Certains traitements médicamenteux peuvent aggraver les effets de la déshydratation ou des coups de chaleur, en particulier chez les patients âgés ou ayant des pathologies chroniques. Synthèse des recos de l’ANSM pour adapter les traitements.

Certains médicaments (v. tableau ci-contre) peuvent contribuer à l’aggravation des états pathologiques graves induits par la chaleur – déshydratation et coup de chaleur –, soit parce qu’ils provoquent des troubles de l’hydratation et/ou des troubles électrolytiques (diurétiques), soit parce qu’ils altèrent la fonction rénale (AINS, IEC, ARAII, autres médicaments néphrotoxiques…). Il faut aussi prendre en considération ceux dont le profil cinétique peut être affecté par la déshydratation (sels de lithium, antiépileptiques…), ceux qui perturbent la thermorégulation du corps, voire induisent une hyperthermie (neuroleptiques…) et, enfin, ceux qui peuvent aggraver les effets de la chaleur, en abaissant la pression artérielle ou en altérant la vigilance (antihypertenseurs, psychotropes…).

Toutefois, dans la plupart des cas, un médicament, lorsqu’il est bien utilisé, ne représente pas un risque à lui tout seul : d’autres facteurs de risque sont à prendre en considération (âges extrêmes, pathologies chroniques, handicap, dépendance et/ou isolement) pour bien conseiller vos patients et proposer les mesures de prévention et de suivi adaptées en cas de vague de chaleur.

Enfin, certains médicaments peuvent aussi être responsables de réactions de photosensibilisation, requérant une vigilance et une prise en charge particulières (v. encadré 1 ci-dessous).

Une vidéo pour les patients (les « bons réflexes ») est disponible sur le site de l'ANSM.

Comment adapter les traitements ?

L’adaptation d’un traitement médicamenteux en cours doit être considérée au cas par cas : aucune règle générale ou systématique ne peut être proposée pour la modification, diminution ou arrêt des schémas posologiques en cas de forte chaleur.

C’est au terme d’une évaluation individuelle qu’une adaptation particulière du traitement, si elle est justifiée, peut être envisagée, en tenant compte de la pathologie traitée, du risque de syndrome de sevrage et d’effet indésirable, et en s’assurant que tous les bons réflexes (rafraîchissement, aération, hydratation, etc.) sont correctement suivis.

Pour cette évaluation individuelle, l’ANSM recommande, en particulier, de :

  • procéder à un examen complet de l’état d’hydratation (clinique, apports hydriques, poids, fréquence cardiaque, pression artérielle, bilan ionogramme complet avec créatininémie et clairance de la créatinine) avant de prendre toute décision thérapeutique ;
  • dresser la liste des médicaments pris par le patient en identifiant ceux qui pourraient altérer l’adaptation de l’organisme à la chaleur (v. tableau) ;
  • réévaluer l’intérêt de chacun des médicaments et supprimer tout médicament qui apparaît soit inadapté, soit non indispensable (en particulier ceux susceptibles d’altérer la fonction rénale).
 

Elle préconise, de façon générale :

  • d’éviter la prescription d’AINS (aspirine, AINS classiques, inhibiteurs de la COX- 2), qui sont particulièrement néphrotoxiques en cas de déshydratation ;
  • en cas de fièvre, d’éviter la prescription de paracétamol, inefficace pour traiter le coup de chaleur, voire dangereux (possible aggravation de l’atteinte hépatique souvent présente) ;
  • en cas de prescription de diurétique, de vérifier que les apports hydriques et sodés sont adaptés.
 

Enfin, rappeler aux patients de ne prendre aucun médicament sans avis médical, y compris ceux délivrés sans ordonnance (paracétamol et AINS, par exemple, peuvent aggraver les symptômes du coup de chaleur).

Des conseils relatifs aux lecteurs de glycémie font également l'objet de fiches ANSM (v. encadré 2 ci-dessous).

Conservation des médicaments : quels conseils donner ?

Dans tous les cas : éviter d’exposer les médicaments au soleil et veiller à ne pas les exposer trop longtemps (même dans un emballage isotherme), à des températures élevées (coffres ou habitacles de voiture exposées au soleil, par exemple).

Lorsqu’aucune condition de conservation n’est indiquée sur la boîte, le médicament est stable, même en cas d’exposition prolongée à des fortes chaleurs. Il n’y a donc aucune précaution particulière à prendre.

Médicaments à conserver à une température inférieure à 25 °C ou 30 °C

Les médicaments pour lesquels est indiquée une conservation à une température inférieure à 25 °C ou inférieure à 30 °C peuvent être conservés dans leur rangement habituel en cas vague de fortes chaleurs de quelques jours.

En effet, le dépassement ponctuel, de quelques jours à quelques semaines, de ces températures n’a pas de conséquence sur la stabilité ou la qualité de ces médicaments.

Pour les médicaments biologiques (insuline, somatropine...) en présentation multidose qui se conservent hors du réfrigérateur après ouverture, à des températures ne dépassant pas 25 °C ou 30 °C : en cas d’exposition à des températures supérieures, il est recommandé de se rapprocher – éventuellement avec l’aide d’un pharmacien – du laboratoire dont le nom et les coordonnées figurent sur l’emballage extérieur et la notice du médicament.

Pour le transport de ces médicaments, l’utilisation d’un emballage isotherme non réfrigéré est recommandée.

Médicaments à conserver entre + 2 et + 8 °C

Ces médicaments sont, quoiqu’il arrive, conservés habituellement au réfrigérateur : la canicule n’aura donc pas de conséquence sur leur stabilité (contrôler régulièrement la température du réfrigérateur).

Cependant, une fois sortis du réfrigérateur, veiller à les utiliser assez rapidement pour éviter de les laisser trop longtemps dehors ; le cycle « froid-chaud » n’est pas recommandé pour ces produits fragiles.

Pour les transporter, on recommande l’utilisation d’un emballage isotherme réfrigéré (par exemple muni d’accumulateurs de froid), tout en veillant à ce qu’ils ne soient pas congelés.

Cas particuliers

Pour certaines formes pharmaceutiques particulières (suppositoires, ovules, crèmes...) sensibles à la chaleur, l’aspect du produit à l’ouverture permet de juger relativement facilement du maintien de la qualité après exposition à la chaleur.

Tout produit dont l’apparence est visiblement modifiée ne devrait pas être utilisé : cette altération de l’aspect extérieur pourrait indiquer une modification des propriétés de la forme pharmaceutique (indépendamment de la qualité de la substance active).

Encadre

1. Médicaments et soleil : risque de photosensibilisation

Deux types de réaction

La photosensibilisation médicamenteuse est une réaction exagérée ou anormale de la peau due à l’interaction entre une exposition aux rayonnements UV (naturels ou artificiels) et à un médicament dit photosensibilisant (qui agit comme un chromophore, molécule responsable d’un changement de couleur en réponse à une excitation lumineuse).

Il en existe deux types : la phototoxicité, due aux propriétés chimiques du médicament, et la photoallergie, véritable réaction allergique médicamenteuse (plus rare et moins bien documentée). Le plus souvent, la phototoxicité est liée à des traitements systémiques, tandis que la photoallergie l’est à des produits topiques.

Une liste des principaux médicaments impliqués dans ces réactionsest disponible sur le site de l’ANSM. Elle n’est pas exhaustive, les molécules photosensibilisantes étant très nombreuses. Une liste plus longue est aussi disponible sur le site de la Société française de dermatologie

Pour en savoir plus (signes, distinction entre les deux réactions, conduite à tenir) : lire notre article dédié « Médicaments et soleil : phototoxicité ou photoallergie ? »

Que dire à vos patients ?

Si vous prenez un traitement médicamenteux, lisez la partie 2 de la notice« Quelles sont les informations à connaître avant de prendre le médicament ? », pour savoir s’il interagit avec le soleil, et demandez conseil à votre médecin ou pharmacien.

Si c’est le cas :

  • évitez l’exposition au soleil, même en cas de soleil voilé, ou aux UVA en solarium pendant toute la durée du traitement et plusieurs jours après son arrêt, voire plus longtemps jusqu’à l’élimination complète du médicament de votre organisme ;
  • protégez-vous du soleil par le port de vêtements couvrants, d’un chapeau, etc. et appliquez une crème solaire de haute protection (indice 50) ;
  • en cas d’apparition d’une réaction cutanée (rougeur, démangeaison…) : arrêtez immédiatement votre traitement et consultez un médecin.
D’après
ANSM. Votre traitement en cas de fortes chaleurs. 9 juillet 2024 (mis à jour le 19 juin 2025).
ANSM. Bon usage et conservation des produits de santé en cas de vague de chaleur. 15 juin 2022.
Pour en savoir plus 
Martin Agudelo L. Canicule : les bons réflexes.Rev Prat (en ligne) 14 juin 2022.

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