Agitation, agressivité, irritabilité, désinhibition, symptômes dépressifs… on sait aujourd’hui que ces symptômes apparaissent souvent dès la phase initiale des maladies neurocognitives et ont un impact sur le pronostic. D’où l’importance d’une prise en charge précoce. Mais quelles sont les mesures non pharmacologiques qui ont fait leurs preuves ? Quelle place pour les médicaments ? Focus sur les toutes nouvelles recos des sociétés savantes de gériatrie.

De nouvelles recommandations sur les symptômes psychologiques et comportementaux (SPC) dans les maladies neurocognitives viennent d’être publiées par la Société française de gériatrie et gérontologie, en collaboration avec la Fédération des Centres Mémoire et la Société francophone de psychogériatrie et psychiatrie de la personne âgée.

Ce qui change par rapport aux recommandations de la HAS datant d’il y a 15 ans : l’accent est mis sur l’anticipation et la prévention. Alors que ces dernières portaient sur la gestion des SPC « perturbateurs » à des stades avancés de la démence, la progression des connaissances ces dernières années a permis de comprendre que ces symptômes non seulement peuvent apparaître dès les phases initiales des maladies neurocognitives, mais aussi qu’ils peuvent avoir un retentissement négatif sur la progression de ces dernières – d’où l’importance des soins précoces.

De quoi s’agit-il ?

Les SPC désignent des symptômes très variés : idées délirantes, hallucinations, symptômes dépressifs, anxiété, agitation et agressivité, irritabilité, désinhibition, comportements moteurs aberrants, troubles des conduites instinctuelles (alimentation et sommeil)…

Ils peuvent apparaître à n’importe quel moment de l’évolution de maladies neurocognitives telles que la maladie d’Alzheimer, la démence à corps de Lewy, les dégénérescences lobaire fronto-temporales ou la démence d’origine vasculaire, en parallèle du déclin cognitif et fonctionnel propre à ces pathologies. D’évolution fluctuante et imprévue, les SPC touchent plus de la moitié des patients atteints de ces maladies – une proportion encore plus importante chez les personnes institutionnalisées.

Outre leur retentissement sur la qualité de vie des patients et aidants, les SPC sont aussi associés à une accélération du déclin cognitif et à une progression plus rapide de la maladie du stade prodromal au stade démentiel et du stade précoce au stade sévère. Leur prise en charge précoce est donc essentielle.

Traitements non médicamenteux : en première ligne

Les mesures non pharmacologiques, essentielles et préconisées par toutes les guidelines internationales et nationales, sont au cœur de ces recommandations. Il s’agit d’interventions thérapeutiques ou ludiques (occupationnelles) sur la qualité de vie, le langage, la cognition, la motricité ou la stimulation sensorielle, etc.

Après une revue de la littérature scientifique parue ces dernières années sur l’efficacité de diverses pratiques, les experts de ces sociétés savantes proposent celles ayant les plus hauts niveaux de preuve.

Caractériser la situation pour une approche personnalisée

Avant de mettre en place une intervention de ce type, une évaluation selon l’approche « DICE » est préconisée :

  • Décrire : caractériser et contextualiser le comportement, en communication avec l’aidant.
  • Investiguer : enquête étiologique avec examen du patient et de son environnement ; diverses échelles pour caractériser ces troubles sont disponibles pp. 169 à 176 des recos : l’inventaire neuropsychiatrique NPI, l’échelle NPI-C-IPA spécifique à l’agitation ou l’échelle d’agitation de Cohen-Mansfield, l’inventaire du déclin comportemental léger MBI-C.
  • Créer un plan de soins personnalisé avec l’aidant et l’équipe soignante.
  • Évaluer par la suite l’efficacité des interventions, surveiller l’évolution des symptômes, adapter le plan de soins.

Les experts recommandent de personnaliser les interventions en fonction des troubles (certaines techniques sont plus adaptées à certains symptômes, v. tableau), à l’histoire de vie du patient, à ses préférences, aspirations et habiletés, en privilégiant un regard pluridisciplinaire. L’activité doit toujours être encadrée par un(e) professionnel(le) qualifié(e), et le consentement du patient recueilli auparavant.

Quelles techniques ont fait leurs preuves ?

Sur la base de plus de 2 000 articles scientifiques, le groupe de travail a conclu que les interventions les plus étudiées et ayant, à ce jour, le niveau de preuves le plus élevé sont :

  • l’activité physique adaptée (APA) : des référentiels de prescription de l’APA sont disponibles sur le site de la HAS ;
  • la musicothérapie : en groupe ou individuelle, elle existe sous forme active (permettant de jouer d’un instrument, de participer à des improvisations musicales, en lien ou non avec une APA comme la danse, à des ateliers de chant) et sous forme réceptive-passive (impliquant seulement l’écoute de la musique) ;
  • par ailleurs, pour les aidants, les interventions de sensibilisation, de formation ou d’éducation ont montré leur efficacité pour la gestion des SPC de leurs proches : apprentissage d’attitudes de communication, de techniques de résolution de problèmes causant ou exacerbant les SPC ; formation sur les troubles cognitifs, psychologiques et comportementaux ; sessions de psychoéducation ou TCC avec la dyade aidant-patient. La HAS a récemment publié des recommandations spécifiquement destinées aux aidants.

D’autres interventions, comme les thérapies assistées par l’animal, l’art-thérapie, les interventions occupationnelles (c’est-à-dire toute forme d’activité participative permettant à la personne de prendre soin d’elle-même), les thérapies assistées d’outils numériques ou encore des thérapies complémentaires comme l’acupuncture, disposent aujourd’hui d’un faible niveau de preuves. Toutefois, les auteurs insistent sur le fait que même en l’absence de preuves scientifique de son intérêt, ces approches peuvent être intéressantes dans la pratique clinique en fonction de chaque situation.

Le tableau ci-contre résume ces différentes interventions, avec les indications spécifiques et les « posologies ».

Un guide pratique sur ces interventions non médicamenteuses a été publié par la Fondation Médéric Alzheimer et peut être téléchargé sur ce lien.

Quelle place pour les médicaments ?

Les traitements pharmacologiques ne sont pas la règle dans la prise en charge des SPC.

En raison de leur faible efficacité, des problèmes graves de tolérance et d’un niveau de preuves limité dans ces indications, les médicaments psychotropes – notamment les psychotiques, qui sont le plus souvent employés dans ces cas – restent des choix de seconde ligne. En effet, aucune molécule n’a encore démontré une efficacité robuste associée à une tolérance satisfaisante pour le traitement des SPC.

En fonction de chaque situation et des symptômes, les recommandations détaillent longuement les différents traitements pharmacologiques envisageables, les posologies, contre-indications et précautions.

« Aujourd’hui, la prise en soins des symptômes psychologiques comportementaux des maladies neurocognitives reste un véritable défi en raison de leur hétérogénéité », concluent les auteurs des recommandations. Elle doit être extrêmement personnalisée, prenant en compte les particularités du patient, de ses aidants et de l’environnement, et privilégiant les traitements non médicamenteux et ceux ciblant les aidants.

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