Même si l’âge de la mère lors de la première naissance recule en Europe et aux États-Unis, la majorité des femmes après 40 ans ont besoin d’un moyen de contraception efficace et adapté. Certains points essentiels sont à aborder avec la patiente avant la prescription d’une contraception :1
- la fertilité, même si elle est diminuée, ne doit pas être considérée comme nulle ;
- la sexualité des femmes de plus 40 ans est active et le risque d’infections sexuellement transmissibles existe ;
- en France, le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) augmente chaque année dans la tranche d’âge 40 - 44 ans (7,6 pour 1 000 femmes en 2022 contre 5,8 en 1990) et reste stable pour les femmes de 45 à 49 ans (0,7 pour 1 000 femmes en 2022).2 Le recours à l’IVG est plus fréquent par rapport au moindre nombre de grossesses à cet âge ;
- les risques d’une grossesse ne sont pas à négliger (fausses couches précoces, anomalies chromosomiques, risques obstétricaux…) ;
- les risques vasculaires augmentent avec l’âge tant du point de vue artériel (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ischémique, hypertension artérielle) que veineux (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire). Un syndrome métabolique est également à rechercher, puisqu’il est associé à un risque majoré de morbi-mortalité cardiovasculaire ;
- la contraception doit s’adapter aux éventuelles pathologies bénignes mammaires et/ou utérines (adénomyose, myomes…) ;
- le risque de cancers gynécologiques (sein, ovaire, endomètre) est évoqué, puisqu’il augmente également avec l’âge.
Les différentes sociétés savantes internationales ne contre-indiquent aucune contraception sur la seule base de l’âge. Il est cependant recommandé d’établir une balance bénéfices-risques lorsque l’on prescrit une contraception après l’âge de 40 ans en tenant compte des facteurs de risque associés à l’âge (vasculaire et métabolique principalement).1
Selon le dernier Baromètre santé, plus de 30 % des femmes françaises utilisent un dispositif intra-utérin (DIU) après 40 ans alors que la pilule est de moins en moins prescrite. Seulement 8 à 11 % des femmes bénéficient d’une contraception définitive. Avec l’âge, de plus en plus de femmes n’utilisent plus de contraception (de 7 à 19 %).3
Contraception œstroprogestative, pas en première intention
La contraception œstroprogestative (COP) n’est pas et ne doit pas être la contraception la plus utilisée après l’âge de 40 ans. Il s’agit d’une prescription de deuxième voire de troisième intention en raison du risque vasculaire et métabolique majoré à cet âge. Elle ne doit être prescrite qu’en l’absence formelle de facteur de risque vasculaire ou métabolique (tabac, surpoids/obésité, migraine avec aura, dyslipidémie, diabète, hypertension artérielle, thrombophilie biologique connue, antécédents familiaux au premier degré d’accident thromboembolique veineux avant 50 ans et/ou artériel avant 55 ans chez un homme et 65 ans chez une femme) quels que soient la voie d’administration, le dosage et les molécules utilisées.
Chez une patiente sans facteur de risque, utilisant déjà une COP, celle-ci peut être poursuivie car elle présente des bénéfices non contraceptifs intéressants (régularité des cycles, diminution des ménorragies et des dysménorrhées…).4 Il n’a pas été retrouvé dans la littérature de supériorité d’un type de COP durant cette tranche d’âge. Il faut privilégier les COP contenant du lévonorgestrel ou du norgestimate, ou des COP contenant un œstrogène plus naturel.5
Une réévaluation annuelle de la prescription doit être réalisée afin d’apprécier l’apparition de facteur de risque vasculaire et/ou métabolique qui contre-indiquerait alors le renouvellement (interrogatoire précis, examen clinique avec mesure du poids et de la pression artérielle). La fréquence de réalisation du bilan métabolique ne doit pas être modifiée après 40 ans (tous les 5 ans).
Contraception microprogestative en première intention
Devant l’absence d’impact de la contraception microprogestative sur les paramètres vasculaires, métaboliques et osseux, elle peut être proposée en première intention après l’âge de 40 ans (voie orale ou implant).1 Son principal inconvénient est, comme pour les autres tranches d’âge, les troubles du cycle, avec des métrorragies. Les patientes peuvent également signaler des symptômes liés à une hyperestrogénie (mastodynies) ou une hyperandrogénie (acné, séborrhée). Une étude comparant une pilule contenant 4 mg de drospirénone à une pilule à base de désogestrel 75 µg montre une meilleure tolérance sur le profil des saignements avec la drospirénone chez des femmes ayant des facteurs de risque (âge supérieur à 35 ans, tabac, surpoids).6
Néanmoins, la contraception microprogestative (quel que soit son type) ne permet pas de traiter les signes liés à la carence œstrogénique qui peuvent apparaître dans la deuxième partie de la périménopause.
Macroprogestatifs dans des cas particuliers
Les macroprogestatifs n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché dans l’indication « contraception » mais peuvent éventuellement être prescrits après l’âge de 40 ans chez certaines patientes à risque vasculaire ne tolérant pas d’autres contraceptions, ou en cas de pathologies gynécologiques nécessitant une action antigonadotrope forte. Désormais, les deux molécules encore disponibles en France sont la médrogestone (5 mg) et l’acétate de nomégestrol (5 mg). Leurs règles de prescription et de surveillance sont néanmoins très strictes en raison du risque accru de méningiome.7
Les macroprogestatifs sont efficaces contre les signes d’hyperœstrogénie, et leur tolérance métabolique est correcte. Leurs principaux effets indésirables sont les spottings ou métrorragies par atrophie endométriale et une éventuelle prise de poids.
Acétate de médroxyprogestérone, à éviter dans de nombreuses situations
Très peu utilisé en France, l’acétate de médroxyprogestérone (DMPA) est le seul progestatif disponible sous forme injectable à la dose de 150 mg pour une efficacité de trois mois. En raison de son impact négatif au niveau vasculaire (majoration du risque thromboembolique veineux), glucidique et osseux, il est contre-indiqué chez les femmes avec des facteurs de risque vasculaire et/ou d’ostéoporose.1 De plus, il augmente le risque de méningiome.7
Privilégier les dispositifs intra-utérins
Le dispositif intra-utérin (DIU) est le contraceptif de longue durée d’action à privilégier après l’âge de 40 ans, en raison de son efficacité et sa tolérance.1 Le choix du type de DIU dépend du souhait de la patiente et du contexte clinique.
DIU au cuivre
Le DIU au cuivre a l’avantage d'être non hormonal mais peut provoquer une exacerbation des douleurs pelviennes et des ménorragies. Posé après l’âge de 40 ans, il peut être laissé en place jusqu'à la ménopause, quel que soit le modèle, car son efficacité est prolongée au-delà de cinq ans.
DIU au lévonorgestrel
Le DIU au lévonorgestrel est privilégié en présence de ménorragies, dysménorrhée. En effet, la littérature a largement démontré l’efficacité du modèle contenant 52 mg de lévonorgestrel sur la diminution du volume des saignements et sur l’amélioration de la qualité de vie.8 Il reste efficace pendant huit ans dans l’indication contraception et cinq ans dans l’indication ménorragies fonctionnelles. De plus, il n’a pas d’impact sur le risque vasculaire ni sur la densité minérale osseuse. Posé après l’âge de 45 ans, il peut être laissé en place jusqu’à l’âge de 55 ans.
Méthodes barrières et naturelles
Les préservatifs sont les seuls à protéger contre le risque d’infections sexuellement transmissibles, qu’il ne faut pas négliger, même après l’âge de 40 ans. Pourtant, d’après le dernier Baromètre santé,3 ces femmes sont celles qui utilisent le moins le préservatif, évoquant alors un signe de manque de confiance dans le couple ou la majoration des troubles érectiles masculins avec l’âge.
L’utilisation des spermicides,9 du diaphragme ou encore de la cape cervicale apparaît intéressante chez les femmes de plus de 40 ans qui signalent une sexualité parfois ponctuelle.1 Il est important de leur en expliquer précisément les modalités d’utilisation (mise en place, efficacité…).
Les méthodes « naturelles » sont les seules méthodes moins fiables après l’âge de 40 ans en raison des troubles ovulatoires de plus en plus fréquents avec l’âge.
Contraception définitive, peu proposée
La contraception définitive féminine et masculine n’est que trop peu proposée et utilisée en France par rapport à d’autres pays. Elle est soumise à une réglementation spécifique depuis 2001, avec remise d’un document écrit lors de la consultation d’information, un délai de réflexion de quatre mois et la signature d’un consentement écrit.
Seulement 8,7 % des femmes de 40 à 44 ans bénéficient de la contraception définitive féminine en France (contre 18 % au Royaume-Uni et 35 % aux États-Unis). Le nombre de contraceptions définitives féminines a été divisé par deux entre 2013 et 2022 (de 45 138 stérilisations en 2013 à 20 325 en 2022). Elle repose désormais uniquement sur la ligature tubaire ou salpingectomie par voie cœlioscopique à la suite du retrait du marché en 2017 des dispositifs Essure. Les risques de complications postopératoires sont faibles (de 0,9 à 1,6 %).
La contraception définitive masculine (vasectomie) est une technique chirurgicale avec peu de complications (douleurs, infection postopératoire). Un spermogramme est à réaliser trois mois après pour confirmer l’azoospermie. Le nombre de vasectomies a fortement augmenté depuis 2010 en France, avec un taux annuel multiplié par 15 en douze ans : 1 940 en 2010 et 30 288 en 2022 (500 000 par an aux États-Unis).10
Quand arrêter la contraception ?
La ménopause repose sur une définition clinique (un an d’aménorrhée). La décision d’arrêter une contraception est parfois délicate.1 En effet, il est exclu d’exposer la patiente à un risque de grossesse non prévue. Les symptômes de la périménopause sont très variables d’une femme à l’autre. Ce ne sont pas des marqueurs fiables de survenue de la ménopause. De même, un dosage de l’hormone de stimulation folliculaire (FSH) élevé isolé ne garantit absolument pas l’absence d’ovulation au cycle suivant.
Les différentes sociétés savantes recommandent l’arrêt de la contraception non hormonale après un an d’aménorrhée après l’âge de 50 ans. Si la patiente utilise encore une COP à 50 ans (quels que soient son type et son mode d’administration), ce qui devrait être très exceptionnel, cette dernière doit être arrêtée devant les risques vasculaires et métaboliques trop importants. Un relais par une contraception non hormonale ou progestative (hors DMPA) doit être choisi si une activité ovarienne persiste après l’arrêt. L’arrêt d’une contraception hormonale progestative est plus délicat. Les dosages hormonaux ponctuels ne sont pas fiables car très fluctuants dans cette période de périménopause et ne sont donc pas recommandés. Le principe de fenêtre thérapeutique peut être proposé après l’âge de 50 ans, si la patiente le souhaite, en maintenant une contraception par méthode barrière. Si la patiente n’est pas en aménorrhée prolongée, la contraception est reprise jusqu’à l’âge de 55 ans. Ensuite, toute contraception peut être arrêtée.
Adapter la contraception après 40 ans
La contraception après l’âge de 40 ans apparaît indispensable pour la majorité des femmes afin de leur éviter toute grossesse non prévue. Le praticien doit transmettre des informations claires et précises sur les différentes contraceptions mises à disposition : modalités de prise, tolérance, effets indésirables, contre-indications, etc. L’âge en lui-même ne contre-indique aucune contraception. Néanmoins, l’augmentation du risque vasculaire, métabolique, carcinologique et des pathologies gynécologiques bénignes mammaires et/ou utérines nécessite une évaluation précise de la balance bénéfices-risques pour chaque patiente. Les contraceptifs de longue durée d’action, la contraception microprogestative et la contraception définitive sont à privilégier.
Contraception après 40 ans, en pratique
- Chez la femme après l’âge de 40 ans sans facteur de risque vasculaire, toutes les contraceptions sont autorisées.
- Une réévaluation annuelle de la contraception est nécessaire (balance bénéfices-risques).
- En cas de facteur de risque vasculaire, il s’agit de privilégier une contraception progestative, un dispositif intra-utérin (DIU) ou une contraception définitive.
- En cas de ménorragie, dysménorrhée, le DIU au lévonorgestrel est préféré.
- En cas d’activité sexuelle ponctuelle, les méthodes barrières sont priorisées.
2. Le nombre des interruptions volontaires de grossesse augmente en 2022. DREES. Études et Résultats. Septembre 2023. n° 1281.
3. Rahib D, Le Guen M, Lydie N. Baromètre santé 2016. Contraception. Quatre ans après la crise de la pilule, les évolutions se poursuivent. Santé publique France 2017. 8 p.
4. Isley MM, Kaunitz AM. Update on hormonal contraception and bone density. Rev Endocr Metab Disord 2011;12(2):93‑106.
5. Robin G, Plouvier P, Delesalle A-S, et al. Effectiveness and use of hormonal contraceptives (except for intrauterine devices): CNGOF Contraception Guidelines. Gynecol Obstet Fertil Senol 2018;46(12):845‑57.
6. Regidor PA, Palacios S, Colli E. Bleeding profile of women with cardiovascular risk factors using a drospirenone only pill with 4 mg over nine cycles compared to desogestrel 0.075 mg. Gynecol Endocrinol 2022;38(4):333-8.
7. Roland N, Neumann A, Hoisnard L, et al. Use of progestogens and the risk of intracranial meningioma: National case-control study. BMJ 2024;384:e078078.
8. Bofill Rodriguez M, Lethaby A, Jordan V. Progestogen-releasing intrauterine systems for heavy menstrual bleeding. Cochrane Database Syst Rev 2020;6(6):CD002126.
9. Serfaty D, Prilepskaya V, Graesslin O, et al. Efficacy, safety and acceptability of a benzalkonium chloride spermicide cream in women aged 40 years and over needing contraception: A prospective multicentre study. J Gynecol Obstet Hum Reprod 2023;52(7):102616.
10. Roland N, Jourdain H , Weill A, et al. État des lieux de la pratique de la vasectomie en France, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). GIS EPI-PHARE-ANSM-CNAM. Rapport EPI-PHARE. Saint-Denis. Décembre 2023.
Dans cet article
- Contraception œstroprogestative, pas en première intention
- Contraception microprogestative en première intention
- Macroprogestatifs dans des cas particuliers
- Acétate de médroxyprogestérone, à éviter dans de nombreuses situations
- Privilégier les dispositifs intra-utérins
- Méthodes barrières et naturelles
- Contraception définitive, peu proposée
- Quand arrêter la contraception ?
- Adapter la contraception après 40 ans