proportion de patients. Des exceptions peuvent être faites pour les patients qui préfèrent prendre le risque d’une revascularisation ou qui ne peuvent pas suivre un traitement médical. » Si elle est disponible, « la pose d’un stent serait le choix approprié » d’intervention.

De prochains essais seront nécessaires pour mieux identifier les patients chez qui des symptômes finissent par se développer – la piste la plus prometteuse étant de faire une IRM des plaques d’athérome carotidiennes –, ainsi que pour évaluer la place dans la stratégie thérapeutique du nouveau stenting par voie transcarotidienne (TCAR).

Références
Brott TG, Howard G, Lal BK, et al. Medical Management and Revascularization for Asymptomatic Carotid Stenosis. N Engl J Med 21 novembre 2025.
Brown MM, Bonati LH. Managing Asymptomatic Carotid Stenosis.  N Engl J Med 21 novembre 2025.
Pour en savoir plus :
Martin Agudelo L. AVC par sténose carotidienne : faut-il revasculariser ?  Rev Prat (en ligne) 22 avril 2025.
Mallordy F. Athérosclérose carotidienne : bouger réduit l’instabilité des plaques.  Rev Prat (en ligne) 13 mai 2025.

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