Tatouage permanent
Un tatouage permanent peut engendrer différents effets indésirables comme de rares eczémas de contact, des infections locales, des cicatrices chéloïdes et des troubles sensoriels, accompagnés de douleurs persistantes.
Une composition complexe
Ces dernières années, la composition des encres a évolué avec une diminution de la concentration en métaux lourds au profit de pigments organiques et azoïques. En 2019, une étude révèle la présence de 44 pigments parmi 1 416 encres permanentes analysées ; 10 d’entre eux contiennent des éléments métalliques tels que le zinc, le baryum, le cuivre, le fer et le molybdène. Les 34 autres colorants, d’origine non métallique, incluent notamment des anthraquinones, de la dioxazine (violet) et de la quinophtalone (jaune). Un quart de tous ces pigments peut être responsable d’eczéma de contact (figure).
L’eczéma de contact peut apparaître tardivement
La réaction allergique provoquée par un tatouage permanent est liée à un mécanisme immunitaire retardé de type IV. Elle peut survenir les jours suivants, mais aussi se manifester jusqu’à sept ans plus tard.
Les substances potentiellement responsables sont :
- les pigments eux-mêmes ;
- les métaux lourds présents dans l’encre, comme l’oxyde de fer, le chrome ou le cobalt dans les encres vertes ;
- le polyéthylène glycol, le polyvinyle pyridone et les métacrylates utilisés pour lier les pigments ;
- le propylène glycol ;
- des conservateurs comme les isothiazolinones et les libérateurs de formaldéhyde ;
- des parfums ajoutés aux encres.
Les pigments les plus souvent mis en cause sont (par ordre décroissant) : le rouge, le noir, le bleu, le jaune, le vert. Sous l’effet des UV, on observe parfois une photoaggravation des réactions cutanées initiales ou même leur déclenchement. Plusieurs types de réactions histologiques ont été décrits : lichénoïde, pseudolymphomateuse… Attention : face à une réaction lichénoïde, il faut rechercher un lichen plan cutané ou muqueux.
Les limites des patch-tests
Après l’interrogatoire, des patch-tests sont effectués avec la batterie standard. Cependant, leur lecture reste difficile avec les encres utilisées, en raison de la faible pénétration des pigments sous la peau et du manque de précision quant aux composants indiqués sur les étiquetages des produits. En 2024, une publication rapporte, par exemple, le cas d’une femme de 30 ans ayant des antécédents d’allergie à la PPD (paraphénylène diamine) contenue dans les teintures capillaires. Deux semaines après avoir fait un tatouage, elle a eu une réaction très sévère d’eczéma de contact évoluant vers l’ulcération et nécessitant, dans un deuxième temps, une greffe de peau. Il s’avère que l’encre contenait de la PPD, dont la présence n’avait pas été signalée sur l’étiquetage.
Que faire ?
Le traitement de l’eczéma de contact sur un tatouage repose initialement sur l’application de corticoïdes locaux de classe forte, idéalement sous occlusion. Dans certains cas, des infiltrations de corticoïdes sont envisagées. Lorsque les lésions persistent malgré ces traitements, le retrait du tatouage peut être envisagé, parfois suivi d’une greffe cutanée.
Maquillage semi-permanent : des risques similaires à ceux des tatouages définitifs
Le maquillage semi-permanent connaît un succès croissant depuis plusieurs années, en particulier le « microblading », réalisé sur le visage pour redessiner des sourcils, des lèvres ou créer un trait d’eye-liner sur les paupières.
Cette technique utilise des pigments organiques ou minérauxconsidérés à tort comme sûrs, pouvant engendrer des irritations ou des allergies cutanées. Après un microblading des sourcils, si une réaction cutanée survient, il est recommandé, même si les patchs-tests sont négatifs, de rechercher une sarcoïdose cutanée locale voire une atteinte systémique. Un risque d’uvéite existe. Cette méthode étant également utilisée pour la pigmentation du cuir chevelu en cas d’alopécie, des réactions cutanées sont aussi possibles sur cette localisation. À noter que le microblading a une longévité estimée d’un à trois ans.
Crème post-tatouage
Les recommandations en matière de soins et d’hygiène après un tatouage sont variables. L’application de crèmes à base de dexpanthénol (dérivé de la vitamine B5) est souvent préconisée. Or elle peut être à l’origine d’eczéma ou d’urticaire de contact, dont la fréquence semble augmenter ; en effet, le taux de résultats positifs aux patch-tests au panthénol est passé de 0,2 - 0,7 % à 1,2 % en quelques années. Cela incite à l’intégration du patch-test au panthénol dans la batterie standard.
Dermopigmentation réparatrice
Appelée également tatouage médical, la dermopigmentation est une solution esthétique complémentaire à la reconstruction mammaire après un cancer du sein. Elle permet de recréer l’aréole afin de favoriser une réappropriation corporelle des patientes.
Elle doit être effectuée par un professionnel formé à cette technique. Grâce à la loi 2025 - 106 du 5 février 2025, l’Assurance maladie finance intégralement les actes de dermopigmentation réparatrice, ainsi que l’ensemble des soins et dispositifs prescrits et remboursables (mais le décret d’application n’est pas encore publié).
Les effets indésirables potentiels sont ceux du tatouage classique. La présence de cicatrices peut modifier la couleur du pigment et son aspect. La peau fragilisée par les traitements (chirugie et/ou radiothérapie) devient plus réactive, raison pour laquelle un délai de plusieurs moisest requis après la chirurgie avant d’envisager la dermopigmentation.
Les tatouages éphémères aussi !
Les tatouages éphémères noirs à base de henné ne sont pas si anodins. En effet, les produits utilisés sont souvent constitués de henné additionné illégalement de PPD (paraphénylènediamine) pour les rendre plus sombres. Ce composant déclenche, chez les personnes sensibilisées, un eczéma de contact parfois sévère. En quelques jours, voire en 24 à 48 heures, surviennent, au niveau du site d’application, un prurit féroce associée à une éruption érythémateuse et vésiculeuse ou bulleuse. Ces lésions cutanées évoluent sur plusieurs semaines en l’absence de traitement, laissant la place à des lésions cicatricielles.
Ces réactions ont tendance à survenir chez des personnes ayant déjà eu des réactions aux teintures capillaires à base de PPD. Cette substance est également présente dans les vêtements noirs ou comme additif du caoutchouc dans de nombreux objets de teinte foncée (poignée de fer à repasser, pneus…). De plus, elle est également incriminée dans l’eczéma du visage lié à l’utilisation de masques chirurgicaux noirs. Chaque année, l’ANSM alerte et met en garde les utilisateurs contre ces possibles effets.
Par ailleurs, les nouveaux tatouages éphémères à base de Jagua peuvent aussi provoquer un eczéma de contact, à cause de la Génépine contenue dans le fruit de Jagua.
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