Abus (physiques, émotionnels, sexuels), négligences (physiques, émotionnelles), dysfonctionnements familiaux (violences, problèmes de santé mentale ou physique, incarcération d’un membre de la famille, séparation ou divorce des parents)… La prévalence d’exposition aux expériences négatives vécues pendant l’enfance varie entre 50 et 70 % dans des pays comparables à la France. Les conséquences sur la santé sont lourdes : perturbations comportementales et émotionnelles, risques accrus de troubles de la santé mentale, de prise de risque sur le plan sexuel, de problèmes sociaux, mais aussi de maladies chroniques et de décès précoce…
À l’inverse, des interactions positives durant les premières années de vie (échanges affectifs, stimulation verbale et sensorielle…) permettent un renforcement de la résilience et de la capacité à gérer les émotions.
Dans un avis publié fin septembre 2025, le conseil scientifique du CNGE a donc proposé un repérage systématique de ces expériences négatives comme prévention précoce et efficace des troubles de la santé mentale.
Repérer de façon proactive
Les expériences négatives vécues pendant l’enfance sont rarement des motifs de consultation, mais sont associées dans près d’un cas sur trois à des troubles de la santé mentale (dépression, anxiété, état de stress post-traumatique, etc.). Ils nécessitent donc une démarche proactive de repérage et d’accompagnement.
Des questionnaires validés peuvent aider le médecin dans son entretien clinique, mais leur utilisation est parfois longue pour la pratique courante (ACE BRFSS, questionnaire ACE-IQ, questionnaire CTQ). Une annexe à l’avis du CNGE donne des informations et ressources complémentaires sur l’utilisation de ces questionnaires.
L’identification de ces situations permet d’orienter les prises en charge en limitant le risque de médication précoce et inefficace faute d’approche globale.
Deux périodes charnières
Deux périodes de plus grande vulnérabilité sont à prendre en compte selon le CNGE :
- en périnatalité : la compréhension des milieux de vie et de la situation sociale des patients est primordiale. Elle comprend l’évaluation du bien-être et de la santé mentale des parents ainsi que l’évaluation de la qualité de la relation du bébé et de ses parents après la naissance. Les entretiens prénataux précoces (dès 16 SA) et postnataux précoces (entre 4 et 8 semaines postpartum) sont des consultations clés pour le repérage de vulnérabilités psychologiques et sociales ;
- pendant l’enfance et l’adolescence : l’objectif est de soutenir le bien-être des jeunes, leur parcours scolaire, les liens sociaux, la parentalité, etc. Les médecins généralistes peuvent s’aider du carnet de santé pour dépister un mal-être de l’enfant, des symptômes dépressifs ou anxieux, des conduites à risque, un sentiment d’harcèlement, des troubles du sommeil ou encore des modifications familiales récentes. « Des ressources pratiques y sont également proposées (numéros verts, dispositifs d’accompagnement), ainsi que des conseils destinés aux parents pour les aider dans le repérage des difficultés éventuelles de leur enfant », précise le CNGE.
CNGE. Annexe – événements négatifs pendant l’enfance.
Pour en savoir plus :
Académie nationale de médecine. Maltraitance physique chez l’enfant. 30 avril 2024.
Santé publique France. Maltraitance intrafamiliale envers les enfants et les adolescents : renforcer les connaissances scientifiques pour mieux guider l’action publique. 31 mars 2023.
Santé publique France. Les interactions précoces de qualité, rempart essentiel contre les expériences négatives de l’enfance. 15 mai 2024.
Martin Agudelo L. Maltraitance infantile : objectif repérage. Rev Prat 20 mai 2025.
Picherot G, Vabres N, Fleury J, et al. Item 57 – Maltraitance et enfants en danger. Rev Prat 2024;74(9):1031-8.
Martin Agudelo L, Mallordy F. Maltraitance infantile : 7 facteurs de risque identifiés. Rev Prat (en ligne) 23 mai 2024.
BalençonM, EinaudiM-A, PinelJ, et al. Unités d’accueil pédiatriques enfants en danger. Rev Prat (en ligne) 2022;36(1072):502-5.
Angély C. Éviter la double peine des enfants victimes. Rev Prat Med Gen 2025;39(1097):214-6.